Publié le 1 Feb 2017 - 19:00
AVORTEMENT CLANDESTIN ET EXCERCICE ILLEGAL DE PROFESSION DE MEDECINE

L’épouse d’émigré et l’infirmier à la retraite encourent un an de prison

 

Si Dieynaba Thiam et Hameth Konaté risquent 1 an ferme pour interruption volontaire de grossesse (Ivg) et exercice illégal de profession de médecine, Maïram Wane et Mariétou Ngom encourent 6 mois d’emprisonnement pour complicité desdits délits. Le quatuor sera édifié sur son sort demain.

 

Le Parquet est formel. L’infirmier à la retraite Hameth Konaté a posé un acte dont il n’avait pas la qualité requise. Il n’est pas un gynécologue pour ‘’consulter’’ Dieynaba Thiam, âgée de 21 ans, enceinte de six mois. D’ailleurs, le substitut du procureur va plus loin et pense que l’objectif était de mettre un terme à cette grossesse qui n’était pas la bienvenue. Alors que son mari, parti en Côte d’Ivoire, l’a abandonnée depuis plus de 3 ans, Dieynaba Thiam est tombée enceinte des œuvres de son copain. Le Parquet a donc requis 1 an de prison contre les deux prévenus pour respectivement avortement clandestin et exercice illégal de profession de médecine. Là où il a demandé 6 mois d’emprisonnement à l’encontre de Maïram Wane et de Mariétou Ngom pour complicité desdits délits. Selon le ministère public, la matérialité des faits résulte de leurs aveux circonstanciés, et que le sieur Konaté a servi des ‘’arguments légers’’ pour sa défense. ‘’Ce n’est pas son premier coup. Le prévenu est un danger pour la société, car la grossesse de la fille était très avancée. Elle pouvait y perdre la vie’’, a-t-il tonné.

Une seringue extraite dans les parties intimes de Dieynaba Thiam

Les faits remontent au 19 janvier. La fille, se sentant mal ce jour-là, sa tante a insisté pour qu’elle se fasse consulter. Elles se sont rendues au poste de Santé de Keur Massar. A leur arrivée, Dieynaba Thiam a été dare-dare évacuée à l’hôpital Principal de Dakar pour suspicion d’avortement. L’examen du médecin commandant Djibril Ndiaye a révélé ‘’une grossesse évolutive de 6 mois avec écoulement liquidien et la présence d’un corps étranger (une seringue d’insuline) dans les voies génitales’’ de la fille. Elle a fini par mettre au monde un enfant de sexe masculin, le 20 janvier dernier, à 22 heures. Admis à la crèche de l’hôpital, il est décédé, après 5 heures 10 mn de vie. La section de recherches a été activée.

A la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, Dieynaba Thiam a soutenu que son amie Maïram Wane l’a mise en rapport avec Mariétou Ngom qui à son tour lui a présenté le Docteur Konaté qui loge à Castors, près de la Cité des Eaux. Ce dernier, dit-elle, lui a demandé 50 000 F CFA. Après marchandage, ‘’nous sommes tombés d’accord pour 25 000 F CFA. Je lui ai remis les 5000 F CFA que j’avais. Ce n’est que le lendemain que j’ai pu lui envoyer 20 000 F CFA’’, a narré la couturière. Qui a fait cette révélation : ‘’Après avoir introduit un objet dans mon sexe, il m’a dit que les premiers signes de l’avortement apparaîtraient, quelques jours plus tard, par la perte d’eau. Mais, je n’ai pas vu de résultat. Rien n’a changé et finalement, j’ai accouché d’un bébé prématuré qui pesait 900 grammes’’. La cause ? Il y a eu ‘’déficit de liquide amniotique’’.

Hameth Konaté : ‘’Je lui ai prescrit un doliprane’’

Sa copine Maïram Wane, née en 1986, a confié : ‘’Elle m’a appelée pour me dire qu’elle était en état de grossesse de 2 mois. Je lui ai conseillé d’en parler à sa mère. Ce qu’elle a refusé. Ne sachant quoi faire, je l’ai mise en rapport avec Mariétou Ngom qui l’a présentée à Hameth Konaté. J’ai pensé faire une bonne chose, parce qu’elle est mon amie’’. En ce qui concerne Mariétou, la dame de 36 ans avait déclaré à l’enquête que c’est son amie Khady, accompagnée de Maïram Wane, qui est venue lui poser le problème. Elle les a mises en rapport avec son docteur, afin que la mariée se fasse avorter. Hier devant le juge, elle a changé de version. ‘’J’ignorais la grossesse de Dieynaba Thiam. Elle m’a dit qu’elle était malade et qu’elle voulait aussi faire le planning familial’’, a-t-elle déclaré.

Agé de 65 ans et infirmier d’Etat à la retraite, Hameth Konaté s’est défendu. ‘’J’ai trouvé la fille chez moi. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas vu ses règles, depuis un certain temps et qu’elle n’était pas mariée. Je lui ai demandé de se coucher et par expérience, j’ai su qu’elle était enceinte de plusieurs mois. J’ai pris sa tension qui était basse avant de lui prescrire un doliprane. Comme elle m’a dit que ses parents sont décédés, je lui ai demandé de me donner ce qu’elle avait’’. Constitué pour assurer la défense des prévenus, Me Bamba Cissé a fait savoir que rien ne prouve que l’avortement ait été provoqué par le sieur Konaté. Sur ce, il a soutenu qu’il y a un doute qui peut lui profiter.

‘’Je n’aime pas mon mari. Mes parents m’ont forcée à l’épouser’’

‘’Dieynaba Thiam est mariée depuis 3 ans et demi. De fil en aiguille, elle a pris une grossesse extra conjugale. Elle a été moralement contrainte d’avorter. Car, il y a un poids social qui a pesé sur elle’’, a ajouté Me Bamba Cissé. Selon l’avocat, la dame ne voulait pas être la risée de son quartier. A la question qui lui a été posée par les enquêteurs, de savoir pourquoi elle a eu des relations sexuelles avec une autre personne, sachant qu’elle est dans les liens sacrés du mariage, Dieynaba Thiam a confessé : ‘’Je n’aime pas mon mari. Il se trouve actuellement en Côte d’Ivoire.

Mes parents m’ont forcée à me marier avec lui. Lorsqu’il m’envoie de l’argent, cela ne me parvient pas. Après notre mariage, je couchais rarement avec lui. Il ne m’appelle pas au téléphone. Je lui ai demandé le divorce,  mais il a refusé de me libérer. Depuis, j’ai quitté le domicile conjugal pour aller vivre chez ma tante à Malika dans la banlieue dakaroise’’. La couturière de préciser : ‘’Les membres de ma famille savaient que j’étais enceinte, à l’exception de mon père, parce que je craignais qu’il se fâche contre moi. Mais personne n’était au courant de mon intention de me faire consulter par un particulier. J’avais peur d’aller à l’hôpital. Mon copain Zakaria Sy savait que j’étais mariée. Lui non plus, je ne lui ai rien dit, parce qu’il ne voulait pas de l’avortement.’’

Même si Dieynaba Thiam a été consciente des faits, le conseil a demandé au tribunal de réduire la peine requise par le Parquet au strict minimum. Non sans sollicité la relaxe pure et simple pour Mariétou Ngom au bénéfice du doute.

Répondant au ministère public, son confrère de la défense a rappelé que l’aveu n’est pas la reine des preuves. Selon lui, il y a une absence d’intention contre Maïram Wane. ‘’Nous sollicitons la compréhension du juge pour une application extrêmement magnanime de la loi pénale pour que les prévenus se resocialisent’’. Délibéré au 2 février.

AWA FAYE

 

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