Publié le 14 Mar 2018 - 16:45
AXE DAKAR-BANJUL

Macky Sall loue les efforts pour la mobilité

 

En conférence de presse conjointe hier au State House de Banjul, les présidents gambien et sénégalais ont posé un pas de plus dans la consolidation de la coopération bilatérale. Pont sur le fleuve Gambie, suppression des barrières, arrêt de tracasseries, sécurisation des frontières..., le président Macky Sall a appelé à concrétiser tous ces vœux

 

‘‘We feel like home.’’ ‘‘Nous nous sentons comme chez nous.’’ Venant de la part du président sénégalais Macky Sall en direction de son homologue gambien, cette salutation n’a rien de l’habituelle politesse discursive entre dirigeants dans ce genre de rencontre. Les relations se sont plus qu’améliorées sur l’axe Dakar-Banjul depuis l’installation d’Adama Barrow après le départ de Yahya Jammeh. Les points d’achoppement traditionnels sur lesquels a buté la diplomatie bilatérale pendant 22 ans cèdent sous le volontarisme affiché par les deux leaders.

A commencer par le pont sur le fleuve Gambie qui doit assurer la continuité territoriale et offrir une alternative à l’enclave gambienne. ‘‘Nous devons maintenir le rythme, parce que ce pont n’est pas seulement une infrastructure de transport ordinaire. C’est aussi un facteur de progrès économique, un trait d’union indispensable entre les peuples et un puissant facteur d’intégration sous régional’’, a déclaré le Président Macky Sall. Appelé abusivement pont de Farafenni, les travaux sont réalisés à hauteur de 60 à 65% alors que le précédent régime gambien ne montrait pas les mêmes dispositions à aller aussi vite. D’ailleurs l’allocution du chef d’Etat sénégalais avait principalement trait à la ‘‘libre circulation des personnes et des biens’’, dont la première qui lui est dédiée se tient demain à Karang. Malgré les instances communautaires qu’ils partagent et le fait que la Gambie soit une enclave à l’intérieur du Sénégal, la libre circulation n’a connu des progrès que très récemment.

Les exécrables relations sur ce point s’étaient traduites par les complaintes des usagers de la route, des camionneurs sénégalais principalement, et avaient atteint leur paroxysme en avril 2016. Deux mois plus tôt, le 10 février, la Gambie fermait ses frontières, exigeant un droit de passage de 400 000 F CFA aux camions qui traversaient son territoire. S’ensuivit un blocus initié par les syndicats de transport sénégalais avec le soutien tacite du gouvernement qui a contraint Yahya Jammeh à revoir sa copie. Présentement, le Sénégal promeut la fluidité. ‘‘Nous devons lutter plus fermement contre toutes les tracasseries administratives, les barrières non tarifaires et les pratiques anormales le long des corridors et aux frontières. Ces entraves, en plus de violer les textes de la CEDEAO, heurtent sérieusement le sentiment de citoyenneté sénégambienne chez nos populations’’, avance le Président Macky Sall.

Sécurisation frontalière

Cette première session du Conseil présidentiel sénégalo-gambien a exploré tous les secteurs de coopération possibles. La veille, lundi, le ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Sidiki Kaba, avait annoncé de nouvelles perspectives dans quinze domaines de coopération dont la sécurité. L’autre talon d’Achille stratégique sur lequel appuyait sans retenue l’ancien président gambien, c’est la coupe et la vente illicites de bois sur la large façade frontalière.

Le président sénégalais a estimé que l’harmonisation de la coopération sécuritaire doit inclure ce phénomène qui menace tous les deux pays. ‘‘Cela passe nécessairement par une lutte déterminée et coordonnée contre toutes les formes de criminalité et de trafic illicite, y compris l’exploitation illégale de nos ressources naturelles. Le trafic illicite n’est pas seulement une violation formelle de la loi. Il est aussi et surtout une source d’instabilité pour la société et l’Etat. C’est pourquoi nous ne devons ménager aucun effort pour faire de la lutte contre ce fléau une priorité de premier ordre, notamment dans le cadre de l’Accord sur la gestion des ressources transfrontalières dans le domaine de la foresterie’’, a-t-il déclaré. Mais les trafics en tout genre sur cette frontière cachent un mal plus profond que le Sénégal cherche à juguler depuis plus de deux décennies : priver la rébellion casamançaise de sa profondeur gambienne. Sous le régime Jammeh, le pays était un soutien et une base de repli pour les mouvements irrédentistes qui vont devoir s’adapter à cette nouvelle donne.

RETRAIT FORCES ARMEES  DE GAMBIE

A l’appréciation de la Cedeao et de Banjul

Banjul s’est-elle suffisamment fortifiée pour être sevrée de la protection militaire qui assure sa stabilité depuis le départ de Yahya Jammeh en janvier 2017 ?  Le président Macky Sall a servi une réponse diplomatique

La force régionale ouest africaine en Gambie (Ecomig), comprenant un contingent de 7 000 soldats sénégalais, va-t-elle demeurer en Gambie au-delà de mai 2018, date de la fin de mission ? C’est bien possible à court terme, si l’on en juge par les paroles prudentes du président Macky Sall qui avance que le retrait ne dépend pas du Sénégal ‘‘mais plutôt de Banjul et de l’instance sous régionale’’. Des propos tenus hier en conférence de presse conjointe avec son homologue gambien Adama Barrow, à l’issue de la première session du Conseil présidentiel sénégalo-gambien.

Le chef de l’Etat sénégalais dont le rôle a été central dans la crise postélectorale gambienne, puis dans le départ de Yahya Jammeh du pouvoir, a évoqué la préséance des institutions internationales, de l’instance ouest-africaine, et le désir de Banjul de procéder au maintien ou retrait. ‘‘Cela ne dépend pas du Sénégal. La Cedeao avait en son temps jugé nécessaire d’envoyer une mission des forces de défense et de sécurité en Gambie pour y restaurer la démocratie et sécuriser le pays. Il appartient à la Gambie de décider ou non de ce retrait, mais pas Dakar’’, a insisté Macky Sall.

‘‘Les forces de défense et de sécurité du Sénégal et celles de la CEDEAO établies en Gambie depuis plus d’un an se retireront quand Banjul aura formulé la demande’’, a-t-il renchéri. Le mandat de cette force a débuté le 19 janvier 2017,  quand le président Adama Barrow a prêté serment à l’ambassade de Gambie à Dakar. En janvier dernier, il a annoncé lui-même le déploiement de 500 nouveaux soldats pour renforcer l’Ecomig. Mieux,  l’ancien commandant de cette force, le colonel Magatte Ndiaye, a été remplacé par son compatriote le Colonel Fulgence Ndour, le 5 mars dernier. Tout ceci concourt à confirmer qu’un retrait est improbable comme s’est plu à le rappeler diplomatiquement le président sénégalais. ‘‘Cette mission qui a été décidée à la suite de résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU) et de l’Union africaine avait pour but d’installer Adama Barrow, après le refus de l’ancien président (Yaya Jammeh) de quitter le pouvoir. Elle avait aussi pour but de sécuriser le pays’’, a déclaré le Président Macky Sall.

OUSMANE LAYE DIOP

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