Publié le 23 Nov 2015 - 23:53
BASSIROU NDAO, PRESIDENT DE L’UNION DES RETRAITES DU SENEGAL

‘’Cette mensualisation des pensions ne correspond pas à ce que les retraités veulent’’

 

Pratiquement rien dans le fonctionnement de l’IPRES ne convient au président de l’Union des retraités du Sénégal. Bassirou Ndao est irrité de voir toute cette campagne médiatique à laquelle se livre l’IPRES, avec une description de la situation qui, à son avis, est loin de la réalité. Le système des points, la pension des veuves, le respect des lois, la transparence sont autant de chantiers auxquels il urge de s’attaquer pour une retraite décente des travailleurs. Cet entretien-réaction fait suite à un article sur l’IPRES publié par EnQuête dans son édition du vendredi passé.

 

L’IPRES a annoncé la mensualisation des pensions des retraités. Est-ce que cela répond à vos attentes ?

A ma connaissance, cette mensualisation des pensions ne correspond pas à ce que les retraités veulent, parce que l’IPRES ne joue pas son rôle d’institution sociale. Avant de parler de mensualisation, il faut d’abord dire la situation financière et technique de l’institution. Nous voulons que ça soit clair. Les travailleurs se sont engagés à cotiser pour plus tard bénéficier de la pension de retraite. Le Sénégal n’a pas une pension nationale. Quand l’Etat du Sénégal a ratifié la convention 102 de l’OIT (Organisation internationale du travail) qui parle des risques sociaux qui peuvent arriver à un travailleur, c’est 9 risques. Il y a la maladie, les frais médicaux, la maternité, l’invalidité et le cinquième risque, c’est la vieillesse.

Un salarié qui travaille jusqu’à atteindre l’âge de la retraite, il doit être liquidé pour aller se reposer. Parce qu’on s’est assuré auprès d’un organisme qui, demain, doit assurer la relève de la société qui vous a employé durant 37 ans, 35 ans ou 30 ans. Dès l’instant qu’on le liquide, il est dit en définition de l’OIT que l’assurance minimum vieillesse compense l’absence de salaire, suite à la cessation d’activité professionnelle. Je pense que c’est là où l’IPRES a fauté. 15 ans après les indépendances, l’Etat du Sénégal a fait voter à l’Assemblée nationale la loi 75-50 pour rendre obligatoire le système conventionné qui existait jusque-là.

Le décret d’application a dit que les employeurs et les salariés doivent obligatoirement cotisé à un régime de retraite. Nous avons cotisé à un régime de retraite. C’est le minimum-vieillesse. Pourquoi donc l’IPRES se cantonne toujours à son système de répartition par points, qui ne nous honore pas d’ailleurs, puisque le système en points rend pauvres les travailleurs.  On nous met dans un système de carcan ou c’est la mort.

Donc à votre avis, c’est le système de points qui rend les pensions faibles ?

Peut-être que ça ne rend pas les pensions faibles, puisque c’est un système complémentaire. Un régime par répartition est un régime complémentaire. Le problème, c’est l’absence du régime du minimum-vieillesse. A l’heure où Macky parle de Sénégal émergent, on devait avoir une pension nationale minimum-vieillesse. Et à côté, un régime complémentaire comme le régime de l’IPRES, le régime complémentaire des cadres, et créer un régime complémentaire des non-cadres du secteur privé et parapublic. Ça viendrait en appoint au minimum-vieillesse.

Est-ce que les retraités maîtrisent le système de comptage des points ?

Peut-être qu’il y a certains qui le maîtrisent, mais ils ne font pas 1%. S’ils avaient maîtrisé cela, ils allaient se lever pour se battre. Mais ils n’essaient pas de s’informer et l’IPRES n’informe pas. Avant, elle nous envoyait le relevé de compte pour dire : l’année dernière, vous aviez tant, voilà ce que vous avez cette année. A la création de l’IPRES, la valeur du point était de 113 francs. Ça a évolué jusqu’en 2015 où elle est passée à 1 175 F, le salaire de référence.

Or, avec la banque centrale, le système CRAES, le salaire de référence fait 2 400 et quelques. La valeur du point est 336 à la Banque centrale. Si un salarié à la retraite a 1 000 points, il a 336 000 F par mois. Et nous, à 57 ans d’existence, la valeur du point est de 32,18 francs. Les réformes sur 10 ans nous ont coûté 13,93 francs. Et le calcul n’était même pas bon. Au lieu de calculer sur l’indice 100 d’une année donnée, ils calculent sur la valeur du point.

Est-ce que l’IPRES a expliqué les raisons pour lesquelles elle a arrêté d’envoyer les relevés de compte ?

Ils l’ont arrêté depuis 1986, mais ils n’ont pas donné d’explications. C’est parce que c’est nébuleux. Il y a des problèmes de détournement à l’IPRES. Combien d’inspecteurs ont-ils ? Ils ont combien de contrôleurs ? Un inspecteur ou un contrôleur qui contrôle 1 000 entreprises et qui n’a pas de véhicule et les moyens qu’il faut. Ce salarié de l’IPRES peut être corrompu. En plus, ils ne contrôlent pas le fichier tous les ans. Parmi les allocataires, il y a certains qui sont morts, d’autres qui sont allés à l’extérieur. Et on continue à les payer. Qui en profite ? Ce sont les employés véreux.

Voulez-vous dire qu’il n’y a pas de transparence à l’IPRES ?

Non ! Il n’y a pas de transparence à l’IPRES. Le président (Racine Sy), tout ce qu’il dit là, c’est parce qu’il est coincé. Il faut que les retraités soient représentés au même pied d’égalité que les travailleurs pour qu’on sache ce qui se passe.

Comment trouvez-vous le système de calcul de l’héritage des veuves ?

L’héritage des veuves, c’est un système en poins. Si la veuve du défunt retraité  veut une pension de reversement, on calcule 60% des points de son défunt mari et non 50% de la pension. Parce que c’est faire perdre à la veuve 10%. 50% de la pension et 60% des points, ça fait 10% de différence, au bénéfice de l’IPRES.

Finalement que voulez-vous que l’IPRES fasse ?

Que l’IPRES fasse ce que l’OIT a défini. C’est tout ! Il n’y a pas 1000 solutions. Tous les ans, les employeurs, les travailleurs et l’Etat vont à l’assemblée générale de l’OIT pour discuter des conventions et des recommandations. Et quand ils reviennent ici, ils ne font rien. Ils votent des lois et ratifient des conventions qu’ils ne respectent pas. Et on dit qu’on est en bonne santé financière. Est-ce que les chiffres qu’ils donnent là sont fiables ?

Vous n’y croyez pas ?

On n’y croit pas. On n’y croit pas du tout !  

BABACAR WILLANE

 

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