Publié le 1 Jun 2019 - 19:41
BISBILLES ENTRE WADE ET OUMAR SARR

Les raisons d’un clash 

 

En rébellion contre le secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (Pds), depuis l’ouverture du dialogue national, Oumar Sarr reproche à Abdoulaye Wade de satisfaire les moindres caprices de son fils Karim Wade, même si ceux-ci vont à l’encontre des intérêts du Pds. Le point de non-retour a été, cette fois-ci, le refus in extrémis de Wade, et sur ‘’ordre’’ de son fils, de participer au dialogue national, après avoir auparavant choisi Oumar Sarr et le Dr Cheikh Dieng pour représenter le Pds à ces concertations.

 

C’est un secret de polichinelle que de dire que rien ne va plus entre le secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds) Abdoulaye Wade et son adjoint immédiat Oumar Sarr. Seulement, les raisons de leur clash constituaient jusqu’ici un mystère, même si tout le monde s’accordent sur le fait qu’elles ont un rapport direct avec la participation du Pds à la journée nationale du dialogue national du 28 mai 2019, tenue au palais présidentiel sous la conduite du président de la République Macky Sall.

‘’EnQuête’’ a réussi à percer le mystère, après moult investigations. Et selon des sources dignes de foi, le clash entre le ‘’Pape du Sopi’’ et son adjoint découle d’une mésentente sur la conduite du Pds par rapport au dialogue national.

Selon nos interlocuteurs contactés, tout est, en effet, parti d’un revirement à la dernière minute de l’ancien président de la République. Abdoulaye Wade, qui était au départ très favorable à la participation du Pds au dialogue national, avait même désigné le secrétaire général national adjoint Oumar Sarr et le chargé des élections, Dr Cheikh Dieng, pour représenter le Pds aux concertations. Même si la décision n’était pas entérinée jusqu’à la veille des concertations, il était d’accord sur le principe jusqu’à ce qu’il décide, à la dernière minute, de se rétracter.

‘’En réalité, ce qui a révolté Oumar Sarr, c’est que le président Wade a attendu quelques heures seulement avant le démarrage du dialogue national pour dire que le Pds ne va pas finalement prendre part aux concertations. Wade était d’accord pour participer au dialogue. Entre-temps, Karim Wade a demandé à son père de ne pas y aller. Wade s’est rétracté et a sorti un communiqué pour déclarer publiquement que son parti ne va pas participer au dialogue. Cette décision s’est prise dans le dos d’Oumar Sarr qui a participé à toutes les rencontres préparatoires de la journée du 28 mai. Oumar Sarr s’est alors rebellé, en y allant de son propre chef’’, confie un responsable libéral contacté hier par ‘’EnQuête’’.

Notre interlocuteur d’ajouter, comme pour exprimer son ras-le-bol : ‘’Imaginez-vous que c’est parce que c’est son fils qui l’a appelé, depuis Doha, pour lui intimer l’ordre de ne pas participer au dialogue national que Wade s’est rétracté finalement, sans tenir compte de l’avis des différents responsables du parti qu’il a auparavant consultés. Je trouve personnellement que c’est un manque de respect, de considération et de démocratie interne vis-à-vis des autres responsables du parti’’, fulmine-t-il.

Malgré la décision du secrétaire général du Pds de boycotter les concertations, le secrétaire général adjoint a pris la responsabilité, sur lui, d’y aller. Oumar Sarr, dans sa prise de parole, a même tenu un discours de défiance vis-à-vis des instances du parti. ‘’Le Sénégal est au-dessus de tous les partis politiques. C’est pourquoi, j’ai pris ma responsabilité de participer au dialogue pour répondre à l’appel du Sénégal qui est au-dessus de tous les partis politiques. Donc, quand il appelle, je dois répondre, même si un communiqué du Pds dit le contraire. Je ne sais pas d’ailleurs d’où vient ce communiqué et comment on l’a écrit. Mais ma responsabilité est de venir vous parler’’, a-t-il déclaré devant un auditoire qui lui a témoigné sa sympathie à travers une salve d’applaudissements.

Seulement, au sein du Pds, l’on conteste cette version des faits qui consiste à faire passer Wade pour une marionnette de son fils. ‘’Il n’y a eu aucun communiqué où le Pds dit être partant pour le dialogue national. Ce communiqué n’existe pas’’, tient d’abord à démentir un autre responsable libéral joint par ‘’EnQuête’’. Qui, toutefois, relève qu’effectivement, il était retenu qu’Oumar Sarr et le Dr Cheikh Dieng devaient représenter le Pds au dialogue national. Seulement, précise-t-il, cette décision n’était pas finalisée. ‘’Le président organise des concertations autour de lui pour recueillir l’avis des différents responsables. C’est à l’issue de ces consultations qu’il a finalement pris la décision de ne pas engager le Pds dans ce dialogue national’’, soutient-il, tout en déclarant que si Oumar Sarr a refusé de suivre la décision finale du parti, c’est parce qu’il n’est pas d’accord sur la décision prise par le secrétaire général national du parti.

Représailles

Cette défiance du secrétaire général adjoint du Pds occasionne d’ores et déjà des représailles. Après avoir été écarté pour la première fois de la délégation habituée à représenter le Pds à Touba, Oumar Sarr risque d’être traduit devant la commission de discipline. Selon les textes du Pds qui traitent de ce cas, la personne coupable d’indiscipline peut être déférée devant la commission de discipline par le secrétaire général national pour être entendue. La commission de discipline propose alors au Comité directeur la sanction appropriée, comme ce fut le cas avant l’exclusion des instances du Pds de l’ancien secrétaire national en charge des élections, Mamadou Diagne Fada, et quelques-uns de ses camarades frondeurs. Sauf que, cette fois-ci, le ‘’Pape du Sopi’’ a affaire à un responsable libéral pas comme les autres.

Oumar Sarr est, en effet, l’un des derniers responsables du Pds à toujours gagner sa base. Depuis 1991, il reste le maître incontesté de la commune de Dagana. Cela, même si, entre-temps, il a perdu beaucoup de terrain dans le département de Dagana. Encore que son exclusion du Pds allongerait la liste des bannis, surtout après la disgrâce de Babacar Gaye, ex-porte-parole du parti, la démission récente de Me Madické Niang et les multiples départs et exclusions qu’a connus le parti depuis 2012.

ASSANE MBAYE

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