Publié le 14 Jul 2020 - 03:25
BABACAR MAKHTAR WADE, PRESIDENT FEDERATION JUDO

Mbagnick Ndiaye garde ses chances de qualification aux JO

 

Le président de la Fédération sénégalaise de judo est l’invité du Club de la presse, ce week-end. Lors de cet échange avec la presse sportive, Babacar Makhtar Wade a fait l’état des lieux de la discipline au Sénégal, depuis son arrivée à la tête de l’instance, en 2014. Selon lui, le champion d’Afrique en titre, Mbagnick Ndiaye, garde ses chances de qualification aux Jeux olympiques Tokyo-2020, s’il parvient à maintenir son classement actuel.

 

Etat des lieux du judo

‘’Le judo a eu à traverser quelques turbulences, à partir des années 2010, qui avaient conduit à la mise en place d’un comité de normalisation. Une fédération a été élue en 2014 dont j’ai l’honneur de diriger. Depuis lors, on a essayé de mettre en place un certain nombre de chantiers. Le point stratégique sur lequel travaille la Fédération sénégalaise de judo, depuis quelques années, repose essentiellement sur 7 chantiers.

Le premier était de remettre à niveau l’ensemble de nos textes. Il faut souligner, au passage, qu’en partie, c’est à cause des textes qui n’étaient pas toujours en adéquation avec le contexte actuel. Le bureau a eu quelques problèmes, notamment au niveau de l’organisation de ses assemblées générales. Le deuxième chantier consiste à travailler à la massification. Le constat est que le nombre de licenciés est très bas au niveau des statistiques de la fédération. Donc, il était important de voir un peu comment est-ce qu’on pouvait travailler à la massification du judo sénégalais. C’est dans ce cadre qu’on avait mis en place le projet ‘’Judo à l’école’’ qui nous avait donné pas mal de satisfaction. Cela nous a permis, sur les deux premières années de mise en œuvre, d’ouvrir 30 dojos scolaires dans 8 régions du pays.

Le troisième axe concerne l’autonomisation financière de la fédération, pour ne pas toujours dépendre de l’arbitrage budgétaire du ministère des Sports. Il s’agit de travailler avec nos partenaires pour le sponsoring, de manière à assurer au mieux l’autonomisation financière de la fédération.

Le quatrième volet est la gestion de notre élite. Autant on doit travailler sur la massification, autant on doit assurer l’autonomisation financière, mais l’élite reste la vitrine de la fédération. Il était important qu’on travaille à assurer une bonne gestion de notre élite. Ce qu’on a relativement bien réussi, parce que le Sénégal n’avait pas eu de titre de champion d’Afrique chez les hommes depuis 1996. On a pu avoir Mbagnick Ndiaye comme champion d’Afrique, en 2019. Il a également gagné les Jeux africains à Rabat la même année. C’était la seule médaille d’or du Sénégal.

Le cinquième axe, c’est par rapport à la formation. On essaye, au mieux, de reprendre certaines formations à différents niveaux, que ce soit dans l’encadrement technique, c’est-à-dire le coaching, l’arbitrage, les commissaires de table avec la direction sportive. A ce niveau, il y a eu des programmes qui ont été mis en œuvre, de concert avec l’Académie de la Fédération internationale.

Le sixième point est le programme d’infrastructures. On a essayé d’aider certains clubs et certaines ligues pour le renouvellement de leur matériel technique. Cela a été une chose très importante qui a été bouclée avec l’ouverture de nouveaux dojos et leur équipement. Le dernier axe concerne le volet social. On s’est rendu compte que bon nombre de nos anciens champions qui ont fait le bonheur du judo sénégalais, traversaient parfois des situations assez difficiles. Notre obligation était de voir comment venir en aide à ces membres de la grande famille du judo sénégalais.

Voilà les sept axes de développement stratégique qui fondent aujourd’hui les actions notre fédération.

La discipline, au Sénégal, se porte pas mal. En termes de mise en œuvre de notre calendrier national, toutes nos compétitions se déroulent correctement. On a pu faire revenir toutes les compétitions qui avaient disparu du calendrier depuis une dizaine ou une quinze d’années, comme la Coupe de l’ambassadeur, la Coupe du chef d’état-major des armées, celle du haut-commandant de la gendarmerie. Le Sénégal a également lancé l’Open international de Dakar, qui est un tournoi qualificatif pour les Jeux olympiques. On a tenu les éditions de 2018 et 2019. Le Sénégal a organisé, l’année dernière, les championnats d’Afrique cadets et juniors. Pour la première fois, le Sénégal a eu des champions dans les petites catégories, notamment chez les cadets. D’un point de vue organisation de la fédération, toutes les ligues ont été renouvelées l’année dernière. Les finances de la fédération restent encore l’axe sur lequel on doit travailler, même si de gros efforts ont été faits.

En 2014, quand on arrivait, le budget annuel tournait autour de 14 à 15 millions et portait essentiellement sur les licences. Aujourd’hui, le budget de la fédération dépasse 100 millions par an. C’est quelque chose sur lequel le bureau fédéral actuel a beaucoup travaillé. Il reste entendu qu’il y a des points faibles sur lesquels nous devons travailler.’’

Projet ‘’Judo à l’école’’

‘’Le ‘’Judo à l’école’’ est un projet sur lequel nous fondons beaucoup d’espoir, notamment dans la perspective des JOJ Dakar-2022. Mais il faudrait une analyse dans un contexte un peu plus global. C’est notamment en relation avec le ministère de l’Education. C’est une chose d’ouvrir un dojo dans un établissement scolaire, s’en est une autre de former des champions capables de rivaliser avec les meilleurs pour Dakar-2022. Il faudrait un réajustement des quantums horaires d’entrainement.

Dans nos dojos scolaires, aujourd’hui, on s’entraine quatre à six heures par semaine. Ce n’est pas ce qui permet de gagner une médaille olympique aux JOJ. Il faudrait qu’on voit avec le ministère des Sports, celui de l’Education nationale, les différentes inspections académiques, comment on pourrait réorganiser le calendrier de notre jeune élite, de manière à pouvoir offrir plus de temps d’entrainement. Donc, réaménager leurs horaires académiques afin que nous puissions fonder plus d’espoir sur nos dojos scolaires, à l’horizon 2022.’’

Reprise entrainements

‘’Le judo est un sport de combat, de contact. Assurer les mesures barrières de distanciation, naturellement, c’est quelque chose qui ne pourra presque pas être fait. On a déjà travaillé sur le protocole de reprise qui tient sur trois phases évolutives, en fonction de la pandémie. La première sera sans contact sur une durée de trois à quatre semaines. Après, si les conditions le permettent, on va passer à la phase 2 qui permettra du contact dans certaines mesures ou certaines conditions avec le respect du nombre de pratiquants par mètre carré.

Pour chaque couple de judokas, il faut qu’on puisse prévoir quatre mètres carrés de tatami pour permettre une relative distanciation au sein de la salle. Avant de passer à la phase 3 qui est celle de l’ouverture globale où on reprendrait nos entrainements selon les protocoles qui existaient avant le début de la pandémie. Naturellement, avec des mesures d’accompagnement qui sont des dispositifs de lavage des mains, de désinfection des salles, des prises de température à l’entrée, le port du masque obligatoire sur la première phase. Ainsi que la sensibilisation des pratiquants pour l’attitude à avoir même pendant les périodes de non entrainement. On a proposé le protocole au ministère des Sports pour approbation. Une fois qu’on aura l’accord de la tutelle, on verra comment le mettre en œuvre.

Il reste entendu que même avec cette période de pandémie, nos judokas ne sont pas restés à ne rien faire. On a pu organiser des challengers qui permettaient de faire des exercices de judo, même si les gens étaient obligés de travailler seuls.’’

Le judo dans les régions

‘’La cartographie du judo est en train de changer. Il est vrai qu’au niveau de nos statistiques nationales, la moitié des clubs se trouve à Dakar. Aujourd’hui, dans quasiment toutes les régions, on a des dojos. A part Dakar, il y a trois autres ligues qui sont très fortes, avec beaucoup de clubs. C’est le cas de la ligue de Thiès, celle de Saint-Louis et celle de Ziguinchor qui, d’ailleurs vient, en termes de nombre de clubs, juste après Dakar. Rien que dans la région de Ziguinchor, dans le cadre du projet ‘’Judo à l’école’’, on a ouvert 7 nouveaux clubs. Pour ce qui est de la région de Thiès, on a ouvert 5 nouveaux clubs, dans le cadre du projet ‘’Judo à l’école’’. Depuis 2015, la fédération est en train de décentraliser ses activités, même à travers l’organisation des championnats du Sénégal, que ce soit chez les cadets et juniors que chez les seniors. Ainsi, on a déjà organisé des championnats du Sénégal à Ziguinchor, en 2016, à Fatick en 2017, à Thiès en 2018. On est parti pour les cadets et juniors à Saint-Louis en 2016, à Diourbel en 2017, à Kaolack en 2018. Des efforts sont en train d’être faits pour la pratique du judo ne se limite pas simplement à Dakar.’’

Qualifications au JO

‘’Il est vrai qu’il nous a fallu vingt-quatre ans pour reconquérir le titre de champion d’Afrique chez les hommes et pas dans n’importe quelle catégorie. La catégorie des lourds ; c’est vraiment la plus prestigieuse dans le monde du judo. Le chemin a été long et difficile, mais on y est arrivé. La fédération que je dirige a travaillé pendant trois ans pour la reconquête. Les femmes ont eu plus de palmarès ces dernières années que les hommes. Mais l’autre analyse qu’il faudrait faire, est que depuis les années 2000, on a eu des femmes championnes d’Afrique. Que ce soit Hortense Diédhiou, Fary Sèye, Fanta Keïta, c’est parce que, peut-être, à l’époque, ces athlètes avaient la chance d’être dans des centres de perfectionnement. Toutes les trois étaient dans le centre de l’UAJ au Maroc. Elles ont été championnes d’Afrique parce qu’elles étaient dans des conditions de performance dans ce centre qui leur permettaient d’être au top niveau. Depuis 2010, il n’y a pas eu de Sénégalais dans ces centres. Tout ce qui se faisait, l’était au niveau local. C’est là où la victoire de Mbagnick est importante pour nous. C’est un produit qui a été formé de toutes pièces avec nos méthodes chez nous au Sénégal. Contrairement à d’autres qui ont été formés ou perfectionnés dans des centres d’entrainement hors du Sénégal. Lorsqu’on a senti que le diamant était prêt, il a fallu le polir. On l’a mis sur des stages, soit au niveau de l’Insep, à la Hongrie dans le centre de la Fij (Fédération internationale de judo, NDLR). Et voilà, cela nous a donné les résultats qu’on peut tous constater.

Si on devait arrêter la liste des qualifiés pour Tokyo-2020, je peux dire que Mbagnick se qualifie. Maintenant, on va continuer à parfaire son classement, parce que la qualification au judo se fonde sur la ranking-list mondiale. Donc, il faut que lorsque les compétitions sur le plan international reprendront, qu’il puisse se remettre sur le circuit international pour garder son classement actuel. Maintenant, il y a quelques éléments qui, peut-être ont, quelques chances de qualification pour 2020. Ces athlètes, également, on essayera de les appuyer au mieux et peut-être qu’ils pourront nous faire la bonne surprise d’offrir la qualification au Sénégal pour les JO.’’

Les similitudes Mbagnick et Teddy Riner

‘’La comparaison entre Mbagnick et Teddy Riner est légitime. On avait mis l’année dernière Mbagnick sur le stage en marge du Grand slam de Paris. Pendant les stages, les entraineurs des équipes de France ont vu Mbagnick et ont proposé à la fédération (sénégalaise) qu’il intègre l’Insep pour pouvoir s’entrainer avec Teddy Riner, simplement parce qu’en termes de gabarit, de technicité et de sérieux dans le travail, les gens avaient senti qu’avec Mbagnick, Teddy pouvait encore s’entrainer sérieusement. Pour vous dire qu’aujourd’hui, Teddy est un monument du judo mondial. Ce qu’on peut souhaiter à Mbagnick, c’est de continuer à le côtoyer et lui aussi pourrait entrer dans l’histoire du judo mondial.’’

Le cas Hortense Diédhiou

‘’Concernant Hortense Diédhiou, je ne pense pas que la question soit à jour. Aujourd’hui, je ne vois pas Hortense crier haut et fort pour dire que le Sénégal ne veut pas qu’elle défende ses couleurs. Elle ne peut plus prendre part à une compétition. Elle est au-dessus de l’âge de compétition. Elle le comprend et nous aussi. Et nous sommes en parfaite intelligence. Elle est en train de faire un excellent travail dans sa région natale de Ziguinchor. Elle y est en train de développer le judo en ouvrant des clubs performants qui participent aux compétitions nationales. Aujourd’hui, tant pour Hortense que pour la fédération, l’idée n’est pas qu’elle revienne à la compétition, mais plutôt comment elle pourrait aider dans l’encadrement technique.’’

LOUIS GEORGES DIATTA

Section: