Publié le 3 Oct 2019 - 23:56
BAISSE DU NIVEAU DES ELEVES

Les parents d’élèves diagnostiquent le mal

 

Très préoccupés par l’avenir de leurs enfants, les parents d’élèves ne veulent pas être en reste dans la recherche de solution pour l’amélioration du système éducatif sénégalais et le relèvement du niveau des potaches.

 

S’il y a une chose sur laquelle s’accordent tous les acteurs du système éducatif sénégalais, c’est la baisse continue du niveau des élèves. Là où ils ne parlent pas le même langage, c’est sur les causes. Chacune des parties rejetant la faute sur l’autre.

Mais, selon le président de la Fédération nationale des parents d’élèves et d’étudiants du Sénégal, Bakary Badiane, les causes de cette situation sont aussi diverses que variées et ne sauraient être imputées à une seule partie. Toutefois, il relève que si les responsabilités sont partagées, les enseignants ont une plus grande part. Déjà, il indexe le quantum horaire qui n’est jamais atteint, selon lui, à cause des grèves cycliques des enseignants et le faible niveau de certains d’entre eux.

‘‘Il faut le reconnaitre, on a voulu avoir un taux de scolarité élevé, mais ça a un coût. Il faut de bons enseignants, des moyens nécessaires et une stabilité du front social toujours en ébullition depuis plusieurs années’’, dit-il.

Pour M. Badiane, le niveau des enfants continuera de baisser, tant que le front social n’est pas apaisé à travers une prise en charge effective des revendications des enseignants et une prise de conscience de ces derniers, du rôle qu’ils ont dans la formation des enfants.

Il appelle donc l’Etat et les syndicats d’enseignants à pacifier leurs relations et à mettre en avant l’intérêt des enfants qui sont l’avenir de toute la nation sénégalaise. En outre, il invite les autorités étatiques au respect des engagements auxquels il a souscrit. Aux enseignants, de limiter leurs revendications. Aussi, appelle-t-il les autorités à réhabiliter les enseignants dans leurs droits, en leur permettant d’avoir un plan de carrière comme tous les autres fonctionnaires de l’Etat.

‘’Nous ne défendons pas les syndicats d’enseignants, mais nous voulons que l’Etat joue pleinement son rôle dans sa politique éducative, en mettant les moyens qu’il faut et en recrutant de bons enseignants’’, précise-t-il. Avant d’appeler l’Etat à revoir à la hausse l’âge de la retraite des enseignants, à défaut de les maintenir quand ils vont en retraite. ‘’Je reste convaincu que l’on ne peut pas laisser des enseignants aller à la retraite, alors qu’ils sont toujours actifs. On a besoin de ces professeurs de philosophie, de mathématiques, de physique-chimie et autres disciplines qui vont à la retraite avec toute l’expérience qu’ils ont pu capitaliser durant leur carrière. Il faut les maintenir, tant qu’ils sont aptes à travailler, en leur signant des contrats spéciaux, compte tenu des besoins de l’Etat. Souvent, ceux qui vont à la retraite sont capables de servir encore pendant des années. La preuve est qu’ils sont toujours actifs dans le privé’’, déclare-t-il.

Outre les syndicats d’enseignants, Bakary Badiane indexe aussi les collectivités territoriales qui, souvent, tardent à livrer les fournitures, alors que le démarrage des cours n’attend pas. Et n’interviennent pas trop dans le règlement des inondations notées dans certains établissements scolaires envahis par les eaux. Une situation qui menace d’ailleurs la matérialisation du concept ‘’Ubi tey, Jang tey’’.

M. Badiane dénonce ainsi un dysfonctionnement qu’il urge de corriger avant l’ouverture des classes.

En dépit de toutes les difficultés rencontrées dernièrement et les relations tendues entre Etat et syndicats d’enseignants dont certains ont d’ores et déjà déposé des préavis de grève, il espère une année scolaire stable, cette fois-ci. ‘’Le nouveau ministre de l’Education nationale a rencontré les syndicats d’enseignants. Durant quatre jours, ils ont travaillé ensemble. Avant cela, ils se sont retrouvés à Thiès pour préparer cette rencontre. Nous ne pouvons qu’espérer une entente qui va perdurer’’, soutient M. Badiane.

Durant ces rencontres, autorités étatiques et syndicats d’enseignants ont profondément discuté des problèmes rencontrés dans le système éducatif sénégalais. Ensemble, ils ont décidé d’agir pour y apporter des solutions pérennes.

COURS DE VACANCES GRATUITS DE BONNES VOLONTES

Les bons samaritains de l’enseignement

La baisse du niveau des élèves ne fait plus débat. Tout le monde est presque unanime là-dessus. Cependant, si certains croisent les bras et imputent toute la responsabilité de cette situation à l’Etat et aux enseignants, d’autres citoyens mettent la main à la pâte, en organisant des cours de vacances gratuits pour aider les élèves à parfaire leur niveau.   

 

L’école Amadou Lamine Diène de la Gueule-Tapée. Trois fillettes sont assises sur l’un des bancs publics qui ornent la cour. Elles prennent leur goûter en discutant de la prochaine rentrée, l’air tout enthousiaste.  Pendant ce temps, M. Seck, la soixantaine révolue, donne des exercices de lecture aux élèves de la classe d’à-côté. Livre d’application entre les mains, il lit à haute voix et les élèves répètent en chœur après lui.

En ce vendredi 27 septembre, on dirait qu’on est en pleine année scolaire.  Il est 9 h. Des parents d’élèves arrivent les uns après les autres pour déposer leurs enfants à l’école. L’ambiance est studieuse. Les élèves, composés en majorité de vacanciers, profitent des cours gratuits de M. Seck pour parfaire leur niveau avant la rentrée qui se profile à l’horizon. 

Membre du comité de gestion de l’école, Boubacar Seck, ancien chimiste à la retraite, consacre son temps libre à aider les enfants à relever leur niveau en lecture, orthographe, grammaire, mathématiques, etc.

En effet, depuis le début du mois d’août, plusieurs enfants du quartier suivent, du lundi au vendredi, ses cours, de 9 h à 13 h. Une initiative qui lui permet de participer à la formation des enfants, mais aussi de s’occuper de son temps. ‘’On n’a pas la prétention de remplacer les maîtres. On est juste là pour faire aimer les enfants ce qu’ils font. C’est une passion et en tant que personne ressource, ça nous occupe. Notre seule motivation est le plaisir d’aider les enfants’’, déclare le vieux Seck, les yeux rivés sur son livre. 

Même ambiance à l’école Abdourahmane Wane, dans le même quartier.  Ici, les cours de vacances et les inscriptions pour la prochaine rentrée vont bon train. Et c’est le président du comité de gestion de l’école lui-même qui est occupé à dispenser les cours. Il reçoit en même temps des parents pour les formalités d’inscriptions de la nouvelle année. Avec l’inauguration de la grande mosquée Massalikoul Djinane, l’affluence est timide à l’école. Seuls quelques élèves ont fait le déplacement pour suivre les cours de vacances. C’est surtout les préparatifs de la rentrée qui occupent les esprits.

La responsabilité des parents

Dans cet établissement, tout est en place pour démarrer les cours et étudier dans de meilleures conditions. Cependant, le gestionnaire constate que malgré tous les efforts fournis par les autorités de l’établissement, la baisse du niveau des élèves reste une dure réalité dans cette école, comme c’est le cas dans la plupart des autres établissements du Sénégal.  ‘’Le niveau est faible, surtout en lecture et en calcul. On est en train de faire des exercices en mathématiques, mais la plupart des élèves peinent à résoudre les opérations’’, indique-t-il. Avant de désigner les parents comme principaux responsables de cette situation.  

En effet, selon ce passionné de l’éducation, la principale cause de la baisse du niveau des élèves est la démission des parents qui ne s’occupent plus du suivi des enfants à la maison. ‘’Si l’enfant n’est pas suivi à la maison, il ne peut pas faire des résultats. Il faut savoir que l’enfant, c’est comme un capital qu’on place à la banque.  De la même manière que ce capital doit produire de l’intérêt, l’enfant aussi doit réussir. S’il ne réussit pas, c’est un échec pour le parent’’, estime-t-il.

Cheikh Tidiane Diallo, parent d’élève rencontré à cet établissement, est du même avis. Pour lui, c’est surtout les hommes qui ne se préoccupent plus de l’éducation de leurs enfants. ‘’C’est la fille de mes voisins. Je suis venu l’inscrire parce que sa maman est malade et son père ne se préoccupe pas de son éducation. Elle a déjà dépassé l’âge d’entrer à l’école, car elle a 8 ans, mais son père s’en fiche. Il ne fait aucun effort pour ses enfants. C’est toujours la maman qui se bat pour leur éducation. Ce qui est une preuve de la démission des parents, surtout pour nous les hommes’’, déclare-t-il. 

Le système des quotas de recrutement des enseignants, à l’origine du mal

Si tout le monde s’accorde sur la baisse du niveau des élèves, elle ne saurait, toutefois, être imputée aux enseignants seulement. Pour l’inspecteur Oumar Fall de l’Inspection de formation (If) de Dakar-Plateau, les responsabilités sont partagées depuis le niveau central jusqu’aux écoles.  ‘’Tous les élèves sont éducables. Les responsabilités se situent au niveau des adultes, parce que l’enfant est un être en miniature, et c’est à nous de leur montrer la voie pour qu’ils puissent se mettre sur les rails. La responsabilité, c’est donc au niveau des adultes, depuis le ministre, en passant par les parents jusqu’aux écoles’’, estime-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Il y a des enseignants qui tiennent des classes de Cm2 et qui n’ont pas le niveau. C’est même difficile de voir un maître qui s’exprime et manie correctement la langue’’ française, regrette-t-il.

En outre, l’inspecteur Fall considère que cette situation est due à l’ancien système de recrutement des enseignants dans lequel il y avait des quotas ministériels à des fins politiques.

Toutefois, il estime que l’avenir reste prometteur, avec la nouvelle formule de recrutement instaurée par l’ancien ministre Serigne Mbaye Thiam. ‘’Maintenant, on recrute des enseignants qualifiés. Il y a même des doctorants. Le ministère a aussi mis les moyens qu’il faut pour la formation’’. 

ABBA BA

AIDA DIENE

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