Publié le 21 Jun 2012 - 22:30
BILAN DE DIX JOURS DE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Une foire à l'ignorance et aux démagogies

 

A mi-chemin des trois semaines de campagne électorale pour les législatives du 1er juillet, l'engouement populaire est presque au ras des pâquerettes. Entre promesses farfelues de construire des routes ou de créer des emplois, et engagements bidons, c'est le taux de participation qui risque d'en pâtir, avec le risque d'élire une Assemblée non représentative.

 

La campagne électorale a démarré depuis dix jours. Les 24 parties et coalitions de partis, qui ont choisi l’approche proximité, investissent les quartiers et hameaux pour convaincre les électeurs sénégalais de voter pour leurs listes de candidats à l'Assemblée nationale. Mais une tâche manifestement ardue au regard du peu d’engouement noté chez les populations par rapport à ces législatives.

 

 

''La phagocytose du M23 par le nouveau régime''

 

Mamadou Ndiaye, enseignant en communication au Centre d’étude des sciences et techniques de l’information (CESTI), explique cette situation en partie par la «bizarrerie» du mode de scrutin. «Il y a les listes nationales et les listes départementales. Ceux qui sont investis sur la départementale et sachant qu’ils n’ont aucune chance d’être élus, ne vont pas mettre leurs billes pour battre campagne», explique-t-il. L’autre raison, selon M. Ndiaye, c’est qu’en lieu et place d’un «discours programmatique», les électeurs ont droit à des joutes faites d'accusations et de contre- accusations entre acteurs politiques. «Chaque jour, on lit dans les journaux que telle personne a volé des milliards, une autre qui menace de déballer... Cela suscite un sentiment de dégoût chez les Sénégalais.» En plus, la «phagocytose du M23 par le nouveau régime» n’est pas pour arranger les choses. La conséquence en est désastreuse : un possible très faible taux de participation le 1er juillet 2012, indique le spécialiste de la communication.

 

Ce peu d'engouement des populations pour les élections parlementaires, le politologue Massaer Diallo l'explique par ce qu'il appelle «le contexte». A en croire l’ancien directeur de l’Université des Mutants de Gorée, les législatives se jouent au niveau local, contrairement à la présidentielle qui «est un rendez-vous entre un candidat détenteur de projet, et son peuple». Autrement dit, «le fait que le président Macky Sall et son prédécesseur Abdoulaye Wade ne se soient pas impliqués dans la campagne n’incite pas les populations à s’y intéresser», relève encore Massaer Diallo. Cela, «en dépit du fait que des leaders comme Moustapha Niasse et Tanor Dieng sont en train de sillonner le pays».

 

 

''Le poids citoyen du 23 juin 2011''

 

Par ailleurs, même si l'engouement est loin d'être ce qui peut être espéré, l'universitaire est d'avis que ces législatives ont la particularité d’avoir permis une «diversification de la représentation». Ce qui met fin à «la bipolarisation des débats». Ces deux facteurs peuvent contribuer à «un renouvellement de la classe politique» qui va permettre de donner à la future Assemblée un nouvel élan. Surtout après la législature qui s'achève. Toutefois, autant Massaer Diallo que Mamadou Ndiaye s'accordent sur le taux de participation comme l'enjeu majeur de ces élections. «Il faut que la classe politique mobilise les électeurs pour qu’ils aillent voter massivement et éviter un taux d’abstention important». Le risque d'une faible participation populaire, c'est d'aboutir en fin de compte à une Assemblée nationale non représentative.

 

Justement, le discours ambiant servi par la plupart des candidats n'est-il pas un frein à une bonne perception de l'enjeu ainsi posé ? Sans doute, reconnaît Mamadou Ndiaye. Qui constate par exemple que des prétendants, «par ignorance», tiennent des promesses qui ne rentrent pas les domaines de compétence d’un député. «Or, rappelle le formateur au CESTI, un député n’a pas pour vocation de construire une route, ou créer des emplois, mais il peut plaider pour sa localité». D’autres candidats, «par démagogie», tentent, selon lui, «de berner les populations» en leur promettant une Assemblée de rupture. «Ceux qui disent qu’il n’y aura pas une Assemblée du président de la République prennent les Sénégalais pour des demeurés, indique-t-il. Ils vont voter tous les projets de lois que le président de la République va leur soumettre». «La politique, dit-il, c’est les promesses ; si vous n'en faites pas, vous n’aurez pas les voix des électeurs». Si rupture il devrait y avoir pour la prochaine législature, ce serait plutôt dans le «discours».

 

Massaer Diallo se veut plus optimiste, lui, et reste convaincu que rien ne sera plus comme avant. Car, face à cette «politique citoyenne nouvelle» née le 23 juin 2011, la rupture va s’imposer d’elle-même. «Les hommes politiques seront pris au mot. Le député va agir en fonction de sa ligne idéologique» et non en fonction de son appartenance à un groupe parlementaire.

 

DAOUDA GBAYA

 

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