Publié le 23 Jun 2017 - 23:26
BUSINESSMEN, CONSEILLERS, INGÉNIEURS EN BTP…

La reconversion des anciens combattants 

 

Ils gardent le cap. Après les services rendus à la nation sénégalaise, d’anciens combattants se sont reconvertis dans différents métiers : business, ingénierie, etc. Une manière pour ces agents à la retraite d’entretenir leur progéniture. Ils continuent leur combat sous une autre forme.

GAUSTIN DIATTA (THIÈS)

‘’Un soldat ne va jamais à la retraite.’’ Cette assertion  est bien comprise par certains anciens combattants sénégalais. Après avoir combattu pour que triomphent la démocratie et la liberté, commence le combat pour soi-même. En effet, certains d’entre eux ne vivent pas que de leurs pensions de retraite. Dès lors, ils ont décidé de mener leurs propres activités pour pouvoir continuer de subvenir à leurs besoins. Bref, la vie continue pour les anciens combattants, après les fronts.

Selon Djadji Niang, président de l’Union régionale des anciens combattants et victimes de guerre de Thiès (Urac), tout militaire à la retraite ‘’peut librement’’ vaquer à ses occupations. ‘’Le militaire est comme un fonctionnaire. Il est en activité, avec une limite d’âge (58 ou 60 ans pour les Généraux). Après la retraite, il est  libre de vaquer à d’autres occupations. Par exemple, nous avons Tandakha Ndiaye (Ndlr : journaliste à la RTS) qui était un adjudant-chef. Chacun a ses préférences. Après ma retraite, j’ai été copté au ministère des Finances où j’ai travaillé comme contractuel pendant quatre ans’’, confie Djadji Niang.

Pour capitaliser ses expériences après avoir été sous les drapeaux pendant plus de 30 ans, l’ancien militaire a atterri à la mairie de Thiès. Il a travaillé à l’hôtel de ville comme conseiller sportif du maire Pape Alioune Ndao. Le compagnonnage n’a été que de courte durée puisque Djadji Niang a très vite claqué la porte. La raison de son départ : ‘’J’ai quitté parce que je ne suis pas politicien. La manière dont les réunions étaient organisées ne me plaisait pas’’, martèle-t-il. Après cette courte expérience à l’hôtel de ville de Thiès, avec l’aide d’un de ses amis,  il a mis en place une entreprise spécialisée dans le bâtiment. ‘’Nous gagnions des marchés à Thiès. Entre autres édifices, nous avons construit la maternité de Diamaguène (Thiès-Est). Malheureusement, quand mon ami et associé est décédé, je ne pouvais pas continuer. C’était lui le technicien en bâtiment et moi, je gérais tout ce qui est finances. En France, les militaires qui vont à la retraite ont toujours un couloir où ils peuvent aller. Au Sénégal malheureusement, les médecins, les ingénieurs… sont libérés’’, regrette Djadji Niang.

‘’L’adjudant businessman’’

Au siège de  l’Union régionale des anciens combattants et des victimes de guerre de Thiès (Urac), on y rencontre les collègues de Djadji Niang. Parmi eux, Mandiaye Ndiaye. Élu secrétaire général de l’Urac depuis le 1er avril 2016, ce dernier a participé à l’opération Gabou et Fodé Kaba. Aujourd’hui à la retraite, il gère ses propres affaires. ‘’Après ma retraite, j’ai commencé à sillonner la ville de Thiès. Depuis lors, je fais du business. J’évolue dans l’achat et la vente de véhicules. Et je vis en grande partie de ce commerce. Cela me permet d’arrondir les angles à la fin du mois même si j’ai une pension’’, lance l’adjudant-chef à la retraite de l’armée sénégalaise. Pour l’instant, ajoute-t-il, son business ‘’marche très bien’’.

Assis à ses côtés, cet autre ancien combattant, par ailleurs policier à la retraite, estime que les jeunes militaires doivent s’inspirer d’eux et ‘’travailler pour leur compte’’ après la carrière militaire. Mais dit-il, il faut travailler également pour ‘’l’intégrité du pays’’. En revanche, le président de l’Union régionale des anciens combattants et victimes de guerre de Thiès soutient que le problème qui leur  tient à cœur en ce moment, c’est la ‘’revalorisation de la carte du combattant’’. ‘’Nous avons fait une proposition : c’est de donner pour chaque ancien combattant une petite somme de 30 000 F CFA tous les six mois. Parce que nos collègues de l’armée française donnent chaque six mois  290 000 F CFA. Cette question a été évoquée en Conseil d’administration et on a adressé une lettre à notre directeur pour que la carte du combattant soit revalorisée’’, soutient-il.

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DJADJI NIANG (PRÉSIDENT DE L’URAC DE THIÈS)

‘’L’État ne nous prend pas en charge médicalement’’

Nichée au cœur de la ville de Thiès, la Maison des anciens combattants qui abrite le siège de l’Urac n’est pas connue du grand public thiessois. Celle-ci fonctionne selon la loi 1901 qui régit les associations. Par contre, il est difficile de donner la date exacte de  création de ce complexe qui, pendant longtemps, a abrité l’Ecole du Parti socialiste (Ps) après le départ des Français en 1962. Au siège de l’Urac, on trouve un service ophtalmologique, dentaire et une infirmerie, au grand bonheur des anciens combattants. ‘’L’État ne nous prend pas en charge médicalement. Mais il nous octroie des subventions pour nous permettre de fonctionner. Avec cet argent, nous payons notre secrétaire, la femme de ménage, la pharmacie… En dehors des civils, tous les anciens combattants qui travaillent ici ne sont pas payés’’, révèle le président de l’Union régionale des anciens combattants et victimes de guerre.

 Par ailleurs, Djadji Niang se félicite du bénévolat dont font preuve ses collègues. ‘’C’est très difficile ici car personne n’est payée. Mais heureusement, tous ceux qui sont là ont l’amour de l’Armée et travaillent de façon gratuite. C’est nous qui devrions payer pour faire vivre notre association. Mais, avec le soutien de l’État du Sénégal et grâce à la coopération française, nous parvenons à satisfaire nos besoins. Il y a quelques années, nous recevions une somme de 22 millions de F CFA de la part de la France. Celle-ci nous a permis de réfectionner ce vieux bâtiment’’, se glorifie le président de l’Urac de Thiès.