Publié le 15 Mar 2015 - 21:37
BLOCAGE DE L’EMPRUNT OBLIGATAIRE DE LA VILLE DE DAKAR

Khalifa Sall démonte les arguments du gouvernement

 

Le maire de la ville de Dakar Khalifa Sall s’oppose catégoriquement aux arguments défendus par le Premier ministre et son ministre de l’Économie, des Finances et du Plan pour justifier la non-autorisation par l’État de l’emprunt obligataire de la ville de Dakar. Le problème n’est pas technique, rectifie Khalifa Sall et le gouvernement a, à 3 reprises, apposé son avis de non-objection pour permettre le déroulement de l’opération. Pourquoi attendre jusqu’à maintenant pour faire du wax waxeet (se dédire) ? se demande le maire socialiste.

 

Le maire de Dakar n’a pas mis du temps pour démonter les arguments du gouvernement sur le blocage de l’emprunt obligataire de la ville de Dakar. Lors de son passage, jeudi à l’Assemblée nationale, le Premier ministre avait soutenu que le problème n’avait aucun soubassement politique, mais était plutôt technique. La réunion du Conseil municipal de Dakar, hier, a été mise à profit par Khalifa Sall pour apporter la réplique à Mahammad Boun Abdallah Dionne et au ministre de l’Économie, des Finances et du Plan Amadou Ba.

‘’Si le dossier était technique, pourquoi attendre jusqu’à maintenant pour le bloquer’’ ? se demande d’abord le maire de Dakar. Pour étayer son argumentaire, Khalifa Sall informe que cet emprunt obligataire a obtenu trois fois l’avis de non-objection du gouvernement. ‘’Les textes du CREPMF (le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers, Ndlr) exige que quand une collectivité locale doit aller sur le marché, il doit avoir un avis de non-objection du ministre des Finances et du ministre des Collectivités locales. Cette condition, nous l’avons remplie 3 fois’’, renseigne-t-il.

Le premier avis de non-objection du gouvernement, explique M. Sall, est de 2012 et était signé à l’époque par le ministre des Collectivités locales, Cheikh Bamba Dièye et le ministre de l’Économie et des Finances Amadou Kane. Le deuxième avis de non-objection a été signé en avril 2014 par les ministres Mouhamadou Makhtar Cissé au nom du ministère des Finances et Oumar Youm ministre de la Décentralisation.  Le troisième avis que la ville de Dakar a obtenu de l’Etat a été signé en juillet 2014. Avant même l’avis du gouvernement, ajoute le maire,  la ville de Dakar a été notée et contrôlée par plusieurs agences, ce qui lui a permis d’être soutenue et encadrée par tous les partenaires techniques et financiers que sont l’USAID, la Banque Mondiale. ‘’Ce qui nous a beaucoup surpris, c’est l’attitude du gouvernement du Sénégal qui, à 3 reprises, nous a donné son avis de non-objection. Tous ces arguments que l’Etat nous oppose, il les avait déjà à sa disposition. Ce qui nous gêne est que l’Etat du Sénégal puisse se dédire. C’est vraiment gênant’’, se désole le maire de Dakar. 

‘’Monsieur le ministre, vous l’avez vu’’

En outre, Khalifa Sall dit aussi ne pas comprendre l’attitude du ministre de l’Économie et des Finances. Revenant sur les péripéties des discussions entre la mairie de Dakar et l’Etat, il révèle quelques secrets. ‘’S’il n’y avait pas eu le débat d’hier (jeudi, à l’Assemblée nationale), je ne serais jamais entré dans certains détails.

Depuis le début, nous avons refusé de parler. Quand j’ai entendu Amadou Ba aborder allégrement ce sujet, allant jusqu’à obliger le Premier ministre que j’apprécie beaucoup à parler de ces questions,  je me vois obligé de rétablir les faits. Je pense qu’ils comprendront’’, avertit d’abord l’édile de Dakar, avant d’entrer dans les moindres détails. Dans un entretien téléphonique, raconte-t-il, alors que le dossier de l’emprunt était très avancé, le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan lui a dit : ‘’M. le maire, je viens d’être informé de l’emprunt obligataire de la ville de Dakar. Ça me cause un problème, je ne peux pas laisser passer et il faut qu’on en parle’’.

Et le maire de Dakar de répondre : ‘’Monsieur le ministre je suis très surpris que vous me disiez ça. Car vos services sont au  courant et ont vu le dossier de cet emprunt. Si on n’avait pas l’avis de non-objection du ministère des Finances, il n’y aurait jamais eu d’emprunt. Les agents des finances nous ont demandé de mettre à leur disposition la note d’information. Cette note est complète parce qu’elle renferme la situation institutionnelle de la ville ainsi que la situation financière’’. C’est ainsi que, rapporte toujours l’édile de la ville de Dakar, une rencontre a eu lieu entre le ministre de l’Économie entouré de l’ensemble de son staff et 4 membres de la mairie de Dakar dont Khalifa Sall. ‘’Nous avons fait une très longue réunion avec le ministre.

C’est ce jour que nous avons découvert les arguments qui nous étaient opposés relativement à l’entrée en vigueur de l’acte 3 de la décentralisation où l’on nous parlait de discontinuité. Le deuxième argument, la société de patrimoine composée des communes d’arrondissement et le troisième les effets contingents. Nous avons expliqué au ministre pourquoi il n’y a pas de discontinuité’’, explique le maire socialiste. Selon qui  cet argument sur la discontinuité ne peut pas prospérer.

‘’S’il y avait une discontinuité entre la ville d’avant 2014 et celle d’après 2014, qui doit payer les dettes ? se demande Khalifa Sall. ‘’Les avances de trésorerie dont on parle, qui les paie ? Les rues depuis Ngalandou Diouf, les actes posés depuis les différentes mandatures, doit-on tout reprendre ? Pour chaque agent, doit-on faire un nouveau contrat si les agents étaient liés à l’ancienne ville ? Autant de questions que se pose le maire de la ville de Dakar.

‘’Les positions du ministre ont varié au fur et à mesure’’

Démontant toujours les thèses avancées avant-hier à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, Khalifa Ababacar Sall révèle que les arguments et les positions du ministre Amadou Ba ont varié au fur et à mesure des échanges. ‘’Chaque fois que le ministre pose un problème et qu’on lui donne les documents, sa position change. Ça, tout le monde l’a constaté. De telle sorte que si j’avais l’autorisation de vous lire les lettres du 17 février et celle du 27 février, vous auriez compris beaucoup de glissements’’, dévoile-t-il.

En ce qui concerne la question de l’endettement de la ville de Dakar évoquée par le Premier ministre, Khalifa Sall croit savoir que ce n’est pas un argument valable. ‘’La seule chose qu’ils ne veulent pas dire est qu’il y a deux types d’endettement de la ville.  Mais le gouvernement fait surtout allusion à l’endettement à long terme. Mais cette dette sera payée par l’argent de la ville. Chaque année, le maximum que la ville de Dakar doit payer est de 1,7 milliard. Cela,  ils le savent mieux que moi’’, dit-il.

Un dommage matériel de 3 milliards

Par ailleurs, le maire de Dakar reste ouvert au dialogue. Selon lui, le ‘’wax waxeet’’ du gouvernement n’est pas sans conséquence car la ville de Dakar a déjà dépensé 3 milliards de F CFA en plus de 4 ans dans ce projet. Un dommage matériel que la marie de la capitale  risque de subir mais aussi un dommage moral car les autres villes africaines comme Abidjan, Nairobi, Accra qui doivent prendre le relais risquent de ne pas voir leur procédure aboutir de manière positive. ‘’Nous continuons à écouter nos partenaires qui privilégient le dialogue et la discussion mais nous sommes contraints par le délai et nous devons agir’’, a conclu un Khalifa Sall amer. 

ALIOU NGAMBY NDIAYE

 

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