Publié le 5 Sep 2018 - 00:44
CALVAIRE DES HABITANTS DE LA CITE DJILY MBAYE

La plage de la BCEAO et ses mille maux 

 

Beaucoup préfèrent habiter au bord de la mer, parce que souvent calme. C’est le cas de ceux qui ont acheté et construit à la Cité Djily Mbaye. Seulement, leur quiétude a duré le temps d’une rose. Depuis plus d’une décennie, leur quotidien est perturbé par des jeunes qui ont érigé sur la plage des cases et autres cabanes. Ils attirent ainsi des visiteurs et ont rendu les lieux bruyants et animés. Les riverains n’en peuvent plus et la situation devient explosive, avec la communauté layène qui entre dans la danse. Les autorités commencent à prendre la pleine mesure du danger. La police est aux aguets.

 

Entre deux mausolées ‘’layènes’’, ceux de Yoff et Cambérène se passent, le long de la plage, des choses qui offusquent sûrement le guide de cette communauté musulmane. Des jeunes qui disent être des Lébous et habitants Yoff y ont érigé des cases en paille, des cabanes et même des baraquements en dur. Impossible se diront certains, car il est formellement interdit de construire en dur sur une plage. Mais les occupants de ces lieux semblent n’en avoir cure. Pis, ils ont des autorisations leur permettant de construire, ici. Qui les leur a données ? Entre la Mairie de Yoff et le Domaine public maritime, les propriétaires de ces espaces ont du mal à en désigner un. D’aucuns désignent l’institution municipale, sans montrer les documents. D’autres indexent le second nommé.

Il y a un troisième groupe qui avoue n’avoir aucun papier légal et que, si l’Etat le voulait, il pourrait les déloger, du jour au lendemain. D’ailleurs ils pensaient, en voyant l’équipe d’EnQuête arriver, qu’elle était là pour cela. ‘’Macky Sall n’ose tout de même pas faire cela, à la veille d’élections !’’ s’exclame l’un d’entre eux. Encore du chantage préélectoral qui renseigne sur l’état d’esprit de ces jeunes ! En attendant que les responsabilités soient situées, ceux qui exploitent cette plage causent d’énormes torts aux populations qui habitent aux alentours. Celle de la Cité Djily Mbaye en souffre quotidiennement d’ailleurs, depuis plus d’une décennie.

Week-ends infernaux

L’association des habitants de cette localité a, à maintes reprises, saisi divers pouvoirs publics dont le Gouverneur, le Préfet, les maires qui se sont succédé à Yoff et la direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos). Rien n’a été fait pour soulager les populations. C’est à croire que ces exploitants ne sont pas dans l’illégalité et qu’ils causent beaucoup de désagréments à leurs voisins. A cause de leurs aménagements, cette plage interdite à la baignade, jadis paisible et calme, est devenue bouillonnante, désordonnée et toujours bondée. Les week-ends sont devenus infernaux pour les riverains. ‘’Les gens prennent d’assaut la plage très tôt. Nous sommes obligés de faire sortir tôt nos voitures, au risque de voir des gens se garer devant les portes de nos garages. Et quand ils le font, on ne sait même pas où les chercher dans cette foule. Quand ils viennent le matin, ils ne repartent que le soir’’, regrette un membre de l’Association des habitants de Djily Mbaye.

A cela s’ajoute un tapage qui ne dit pas son nom. Presque chaque gérant de ces espaces a son matériel de sonorisation, les week ends. La musique est à fond et ce, du matin jusqu’au soir aux alentours de 23h. De grandes marques de téléphonie, de boissons, d’eau, etc. viennent y faire leur promo les week-ends, avec un puissant matériel de sonorisation. D’où le calvaire de ceux qui habitent juste en face et qui confient que, par moments, dans leurs maisons, il leur est même difficile de tenir une conversation, parce qu’ils ont du mal à s’entendre. Comment faire sa sieste alors ? se demande-t-on ?

 Pas de repos dominical pour eux et pas de prières dans la quiétude également pour les fervents musulmans qui prient à la grande mosquée de la Cité Djily Mbaye. Cette dernière est à quelques mètres de la plage. A chaque appel à la prière, la voix du muezzin se mêle à la musique distillée çà et là sur la plage. Pis, certains batteurs de djembé, à la recherche de touristes qui leur lanceraient quelques pièces, n’hésitent pas à élire domicile juste devant la mosquée. ‘’Une fois, on était en plein Hadaratoul jumma, quand des jeunes ont commencé à chanter et à battre le djembé, ici. Ils faisaient tellement de bruits que leur musique se mélangeait à nos voix. Je me suis levé pour aller leur parler. Ce sont les jeunes qui m’ont retenu, parce que j’étais très énervé et cela pouvait facilement déborder’’, témoigne l’imam de la mosquée.

‘’Djily Mbaye ne dort pas’’

Meurtri, il a plein d’anecdotes de ce genre et même des pires. L’hôtel érigé juste à côté de la mosquée le désole. ‘’Il ne se passe pas une semaine sans qu’on assiste, aux abords de la mosquée, à une dispute entre alcooliques ou prostituées. Une fois, on a fait sortir ici quelqu’un qui était ivre comme un Polonais. Il a fait pipi sur le perron de la mosquée, vous vous imaginez’’, s’étrangle-t-il sur un air plus que dépité. De ce fait, il a tenté diverses actions, notamment en contestant l’ouverture d’un hôtel à côté d’un lieu de culte. Ce qui est contraire à la loi, à l’en croire. Seulement, le gérant de ce lieu a son autorisation, comme le gérant du bar-restaurant ‘’La Paillote’’ qui est juste en face. Il y a également un night-club. Le lieu n’est pas insonorisé. Donc, les jours où il y a soirée dansante, même le voisinage est ‘’invité’’. Et là c’est vraiment du ‘’Djily Mbaye ne dort pas’’.

‘’Leurs soirées ne se terminent pas avant 5h du matin. Même l’appel du muezzin à la prière ne les découragent pas’’, regrette l’imam. Ce dernier est également touché par le fait qu’il reçoive de moins en moins de fidèles pour la prière du matin. ‘’Moi, je ne viens plus pour la prière de fajr (ndlr prière du matin), parce que les lieux sont devenus dangereux. Quand on ne rencontre pas de prostituées, on tombe sur des agresseurs. Je préfère rester chez moi’’, confesse un habitant de la Cité Djily Mbaye. ‘’Personne n’ose laisser ses enfants sortir seuls, le matin, pour aller prendre le bus. Il faut les accompagner, parce que c’est l’insécurité totale ici’’, dénonce un autre. La situation est à un point où nos interlocuteurs ne veulent pas donner leurs noms ni se laisser prendre en photo, parce qu’un des leurs ayant dénoncé ce qui s’y passait a vu sa femme se faire agresser à 7h du matin devant sa maison, alors que la dame faisait sortir sa voiture de leur garage.

Hallucinant, penseront beaucoup. Les habitants de cette cité voient ainsi leur quotidien perturbé, au moment où, à côté, ceux qui sont à la base de tous leurs maux se remplissent les poches.

BCEAO

La plage de toutes les libertés

‘’Bonjour M., vous souhaitez prendre une case ?’’ demandent des jeunes qui font le guet à la recherche de clients pour les gérants des divers espaces. Les prix varient entre mille et trois mille F CFA. Ceux qui veulent une natte déboursent 1000 F, alors que ceux qui souhaitent se mettre sous des tentes ouvertes paient 2000 F. Trois mille est le prix des paillotes. L’on se demande bien pourquoi une paillote pour des gens qui viennent chercher de l’air frais. ‘’Ce n’est pas un lieu de débauche, comme le pensent certains. Nous accueillons toujours des personnes responsables, donc ce ne sont pas nos cases qu’ils transforment en auberges ou hôtels. Je me dis que c’est impossible que certaines pratiques s’y passent, du moment où il y a beaucoup de monde’’, défend un gérant.

Seulement, il faut rester jusqu’au soir pour voir ce qui se passe sur ces lieux. Il y a du tout. Quand on dit tout, c’est vraiment tout. Quand on leur dit cela, ils reconnaissent ou avouent que parmi ceux qui fréquentent les lieux, il y en a qui ont des comportements peu orthodoxes. ‘’Dans les cases, certains font des choses qu’on ne saurait raconter. Ici, c’est une plage publique, l’endroit n’appartient à personne’’, lance un jeune qui y fait tous les jours son footing. Gorgui reste persuadé qu’il se passe plein de choses dans les cases, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, cela ne le regarde pas. Gérant d’espace, par ailleurs maître-nageur et volontaire de la Ville de Dakar, Moustapha Diène, avoue qu’il est formellement interdit l’érection de cases ou tentes fermées. Dans l’espace qu’il gère, d’ailleurs, on n’en trouve pas. Ce qui n’est pas le cas des alentours.

‘’Il y a beaucoup d’homosexuels qui rôdent ici le soir’’

La présence de ces paillotes encourage la prostitution et ce sont de toutes jeunes filles qui s’y adonnent. ‘’Quand vous passez ici le soir et que vous êtes quelqu’un de pudique, gare à vos oreilles ! Les filles vous hèlent avec des mots crus. Leur âge, elles ne s’en soucient pas. Tous ceux qui passent devant elles sont d’éventuels clients’’, dénonce un propriétaire d’une villa faisant face à la plage. Il est vrai, et EnQuête l’a constaté, le soir, des jeunes filles aux accoutrements suspects se pavanent sur la plage et aux abords. Un jeune du quartier, plus au fait de ce qui passe aux alentours à la tombée de la nuit, révèle le pire. Il y a beaucoup d’homosexuels qui rôdent ici le soir, informe-t-il. Ce que confirme un exploitant : ‘’On ne sait pas tout ce qui se passe ici le soir. Mais il faut reconnaître qu’on y voit des fois des choses inimaginables.’’

Entre les soulards, les prostituées, les agresseurs, on se fait vite une idée de l’ambiance, une fois la nuit tombée. Un tour effectué confirme les dires de certains. L’alcool coule à flot. Certains le consomment sur la voie publique. Pourtant sur la plage, on nie vendre de l’alcool. ‘’On ne vend pas d’alcool, ici, mais, on ne peut empêcher personne d’en consommer. Certains s’approvisionnent, avant de venir, mais je prends toujours la peine de ramasser tout ce qui est canette d’alcool ou des bouteilles jetées par terre’’, dit Ibrahima Gningue, exploitant et vendeur de poissons.

Qui alors pour faire la loi ? La police des Parcelles Assainies y passe souvent et procèdent même à des arrestations, selon les exploitants, mais cela ne décourage point ceux qui fréquentent la plage. Aujourd’hui, les populations de la Cité Djily crient au secours. Elles demandent un appui de l’Etat afin que ceux qui occupent la plage puissent le faire d’une manière responsable, en respectant leurs voisins et en veillant à ne pas les déranger. ‘’Nous les jeunes pouvons régler cela, mais ce ne sera pas à l’amiable et nous ne voulons pas de ça. Nous voulons que les autorités réagissent et qu’elles prennent ce problème à bras le corps’’, supplie un des jeunes riverains.


DERIVES PLAGE BCEAO

La jeunesse Layène entre dans le combat

Certains se demandaient pourquoi les Layènes laissaient les exploitants de la plage de Bceao faire, sans rien dire. La communauté semble sortir de sa torpeur, depuis que Wally Ballago Seck y a tenu un concert, le samedi dernier. D’ailleurs, c’est dès l’annonce de la tenue de la manifestation que les habitants de Yoff Layène sont montés au créneau, notamment les jeunes. Ils avaient prévu de tenir un sit-in, le jour du concert, à 9h, sur les lieux. Puis l’heure a été décalée à 15h, avant que la manifestation ne soit tout bonnement renvoyée à ce 9 septembre. Ils veulent ‘’dire halte aux dérives sur la plage de Yoff à Malika ; non à la pollution sonore et la prostitution’’.

Ces jeunes rejoignent dans ce combat l’association des habitants de la Cité Djily Mbaye qui subissent quasi quotidiennement les maux que dénoncent ces jeunes. Tous attendent des autorités municipales, préfectorales et religieuses qu’elles réagissent aux fins de mettre un terme à ce qui se passe sur cette plage. L’ambiance rend le quartier invivable.

Samedi dernier, jour de la tenue du concert du Prince des Faramarenes, de 16h à 20h, ceux qui habitent juste en face de la plage ont dû supporter des ‘’nuisances de tous ordres : sonores, diurnes et nocturnes’’, dénonce un d’entre eux. La circulation sur les lieux était dantesque, comme en témoignent les photos qui circulent sur la toile. Les lieux étaient noirs de monde : Wally sur la scène, le public à perte de vue.

Selon des sources, les autorités suivent cette affaire de très près. Notamment, la police qui se tient aux aguets.

BIGUE BOB

 

Section: