Publié le 3 Jul 2018 - 22:47
CANDIDATURE DE KARIM WADE

Le flou persiste

 

La sortie de la Direction générale des Elections a au moins le mérite de clarifier le débat autour de l’inscription de Karim Wade sur les listes électorales. Toutefois, le flou persiste, puisque la question de l’éligibilité de Karim Wade n’est toujours pas tranchée. Et si le Conseil constitutionnel emboitait le pas à la Direction générale des Elections pour écarter définitivement cette question qui n’a que trop déchainé les passions ?

 

‘’Quel sera le sort réservé à la candidature de Karim Wade à la prochaine élection présidentielle ?’’. Telle était la question posée par ‘’EnQuête’’, dans son édition du mercredi 21 mars dernier. Cette question reste plus que jamais d’actualité. Suite à la sortie, hier, de la Direction générale des Elections, le débat latent, depuis quelque temps, est monté d’un cran. Sur la toile, pro et anti régimes s’affrontent de la manière la plus violente. A vrai dire, rien n’est nouveau sous les cieux. Au-delà de la guerre des mots entre états-majors politiques, la législation des élections au Sénégal est claire, en ce qui concerne l’inscription sur les listes électorales. Elle est régie par l’article L31 du Code électoral rappelé par la Direction générale des Elections (voir ci-contre).

La véritable question de droit qui reste à trancher est la suivante : Est-ce que quelqu’un qui n’est pas inscrit sur les listes électorales peut être candidat à une élection présidentielle ? La loi est muette là-dessus. Dans l’article susvisé, un magistrat confiait : ‘’La loi électorale n’est pas claire à ce propos. Pour ce qui est des législatives et des locales, la question ne se pose pas. Il est impossible de se présenter, si l’on ne figure pas sur les listes. Mais pour la présidentielle, la loi ne le dit pas expressément.’’ D’où les interprétations divergentes. Pour les uns, nul ne peut être candidat, s’il ne figure pas sur les listes électorales. Notre source estimait qu’il est paradoxal d’interdire à quelqu’un de s’inscrire sur les listes et en même temps l’autoriser à se présenter au scrutin. Il pensait que c’est juste un vide juridique qu’il faut corriger et que ce qui est valable pour les élections locales et législatives doit l’être davantage pour la présidentielle.

D’autres hommes de loi défendaient le contraire, rappelant le principe selon lequel ‘’il ne faut distinguer là où la loi ne distingue pas’’. Pour eux, le Code électoral s’est limité à dire que des personnes dans la situation de Karim Wade ne peuvent s’inscrire sur la liste électorale et non qu’ils ne peuvent pas se présenter à la présidentielle. Le débat est ainsi lancé entre les deux écoles de droit.

L’éligibilité, la grosse inconnue

Mais la question de la candidature de Karim Wade n’est pas à une seule inconnue. Outre le problème juridique qui vient d’être évoqué, il se pose également la question de savoir si le fils de l’ancien président jouit encore de ses droits civils et politiques. Une condition obligatoire pour tout candidat à la présidence de la République. Cette difficulté est encore plus cornélienne.

Il résulte, en effet, de l’article 34 du Code pénal que les tribunaux jugeant correctionnellement pourront, dans certains cas, interdire l'exercice de droits civiques, civils et de famille dont celui de vote et d’éligibilité.  C’est le cas, notamment, lorsque la peine d'emprisonnement prononcée sera supérieure à 5 ans. Dans une telle hypothèse, l'interdiction définitive de tous les droits devra obligatoirement être prononcée. Mais le législateur s’empresse de mettre un bémol.

A l’article 35, il précise que ‘’les tribunaux ne prononceront l'interdiction mentionnée dans l'article précédent que lorsqu'elle aura été autorisée ou ordonnée par une disposition particulière de la loi’’. Ce qui n’est pas le cas de la loi sur l’enrichissement illicite qui a fait ‘’tomber’’ le candidat du Parti démocratique sénégalais. C’est peut-être pourquoi le président de la Crei n’avait pas donné suite à la demande du parquet spécial consistant à prononcer la déchéance de M. Wade. Sidiki Kaba, à l’époque ministre de la Justice, le réaffirmait devant la représentation nationale.

Le salut pourrait-il venir du Conseil constitutionnel ?

Certainement, la sortie de la Direction générale des Elections ne manquera pas de soulever l’ire des libéraux. Mais s’il y a quelque chose à saluer dans cette initiative, c’est qu’au moins elle a le mérite de clarifier un débat inutile qui commençait à prendre de l’ampleur. Le ballon de sonde lancé par le candidat libéral à grand renfort médiatique vient ainsi de faire pschitt. Bien que l’ancien ministre en charge de la Coopération international conserve encore ses droits de recours devant le consul du Sénégal au Qatar. Toutefois, les prérogatives des services du ministère de l’Intérieur s’arrêtent là.

Les autres inconnus que soulève la problématique de la candidature de Karim Wade relèvent de la compétence du Conseil constitutionnel. Pour élaguer définitivement cette question qui tient en haleine toute la République depuis quelque temps, les sept sages ne pourraient-ils pas anticiper et donner leur avis, comme c’était le cas à la veille des législatives quand, dans une démarche audacieuse et novatrice, ils avaient même permis de contourner la loi dans le but de permettre à des milliers de Sénégalais de voter. Ici, cela aurait au moins épargné le peuple, particulièrement le Pds, de toute surprise de dernière minute.

MOR AMAR

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