Publié le 29 Aug 2012 - 10:15
BOIS ET RÉSERVES FORESTIÈRES EN CASAMANCE

 Diatock, un exemple réussi de protection et de gestion des ressources naturelles

 

En réponse contre les agressions humaines des forêts et les feux de brousse dans la région de Ziguinchor, les populations du village de Diatock, dans le département de Bignona, en partenariat avec l’association ARBRES, ont mis en place un système de protection et de gestion de leurs ressources forestières qui a produit des effets positifs dans la lutte contre la pauvreté, le chômage et l’exode rural.

 

‘‘Dans plusieurs villages de la Communauté rurale de Mangagoulack, le reboisement est devenu un simple réflexe comme la protection et la gestion de l’environnement. Les jeunes plantent des arbres fruitiers, notamment les anacardiers. Nous connaissons l’importance de nos forêts et de nos bois dans la lutte contre la pauvreté. Il y a un changement qualitatif des comportements Nous avons tourné la page des feux de brousse. Nos bois et forêts régénèrent. Ils nous procurent des revenus substantiels’’. Ces propos du jeune conseiller rural Lamine Sagna résument et illustrent ce sentiment de satisfaction, de mission remplie qui animent les populations de cette communauté rurale, face aux agressions récurrentes que subissent leurs forêts. Aujourd’hui, c’est avec fierté que les responsables du Gie ‘‘Karonghène Karamba’‘ - littéralement ‘‘nourrir la brousse’‘ en langue diola) - vous promènent dans les bois et réserves forestières du village.

 

Au départ, un Hollandais…

 

Un anthropologue hollandais du nom de Menno Smit, après plusieurs années passées dans le village de Diatock (à une trentaine de km de Bignona), constate une forte dégradation des ressources naturelles en basse Casamance avec la sécheresse, mais surtout à cause des feux de brousse et les exploitations abusives. C’est ainsi qu’il regroupe quelques jeunes de ce village de près de 3000 âmes et organise des sensibilisations sur les conséquences de la dégradation des ressources naturelles ainsi que sur l’importance du reboisement basé sur des espèces de valeur fortement menacées de disparition notamment le Khaya senegalensis (caïlcédrats) , le Ceiba pentandra (fromager), le Detarium guineensis (Ditakh), le Carapa procera, l’Afzelia africana (linké), l’Adansonia digitata (baobab), le Saba senegalensis (madd), le Landolphia eudolottii (toll) etc.

 

Ce groupe de jeunes réunis autour du Hollandais, évolue et crée par la suite le FDPPE (Fonds pour le développement de projets à petite échelle), le ‘‘SKOP’‘ en hollandais. D'autres villages épousent l'idée. Parmi eux, Dombondir, Kagnout, Balandine, Bamdjikaky, Diourou, Mlomp de Boulouf, Kataba 1 et Seyoni (un village gambien). Ces villages ont implanté des pépinières.

En 2003, le siège de FDPPE est transféré de Diatock à Bignona et il change de nom pour devenir un Groupement d’intérêt économique (GIE), puis Association pour le rétablissement des bois et le renforcement des écosystèmes au Sénégal (ARBRES) en 2008.

 

Le projet, dans sa phase test fut d’abord mis en œuvre à Diatock. Informées, sensibilisées, les populations décident de prendre en charge la protection de leurs ressources forestières. Les populations de Diatock mettent sur pied un Comité de sensibilisation et de protection de la Nature (COSEPRONA). Outre, le renforcement des bois, des forêts et le rétablissement des écosystèmes par le biais du reboisement, le comité devait jouer un rôle d’alerte et de veille ; la gestion des fonds tirés à partir des activités de reboisement étant confiée au Gie du village ‘‘Bakine’‘. Il faut souligner que le choix des pépinières s’est fait à partir des besoins exprimés par les populations elles-mêmes. Besoins d’ordre médicinal, ligneux (bois d’œuvre) ou de fixation des sols dans le cadre de la lutte contre l’érosion. ‘‘C’est vrai que le projet a démarré à Diatock. Mais à la demande des populations, il s’est élargi à d’autres villages jusqu’à toucher toute la région’‘, souligne Abdou Djibo Diémé, le président de l’Association ARBRES.

 

‘‘Les feux de brousse, un mauvais souvenir’’

 

D’un commun accord entre les responsables de l’association, chaque quartier se dote de son ‘‘bois’‘ et le village d’une ‘‘réserve forestière’‘. Depuis lors, les populations de Diatock procèdent chaque année au reboisement de ces bois (08 au total) et de la réserve qui dispose d’un abreuvoir et d’un mirador à partir duquel l’on peut observer les animaux qui viennent se désaltérer. La chasse dans la réserve étant interdite.

 

Dans le cadre du processus de renforcement et de rétablissement de l’écosystème, informe Abdou Djibo Diémé le président de ARBRES, l’on a procédé d’abord au reboisement des arbres à croissance rapide notamment l’Acacia mangium (tek), le Gmélina arborea (Eucalyptus), le Saba senegalensis (madd), le Landolphia heudolotii (toll), le Parinari excelsa (mampatan) ou encore le Diatropha (tabanani). En tout, révèle Malang Diatta, le président du Gie ‘‘Karongnen Karamba’‘, ce sont cinquante-deux (52) espèces qui ont été renforcées et qui continuent d’être reboisées dans les bois comme dans la réserve.

 

Il s’agit, entres autres, du Carapa procéra (touloukouno), du Délarium senegalensis (ditah), du Parkia biglobosa (néré), du Cordila pimata (le bois pour le Djembé) du Stérocarpus érynaceus (venne) ainsi que de l’Afzelia africana (linké). Résultat, la réserve forestière ainsi que les bois de Diatock sont devenus des forêts aussi épaisses que belles. ‘‘Les feux de brousse sont devenus un mauvais souvenir’‘, relève le jeune conseiller rural Lamine Sagna. ‘‘Le COSEPRONA veille jalousement sur ‘‘ses biens’‘ en collaboration avec l’agent des Eaux, Forêts et Chasse’‘, renchérit Malang Diatta.

 

700 000 francs par an

 

Afin de susciter un engouement réel autour et dans le souci de rendre pérenne le projet, ARBRES a mis en place des pépinières –toutes équipées de pompes électriques ou solaires dans huit (08) villages de la région de Ziguinchor. Les revenus tirés de la vente de ces pépinières sont consistants. ‘‘La pépinière de Diatock rapporte en moyenne 700 mille francs Cfa par an’‘, informe un membre du Gie.

Outre l’aspect environnemental, l’Association a mis à la disposition du Gie ‘‘Karongnen Karamba’‘ de Diatock, des outils économiques pour son autonomisation. Il s’agit d’un atelier de mécanique, de soudure et d’une station d’essence. Là aussi, les retombées financières sont non négligeables.

 

Près de 950 mille francs environ sont tirés annuellement à partir des activités de ces ateliers, renseigne Moussa Diatta, le chef de l’atelier soudure. Le Gie, par le canal du bailleur hollandais (SKOP), dispose par ailleurs d’une pirogue pour la rotation Diatock-Ziguinchor. Outre l’entretien et le renouvellement du matériel défectueux, le Gie appuie l’école du village mais aussi ses membres durant les périodes de soudure, au cours du ramadan, des fêtes religieuses etc. ’‘Ce que nous faisons, c’est du concret. Nous contribuons tant soit peu à la relance des activités socio-économiques en Casamance, à la lutte contre la pauvreté et l’exode rural’‘, soutient Malang Diatta, le président du Gie ‘‘Karonghène Karamba’‘.

 

HUBERT SAGNA

 

 

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