Publié le 14 Feb 2018 - 20:53
BATAILLE DU SECOND TOUR DANS L’OPPOSITION

Idrissa Seck et Ousmane Sonko dans les starting-blocks

 

En l’absence de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall, Idrissa Seck et Ousmane Sonko déroulent leur plan d’action en direction de l’élection présidentielle de 2019. Contrairement à Idrissa qui dispose d’un appareil assez bien implanté dans le pays et des moyens non négligeables, le leader de Pastef gagnerait à s’attacher le soutien d’un parti fort pour augmenter ses chances aux prochaines joutes électorales.

 

Si vous voulez fâcher un responsable de Rewmi, dites-lui simplement que vous faites un papier sur Idrissa Seck et Ousmane Sonko. Peu importe la démarche. Peu importe l’approche. Le simple fait de mettre en parallèle les deux opposants les plus en vue, en ce moment, sur le terrain politique, les exaspère, les irrite et les fait monter sur leurs grands chevaux. Peut-être ont-ils raison. Et pourtant, l’objectif, dans ce travail, n’est nullement de comparer les deux leaders. Mais simplement de montrer que ce sont les deux candidats connus de l’opposition qui se battent sur le terrain politique, qui vont à la rencontre des populations des profondeurs.

Ceci étant, les styles sont différents. Les personnalités et les trajectoires ne sont pas non plus les mêmes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tous deux tentent de profiter d’une situation marquée par une pénurie sans précédent de challenger au président sortant. Une situation s’expliquant surtout par l’absence, sur le terrain, du plus grand parti de l’opposition, le Parti démocratique sénégalais, dont le candidat se la coule douce à Doha.

Rewmi à la recherche du temps perdu

Ainsi, dans un tel contexte, le parti Rewmi, avec à sa tête son président Idrissa Seck, semble prendre le large, selon plusieurs observateurs. Depuis cinq ou six mois, de l’avis de ce haut responsable du parti qui a préféré garder l’anonymat, leur mentor est sur le terrain pour apprécier la ‘’commande citoyenne’’. S’érigeant en porte-parole des populations, Idrissa Seck ne cesse d’ailleurs, depuis lors, de jeter de gros cailloux dans le jardin du président de la République Macky Sall. A chaque fois, c’est toute la République qui se mobilise pour lui porter la réplique. Le président du Conseil départemental de Thiès s’en félicitait récemment à Sédhiou. Et comme à son habitude, il raillait le régime du président Sall avec beaucoup d’éloquence, sur un ton narquois. ‘’Ce que je dis, ce sont les paroles des paysans. Ces gens me parlent, parce que, disent-ils, quand je soulève leurs préoccupations, au moins le gouvernement réagit. Je veux juste que le gouvernement les entende. Je parle des problèmes des agriculteurs, des enseignants, des élèves et étudiants… Je ne le fais pas dans le but de polémiquer, encore moins avec le Premier ministre’’, affirmait-il.

Très provocateur, il s’est même permis d’ironiser : ‘’Vous savez, le Premier ministre, même si le président lui dit d’aller à la télévision et d’affirmer que le soleil se lève à l’ouest, il est tenu de le faire. ‘Koku douma ko tontu’ (Celui-là, je ne lui répondrai pas, en langue wolof).’’

En tout cas, l’ancien Premier ministre du président Abdoulaye Wade ne laisse personne indifférent. Ses moindres mouvements sont épiés par le pouvoir, scrutés comme du lait sur le feu. Ses déclarations ont le don de secouer le gouvernement. Même le Premier ministre, autrefois connu pour sa mesure, s’y met. Le visage ferme, il disait ceci avec forces gesticulations : ‘’Ce qu’il (Idrissa Seck) dit, ce n’est pas vrai. Mon gouvernement, il travaille. Je voudrais saisir cette tribune pour dire une chose et je le dis à Thiès : certains sont en train de dire que le pays est en panne, le gouvernement est incompétent, etc. Ce n’est pas vrai. Votre gouvernement travaille tous les jours. On se connait tous (il élève le ton). Il y a eu N Premiers ministres dans ce pays. Y en a qui sont venus avec des power-points, qui ont décliné des points en rouge qu’ils ont promis de transformer en vert. Rien ne s’est passé.’’ Très en verve, Mahammed Boun Abdallah Dionne précisait : ‘’Damakoy wakh en wolof aussi. ‘’Bay ci sa wéwu tank. Ku nekk na topato’’ sa département… (Je vais aussi le dire en wolof. Charité bien ordonnée commence par soi. Que chacun s’occupe de son département…)’’

Après le Premier ministre, c’est le directeur de cabinet du chef de l’Etat qui est monté au créneau pour critiquer, lui aussi, énergiquement le responsable de l’opposition. Mais celui-ci semble en avoir cure.

Après l’étape de Sédhiou, nos sources au sein même de son parti nous apprennent qu’il a poursuivi son chemin en parcourant, ces derniers jours, Médina Gounass, Vélingara, Kolda, Koumpentoum et Koungheul. Une tournée qui suscite la curiosité de beaucoup de Sénégalais, mais surtout du palais qui, selon l’intéressé, le suit par le biais d’éléments de la Brigade d’intervention polyvalente. Ce qui n’empêche nullement le responsable de l’opposition de poursuivre son programme, espérant se positionner comme seul alternative valable en 2019. Fin politicien, il en a l’expérience, la compétence et la détermination.

Sonko dans le marigot

Sur le terrain, le Rewmi n’est pas seul. Les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) tentent, également, bon an, mal an, de s’imposer sur l’échiquier politique national. Depuis sa création, son leader a initié une tournée nationale pour l’élargissement de ses bases. Son chargé de communication explique : ‘’Nous sommes une jeune formation. Les tournées nous permettent d’être au contact des populations et de massifier le parti. Les gens nous appellent de partout dans le pays, spontanément, pour nous témoigner de leur sympathie. Les tournées sont donc un moment d’aller leur rendre visite et d’implanter notre formation dans toutes les contrées. Nous avons aussi rencontré des autorités politiques et coutumières pour étendre les bases du parti. Ce travail va continuer jusqu’à la veille de l’élection présidentielle. Notre objectif est de faire tous les départements, voire toutes les communes du Sénégal.’’

Exclu de la Fonction publique, Ousmane Sonko a désormais les coudées franches. Seul candidat crédible pour le moment, non comptable de la gestion du pays depuis l’indépendance, il a ses atouts, malgré sa jeune expérience. De plus, il commence à se faire un nom au-delà même des frontières sénégalaises. D’ailleurs, alors que son absence, lors de la récente manifestation de l’opposition, faisait l’objet de toutes les interprétations - d’aucuns parlant même d’une volonté de se démarquer de l’opposition classique - ses proches bottent en touche et parlent plutôt d’un voyage en Afrique du Sud sur invitation de l’Union africaine. Le patriote en chef devait, en effet, y animer une conférence sur les ressources naturelles. Ce qui conforte davantage l’idée selon laquelle l’ancien inspecteur des impôts et domaines ne souffre nullement de son nouveau statut. Peut-être même devrait-il remercier le président Sall qui l’a libéré de toute charge de travail administratif. Ousmane Sonko a désormais du temps et plus de liberté pour se consacrer entièrement à ses activités politiques.

Par le discours, le président du Pastef fait mal à ses adversaires, selon plusieurs observateurs. Cohérent et très pertinent, il tape souvent là où ça fait le plus mal. Et quand il le faut. Par la méthode, Ousmane est aux antipodes de ce qu’on a l’habitude de voir dans l’espace politique. Loin de tomber dans le piège de Mamadou Sy Tounkara qui avait pour slogan aux dernières législatives : ‘’Dieulé fi politiciens yi (Dégager les politiciens’)’’, lui se veut plus réaliste. Conscient qu’il lui est impossible d’arriver à ses fins sans ces partis, il n’exclut pas de travailler avec eux. Lors de la dernière marche de l’opposition, le Pastef était bien présent, malgré l’absence de son leader. Mieux, Ousmane Barro informe : ‘’Nous sommes dans beaucoup de dynamiques unitaires. Ce pays, on ne peut le construire autour d’une seule personne. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui font confiance à Ousmane. Mais le changement ne viendra pas d’un seul homme. Rien ne sert de s’isoler et de se dire que nous sommes la seule solution valable. Je pense que le moment exige que l’on soit dans des cadres plus élargis. Nous travaillons en parfaite harmonie avec nos amis de l’opposition.’’

Il n’empêche, le parti continue sa politique de massification en sillonnant le territoire national. Dans ce cadre, le leader du Pastef a déjà visité plusieurs départements du Sénégal, dont Saint-Louis, Mbacké, Ziguinchor, Kaolack, Fatick, Bignona, Tivaouane… La prochaine étape les mènera dans le Nord et le Centre, plus précisément à Podor, Nioro et Kaffrine.

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