Publié le 1 Oct 2016 - 22:13
BRAS DE FER ENTRE GOUVERNEMENT ET SYNDICATS

Les préalables d’une paix scolaire

 

Le gouvernement a renoué le fil du dialogue avec les syndicats de l’enseignement. Un grand pas, diront certains. Ce n’est pas pour autant suffisant pour avoir une année scolaire apaisée. Il y a des points dont la prise en charge est une condition sine qua non pour éviter des perturbations.

 

A quelques jours de la rentrée des classes, les partenaires sociaux autour de l’école sont en train de se livrer à une course contre la montre. Après le séminaire de rentrée, il y a trois jours à Saly avec le gouvernement, les concertations se sont poursuivies pour 48 heures (jeudi et vendredi). Cette fois-ci sous l’égide du Haut Conseil du Dialogue Social (Hcds). Si l’on en croit Abdou Faty, ancien coordonnateur du Grand cadre, durant les trois premiers jours, il a été question exclusivement du ministère de l’Education nationale. Lors des deux derniers jours, ont été  abordés les autres points qui concernent les autres ministères. Il s’agit des revendications relatives au logement, aux questions financières et aux actes de la Fonction publique.

C’est dans cet esprit de dialogue que le Hcds a entrepris des initiatives de prévention des conflits et de médiation. D’ailleurs, à la fin de la première rencontre entre gouvernement et syndicats, une déclaration commune d’engagement a été signée par les acteurs. Dans ce document, les parties ont exprimé leur volonté commune d’améliorer les performances des élèves, de réaliser le quantum horaire, de raffermir les rapports entre Etat et syndicats et de pacifier l’espace scolaire. Pour ce faire, il est prévu, entre autres points pour le respect et l’application des accords, la mise en œuvre d’un plan de travail consensuel, la tenue de rencontre mensuelle de concertation, et œuvrer à la restitution de la confiance entre acteurs.

Refus de signer ‘’l’engagement de Saly’’

Cependant, ces déclarations d’intention sont loin de suffire aux enseignants. Car, il y a, à leurs yeux, des questions en suspens auxquelles le gouvernement ne peut pas manquer de trouver des réponses pour une année apaisée. Certes des avancées significatives ont été notées sur les rappels et la sortie des actes de validation, mais il reste encore des points importants pour que les enseignants puissent accorder leur confiance à l’autorité. Frustrés et meurtris par les mesures répressives prises l’année dernière par le gouvernement, beaucoup d’entre eux continuent à dénoncer la stratégie de diabolisation dont ils se disent victimes.

Le gouvernement qui croyait avoir arrondi tous les angles, après 72 heures de conclave, a compris qu’il lui reste du chemin à faire. Les syndicats ont refusé de signer un document qui devait être pris comme ‘’l’engagement de Saly’’. Le cadre agréable et la brise marine de la station balnéaire n’y ont rien changé. Pour le tout nouveau secrétaire général du Saemss, Saourou Sène, la déclaration commune signée mercredi dernier ne vaut pas plus que la valeur d’un procès-verbal de réunion. D’après lui, il y a un passif lourd qui sépare le gouvernement des enseignants : le non-respect des accords. Il faut donc faire preuve de plus de bonne volonté.

‘’Comme si on était dans un pays sorti d’une guerre’’

La vision est la même du côté du Cusems. Ndongo Sarr, un des responsables du syndicat, estime que ‘’ce serait suicidaire de signer un engagement face à des autorités qui ne respectent pas leur parole’’. La position est la même à l’Uden, même si le choix des mots diffère. ‘’C’est très tôt de signer. On a le temps de le faire après avoir déroulé quelques actes’’, tempère Awa Wade, même si elle pense que le gouvernement a montré sa volonté de tout faire pour une année apaisée.

Parmi ces questions dont dépend la paix sociale, il y a l’accélération de la sortie des actes d’avancement, de reclassement et des actes de nomination, ainsi que tout ce qui va avec en termes d’incidences financières. On peut citer également la tenue des commissions d’avancement et le début effectif du paiement de l’alignement et ainsi que l’ouverture de négociations sur le système de rémunération. ‘’Si le gouvernement pose très rapidement les jalons, le terrain sera propice pour qu’on négocie dans le tas, sans tenir l’école en otage. Dans un pays comme la Mauritanie, tout acte pris est régularisé. Voilà ce qu’on demande’’, dixit Abdou Faty.

A ces points, Saourou Sène ajoute les passerelles professionnelles et surtout le système de rémunération des agents de la Fonction publique dont l’indemnité de logement est une composante non négociable. Pour en arriver à prendre en charge tous ces points, M. Sène estime qu’il y a une étape essentielle : une rencontre d’évaluation de la mise en œuvre des accords. Alors qu’on croyait que les trois premiers jours avec le gouvernement avaient servi à cet exercice, M. Sène défend la thèse opposée. Il a le sentiment qu’il s’agissait juste d’une retrouvaille entre deux entités que tout avait séparé il y a quelques mois.

Autrement dit, c’est une façon pour le ministère de l’Education de montrer qu’il est revenu à de meilleurs sentiments. Il en veut pour preuve ce sociologue qui est venu faire une présentation sur la paix et le dialogue, ‘’comme si on était dans un pays sorti d’une guerre’’. Ndongo Sarr a le même point de vue. Lui aussi estime que c’était une rencontre pour laver le linge sale en famille.

Castro : ‘’les enseignants sont à l’écoute…’’

Si les trois premiers jours sont passés sans un mot sur les revendications, les deux derniers par contre ont servi à passer en revue les accords. Même si tout le monde n’a pas nécessairement la même appréciation, Saourou Sène pense lui que l’urgence est de réunir les partenaires pour se pencher sur les vraies questions. ‘’Si les ministères ont compris ce qu’on leur a dit, ils vont aller vers le Premier ministre qui va convoquer une rencontre sur le protocole d’accords signé avec le gouvernement’’, souligne-t-il.

Par contre, Awa Wade de l’Uden ainsi que le président du comité de dialogue social section éducation Mamadou Diop ‘’Castro’’ soutiennent que l’ensemble des questions ont été abordées avec les ministères concernés. En fait, le vrai problème : c’est avant tout la confiance. Même le médiateur se veut prudent face à l’Etat. ‘’Il faut être vigilant et mettre en place un mécanisme de suivi. Chacun s’est engagé à faire plus et mieux. Les enseignants sont à l’écoute pour que le gouvernement mette en œuvre les accords, pour qu’eux aussi remplissent leur part’’, souligne-t-il.

BABACAR WILLANE

 

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