Publié le 25 Apr 2018 - 21:35
BRAS DE FER ETAT-ENSEIGNANTS

Si près de la ligne rouge !

 

Dans la bataille qui les oppose depuis des années, l’Etat et les enseignants n’ont jamais été aussi proches du Rubicon, 2016 excepté. Le  communiqué d’hier du gouvernement et la réponse des syndicats indiquent que le duel est imminent.

 

A moins que les facilitateurs et autres intermédiaires parviennent à éviter l’affrontement, la guerre de Troie aura bien lieu cette année dans le secteur de l’Education. Après un listing de l’ensemble des efforts consentis et les différentes rencontres allant des ministres sectoriels au président de la République, le gouvernement, à travers un communiqué, a lancé ‘’un ultime appel aux enseignants pour une reprise immédiate des cours’’. Dans le texte au ton martial, il est dit ce qui suit : ‘’Le Gouvernement voudrait aussi rappeler à l’opinion et aux enseignants sa responsabilité d’assurer le Droit à l'éducation à tous les enfants de notre pays.

Aussi, prendra-t-il toutes mesures de sauvegarde nécessaires à la continuité du service public de l’Education’’. Dans la tête des syndicalistes, ce message de menaces explicite rappelle l’épisode de 2016, lorsque les autorités ont usé  de réquisitions et mises en demeure pour ramener les enseignants en classe. Le pouvoir de Macky Sall avait aussi menacé de radier les grévistes récalcitrants qui refusaient de reprendre le chemin des écoles et de rendre les notes.

Cette année, le camp d’en face semble s’être déjà préparé à la réplique. Les leaders syndicaux joints au téléphone hier disent ne pas être intimidés, car toutes les mesures ont été prises pour faire face à toute éventualité. ‘’L’expérience sert à quelque chose. L’année dernière, on nous a servi des réquisitions. Cette fois-ci, nous nous sommes préparés’’, déclare Abdou Faty, Sg du Sels/A. ‘’Ça ne va pas être facile, nous avons pris l’attache des experts’’, précise Abdourahmane Guèye, secrétaire général de l’Uden. Ainsi, s’agissant des réquisitions, M. Guèye soutient que ce n’est pas possible avec les enseignants craie en main. C’est autorisé par la loi, selon lui, uniquement avec d’autres catégories comme les chefs d’établissements, les surveillants… Cette arme ne pourra donc pas servir cette année à casser des grévistes.

Quant à la perspective d’une radiation, elle ne semble guère ébranler les leaders  syndicaux. ‘’Nous  sommes prêts à être radiés. Nous leur (gouvernement) demandons de le faire. Nous n’avons pas peur. Les menaces ne nous feront pas céder. Nous réclamons nos droits et nous irons jusqu’au bout’’, défie M. Guèye. Son camarade Abdou Faty fait remarquer que, dans le passé, des autorités ont eu à radier des fonctionnaires, mais qu’elles ont été ‘’radiées’’ à leur tour par le peuple et que les fonctionnaires ont regagné leur poste par la suite. ‘’Nous allons tenir notre marche demain (aujourd’hui) à Diourbel. Au sortir de cela, si nous n’avons pas de propositions sérieuses, nous allons élaborer un 8e plan d’action’’, prévient le Sg de l’Uden.

Abdou Faty lui, dit ne pas être surpris par cette posture du pouvoir. Notamment après les répressions contre les enseignants à Ziguinchor et les ‘’brimades et tortures’’ sur les élèves qui exigeaient la reprise des cours. Pour montrer la détermination de ses pairs, le patron du Sels/A indique qu’en plus de la diabolisation et des attaques, l’Etat coupait chaque mois 100 000 à 150 000 F Cfa sur leur salaire. Ils n’ont rien dit, parce qu’ils voulaient assumer les conséquences de leur combat. Ainsi, à l’Etat qui dit vouloir ‘’assurer l’éducation des enfants’’, le successeur d’Awa Wade lui rétorque que la meilleure manière de le faire est de mettre les enseignants dans de bonnes conditions de travail et surtout réparer les injustices qui existent dans le traitement des agents de l’Etat.

Des engagements sans échéancier

En fait, si le gouvernement liste les acquis pour montrer ses efforts, les syndicats eux énumèrent les manquements. Monsieur Faty fait remarquer que l’Etat n’a pas fixé de date pour épuiser les stocks permettant d’en finir avec les lenteurs administratives. Le plan Marshall proposé pour l’apurement des dettes liées aux actes n’a pas d’échéance précise. Il en est de même de l’immatriculation des professeurs contractuels et maîtres contractuels. Quand est-ce que les cotisations sociales des corps émergeants actuellement à l’Ipres seront reversées au Fonds national de retraite (Fnr) ? Quelles sont les modalités d’externalisation du crédit DMC ? Autant d’engagements sans un échéancier.

Forts de tout cela, les deux responsables syndicaux pensent que si l’Etat était conséquent avec lui-même, il les aurait conviés à nouveau autour de la table. Abdou Faty souligne qu’en quittant le Palais, les enseignants avaient dit qu’ils allaient rendre compte à la base. ‘’Le gouvernement devait nous  écouter pour connaître nos contre-propositions, mais surtout fixer des dates pour tous ses engagements. En lieu et place, ce sont plutôt des menaces mais ça ne passera pas’’, croit savoir le Sg du Sels/A.  

BABACAR WILLANE

 

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