Publié le 15 Oct 2018 - 18:23
AVORTEMENT MEDICALISE

L’équation de la légalité

 

Les avortements à risque constituent la 5e cause de décès maternels au Sénégal. Une task force veut amener l’Etat à adopter la loi sur l’interruption médicalisée de grossesse pour les femmes victimes de viol, d’inceste et en cas de malformation.

 

Au Sénégal, la législation sur l’avortement est à la fois restrictive et ambiguë. L’avortement est un délit. Bien que le Code pénal du pays interdise formellement l’interruption de la grossesse, le Code de déontologie des médecins autorise l’avortement, si trois médecins attestent la nécessité de la procédure pour sauver la vie de la femme enceinte. En plus, il est connu que certaines femmes viennent aux structures de santé avec des complications après un avortement à risque. Mais la pratique est illégale. Selon Mme Aïssatou Sanokho, sage-femme, par ailleurs membre de la task force pour l’avortement médicalisé, ces femmes ne représenteraient que le sommet de l'iceberg. En effet, 8 % des décès maternels sont liés aux avortements et risques, et 50 % des motifs d’admission en urgence. Elle présentait, samedi, les résultats d’une enquête réalisée en 2015 sur l’incidence de l’avortement clandestin et ses complications.

Cette rencontre organisée par l’Association des femmes juristes du Sénégal (Ajs) va permettre aux journalistes de mieux s’imprégner des questions liées aux Droits de l’homme. Particulièrement l’autorisation de l’avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste et de malformation. A l’en croire, le but de l’enquête des structures de santé était d’obtenir des données concernant le nombre de femmes prises en charge dans les établissements, pour cause de complications après avortement. Selon les estimations, 51 500 avortements ont été provoqués au Sénégal en 2012, soit un taux de 17 avortements pour 1 000 femmes âgées de 15 à 44 ans.

‘’Cela signifie que près de 2 % des femmes au Sénégal ont fait un avortement chaque année. En plus, la plupart des avortements ont été pratiqués dans des environnements non-médicalisés’’, a-t-elle souligné. À Dakar, le taux d’avortement est plus élevé que dans le reste du pays ; 21 % contre 15 %. La différence s’explique probablement, d’après Mme Sanokho, par le fait que les résidentes de la capitale désirent moins d’enfants et sont plus motivées à éviter les naissances non-planifiées que les femmes des autres régions du pays. ‘’Les femmes des régions avoisinantes se rendent vraisemblablement aussi à la capitale pour se faire avorter et pour obtenir les soins nécessaires après avortement ; 55 % des Sénégalaises qui se font avorter rencontrent des complications qui requièrent un traitement médical ; 42 % de ces femmes n’obtiennent cependant pas les soins dont elles ont besoin’’, a-t-elle regretté.

32 % des femmes ayant avorté sont traitées d'une complication

Selon Mme Sanokho, la proportion des complications qui ne reçoivent pas de soins est beaucoup plus faible parmi les femmes non pauvres que chez les femmes pauvres. Selon l’enquête auprès des professionnels de la santé, les méthodes d’interruption de grossesse les plus courantes au Sénégal sont l’ingestion d’agents caustiques (tels que l’eau de Javel ou détergent), l’ingestion de solutions à base de plantes et les procédures chirurgicales comme l’aspiration manuelle sous vide et la dilatation et le curetage. Alors que tout cela n’est pas indiqué. L’enquête indique également  que 65 % des citadines non pauvres qui se font avorter, le font dans un environnement médicalisé, comparé à seulement 27 % de femmes rurales pauvres. ‘’Les femmes pauvres sont plus susceptibles d´avoir des complications que les femmes non pauvres’’, a-t-elle précisé.

A l’en croire, en général, les avortements chirurgicaux sont les plus courants parmi les femmes urbaines plus ou moins riches (qui disposent d’un meilleur accès aux médecins et autres professionnels médicaux), tandis que l’ingestion de substances caustiques ou de solutions à base de plantes sont plus courantes parmi les femmes pauvres et parmi celles des milieux ruraux. Les répondants des établissements prestataires de soins après avortement ont indiqué avoir traité des patientes souffrant de différentes complications de l’avortement, y compris d’hémorragie, d’avortement incomplet, de choc, de septicémie et d’autres difficultés telles que l’insuffisance rénale ou l’infection.

VIVIANE DIATTA

 

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