Publié le 27 Nov 2018 - 23:37
BUDGET MINISTERE AFFAIRES ETRANGERES

 Les mises au point de Sidiki Kaba

 

Le projet de budget du ministère des Affaires étrangères (61 milliards, en hausse) pour 2019 a été adopté hier par l’Hémicycle.

 

Avec une hausse à peine perceptible de son budget (0,37 %), le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur (Maese) aurait du mal à répondre à toutes les sollicitations que les députés ont soulevées hier. Pour autant, Me Sidiki Kaba ne semble pas inquiet des défis pour que ‘‘le tout petit Sénégal par sa taille et son poids économique reste ce géant diplomatique’’. Malgré les vives critiques sur l’Etat de la démocratie interne sénégalaise, le chef de la diplomatie a annoncé ce qui semble démentir cette peinture négative de la situation. ‘‘Le 10 décembre, nous serons à New York pour voir la bonne tenue du Sénégal récompensée. Nous allons recevoir 600 millions de dollars américains’’... Pour lui, les actifs enregistrés par la diplomatie sénégalaise comme la vice-présidence du Focad (Forum Chine-Afrique) pour six ans, les Jeux olympiques de la jeunesse de 2022, la Coupe d’Afrique des nations de handball, les résultats de l’élection sénégalaise au Conseil de sécurité de l’Onu et au Comité des Droits de l’homme (plus de 180 sur 193) sont des indicateurs de la bonne santé diplomatique.

Dernier point de son énumération à succès, ‘‘le pont de 900 m va être inauguré très prochainement’’, marquant la fin de la discontinuité territoriale sénégalaise. ‘‘C’est le pont de la fraternité, de la paix entre le Sénégal et la Gambie. Ailleurs, on construit des murs pour séparer les peuples ; le président Sall construit des ponts’’, s’est-il félicité. La diplomation de bon voisinage, la diplomatie économique et la diplomatie de la paix et de la sécurité sont les grands axes sur lesquels le Sénégal oriente son action.

Validité documents

La validité et la lenteur des titres officiels de voyage ont également été au cœur des préoccupations des parlementaires. Un ostracisme semble frapper le passeport de service sénégalais. ‘‘Sur 20 cas de dépôt, il y a eu 19 rejets’’, révèle Pape Sagna Mbaye qui exhorte le ministre pour que ce document privilégié puisse permettre à leurs ‘‘enfants de bénéficier des avantages liés à ce document’’. ‘‘Les passeports de service ne servent plus à rien, vous devez vous y pencher’’, renchérit un autre collègue de la majorité. Mais c’est le député de l’opposition Toussaint Manga qui va sonner la charge la plus virulente contre l’inertie gouvernementale, face à la politique migratoire de la France. ‘‘Le manque de considération pour le visa sur les passeports diplomatiques est inacceptable. Il faut faire savoir à la France que les Africains se sont battus et que nous ne méritons pas cela. Le délai d’attente de 50 à 60 jours qu’impose l’ambassade de France pour le visa est inacceptable.

D’autant plus que le refus de visa est courant et est doublé d’un non-remboursement. Les frais de visa, c’est pour le visa, s’il y en a pas, qu’on rembourse’’, s’est pratiquement emporté l’ancien de l’Ujtl. Il a demandé, par la même occasion, un traitement spécial pour le clergé et les membres des foyers religieux musulmans sénégalais qu’ils ne soient plus assujettis aux tracasseries. Une interpellation à laquelle Me Sidiki Kaba ne répondra pas dans ses observations, mais pour laquelle le député Abdou Mbow n’a pas manqué de répondre : ‘‘Certaines personnes devraient avoir honte de parler de passeport diplomatique. La Chine et l’Italie ont accepté ce document sans visa après 2012, car il avait gagné en respectabilité’’, a-t-il répliqué. Les députés ont également demandé la densification de la carte consulaire dans certains pays. Pour l’Espagne, un bureau consulaire à Barcelone et à Almeria est exigé par le député Mor Kane, alors que sur la Côte-Ouest américaine, un bureau est également souhaité à Houston, pour éviter aux expatriés le long voyage sur New York. Toutes considérations auxquelles le ministre a consacré la portion congrue de ses réponses.

Morts sénégalais à l’étranger

En revanche, les récents faits-divers qui ont ponctué l’actualité ont également polarisé l’attention de l’Hémicycle. Mais le ministre, comme beaucoup de députés, bien que compatissants, estime que les pouvoirs publics n’interviennent pas dans la gestion privée des foyers. Invitant à éviter de dévoiler les détails de la mort de Rokhaya Diouf en Espagne, il précise que son département surveille de très près les affaires de meurtre impliquant les Sénégalais au Brésil, en Libye et au Cameroun. ‘‘Les autorités brésiliennes ont poursuivi Leandro Andres Da Silva pour le meurtre de Fallou Diack et il a été condamné à 17 ans de prison. Le cas de Lamine Mballo en Libye et les circonstances de sa disparition sont en investigation. Mais on sait tous ce qu’il est advenu de ce pays depuis la mort de Kadhafi. Quant à Adama Dème au Cameroun, ce n’est pas la police sénégalaise qui va instruire le dossier là-bas. On a saisi la justice camerounaise pour qu’elle traite le dossier de manière équitable’’, a-t-il défendu.

Faute d’anticiper sur ces morts, les services gouvernementaux ne lésinent pas sur les moyens pour le rapatriement des corps. D’après le chef de la diplomatie, plus de 83 dépouilles ont été ramenés au Sénégal au 25 octobre dernier. Le ministre exhorte les Sénégalais à être plus prudents dans leurs revendications, car certains propos pourraient porter atteinte à nos compatriotes établis à l’étranger. ‘‘En diplomatie, on remue la langue quatorze fois avant de parler. Nous avons des enfants partout, nous devons être précautionneux dans le langage’’.

Cheikh Bamba Dièye estime que la diplomatie sénégalaise souffre de la ‘‘pléthore d’incompétents qui est dans les consulats et ambassades, et le copinage’’ et que le règlement de certaines questions, comme la détention, en pâtit. Mais le ministre est d’avis que le transfèrement des migrants détenus sénégalais dans les pays voisins et dans certains pays en dehors du continent, bloque avec le libre choix des concernés de rester dans les prisons des pays de séjour. ‘‘On a des conventions avec certains pays ; on peut ramener nos enfants, mais certains ne veulent pas venir, car ils ne veulent pas que les gens sachent qu’ils sont été en prison à l’étranger. Ils préfèrent rester là-bas’’, a-t-il justifié. Et d’appeler les Sénégalais à respecter les dispositions légales en vigueur dans les pays d’accueil.

Même cas pour les retraités où un député a dénoncé la perte de validité de titres officiels français par un expatrié qui a séjourné trois ans au Sénégal après sa retraite. Les conventions mixtes sur les retraites sont à revoir, selon certains parlementaires qui estiment que les modalités sont en défaveur des Sénégalais qui souhaitent résider ici après la retraite.  ‘‘Chaque pays a sa législation. Quand on est bénéficiaire d’un tel document, il faut respecter les dispositions de la loi française sur ce document. Il fallait rester 2 ans et repartir’’, a répondu Sidiki Kaba. 

Tirs groupés sur le Faise

Le Fonds d’appui à l’investissement des Sénégalais de l’extérieur (Faise) a également concentré les débats. Destiné à accompagner les Sénégalais de l’extérieur qui veulent porter des projets locaux, sa pertinence a été remise en question par un député de la majorité qui a interpellé le Maese et son homologue du Budget. ‘‘Combien de Sénégalais sont revenus depuis 2008 ? Combien ont bénéficié de ce fonds et ont créé des entreprises ? Combien de projets ont-ils créés et localisés au Sénégal ? Si c’est à l’extérieur, ce serait une perte pour le Sénégal. Combien d’emplois, de recettes, puisque c’est un fonds à l’investissement ?  Il y a plus de social que d’investissement. Que le Faise travaille avec des banques, cela permettra aux gens de rembourser. Pour le moment, le fonds, tel ne nous l’avons ici, n’a pas d’impact. Trois milliards pour les Sénégalais de l’extérieur, c’est petit’’, a-t-il déclaré. ‘‘Le fonds du Faise et celui des femmes de la diaspora ne proviennent pas des mêmes ministères et n’ont pas  les mêmes destinataires. On doit auditer ces fonds. Ce sont des milliards qui y ont été distribués’’, renforce le député Nango Seck.

Mais le chef de la diplomatie sénégalaise estime qu’avec 3 milliards 150 millions de francs Cfa de budget sous Macky Sall, ‘‘il n’y a pas lieu de commenter davantage’’ la volonté du gouvernement. ‘‘Le Faise est une idée merveilleuse (...) 543 projets ont été financés à hauteur de plus de 2 milliards. Douze pays attendent et seront financés. La vérité est toute simple : c’est un travail assidu et quotidien. Le taux de remboursement est de 78 %. Il aurait dû être plus élevé. Il y a des retards notés en Espagne et en Italie’’, a dû concéder le ministre.

Problèmes restauration à Mouna

Cette année, 12 860 Sénégalais ont fait le pèlerinage à La Mecque. Deux mille ont été convoyés par l’Etat et le reste par les voyagistes privés. Si les conditions d’ensemble ont été saluées, la restauration à l’étape de Mouna est toujours une pilule qui passe mal. Les récriminations ont été transmises au ministre.  ‘‘Il y a eu une défaillance sur ce point. La Délégation générale a dénoncé ce problème et refusé de libérer le restant de l’argent aux opérateurs saoudiens qui ont été engagés pour justement éviter ce problème. Ensemble, on essaiera de trouver la bonne solution avec voyagistes et délégation’’, a-t-il répliqué à Yaya Albiss. Cette dernière, vu l’immense répartition des tâches, a proposé que la restauration soit confiée à la délégation pour que celle-ci puisse être comptable’’.

OUSMANE LAYE DIOP

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