Publié le 12 May 2019 - 00:46
CEREMONIE DE DEDICACE

Ousmane Sonko, du ‘’dictateur’’ au ‘’modèle’’

 

Pour la première fois depuis trois mois, Ousmane Sonko se prononce publiquement. Il ignore la politique, le dialogue de Macky Sall et parle uniquement du livre à lui dédié par le journaliste-écrivain Ababacar Sadikh Top. Un livre qui parle de sa ‘’trajectoire, (son) parcours et discours d’espoir’’.

 

‘’Ousmane Sonko est-il un dictateur ?’’. Voilà la question que se posait le journaliste-écrivain Ababacar Sadikh Top, il y a de cela 2 ans. Il ne le connaissait pas. Tout comme lui ne le connaissait. En fait, tout est parti d’une demande pressante d’interview du journaliste à l’homme politique. C’était en 2017. ‘’Un jour, rapporte M. Top, la rédaction de Dtv m’avait demandé de contacter Sonko ou un de ses collaborateurs de Pastef, pour recueillir leur avis sur un sujet d’actualité. Après avoir donné son accord, je me suis déplacé sur les lieux. Et sur place, il reçoit un appel et vient annuler notre entretien. L’argument avancé n’était pas ma préoccupation en tant que journaliste’’.

Bredouille et dans tous ses états, Top rebrousse chemin. Mais il a mal dans sa chair. Comme à son habitude, le reporter, très présent sur le réseau social Facebook, trempe encore sa plume pour descendre en flammes le leader des patriotes. ‘’Est-il un dictateur ?’’, s’interrogeait-il dépité. Il était loin de s’imaginer qu’il allait produire un beau livre de 98 pages sur ce même homme. Cette tribune, peut-être, a pu porter ses fruits.

En effet, quelques heures après, informe l’auteur de ‘’Ousmane Sonko : Trajectoire, parcours et discours de l’espoir’’, le chargé de communication du Pastef l’appelait pour s’excuser et donner les raisons de l’annulation. Le même jour, pendant 7 minutes, ajoute-t-il, ‘’j’ai parlé avec Sonko au téléphone. Cela nous a permis de discuter de tout, sauf de la lettre ouverte que je lui avais adressée. Il m’avait alors, lui aussi, expliqué que c’était en fait une décision du bureau politique’’.

Par la suite, les deux hommes sont parvenus à arrondir les angles, enterrer rancœurs et rancunes, et mettre en avant ce qui les unit : l’amour pour leur patrie, le Sénégal.  Une interview s’ensuivit et depuis ce jour, ils ne se quittent pas. De dictateur présumé, Sonko devient alors un modèle assumé, une référence pour le journaliste teigneux, ancien de 2Stv et de la Dtv. Aussi, ne s’en cache-t-il point. ‘’J’ai une admiration intellectuelle. C’est ma faiblesse envers l’homme par la technicité et l’intégrité qu’il dégageait. Sans lui dire, j’ai entamé une enquête sur sa personne. J’ai rencontré ses collègues, des chefs d’entreprises qui le fuyaient, des personnes qui le connaissaient de près. Et en entamant ce travail, je me suis promis de m’appliquer cette maxime de Hubert Beuve-Mery : le journalisme, c’est le contact et la distance’’.

Top a donc essayé d’aller au contact du patriote en chef, mais tout en conservant cette distance nécessaire. Parce que, peut-être, il était un peu trop distant qu’il n’a pu découvrir à temps l’amour de Sonko pour Bob Marley et pour les chiens. Lui-même en a fait la confession, hier, à la cérémonie de dédicace. Ababacar Sadikh Top de décliner pourquoi un tel choix : ‘’Je sais que vous n’aimez pas que l’on parle de vous, mais vous allez accepter de souffrir, parce que vous incarnez l’espoir  de la jeunesse. Vous avez réconcilié beaucoup de Sénégalais avec la chose politique. Sachez bien que le patriotisme qui vous a valu votre radiation de la Fonction publique est le même qui m’a amené à écrire ce livre. Toutefois, sachez-le bien : le même patriotisme me poussera à écrire si, un jour, votre action allait à l’encontre de votre discours. Cependant, connaissant votre trajectoire, parcours et discours, je ne doute point de votre intégrité et de votre honnêteté’.

Pour le président de séance, par ailleurs n°2 de Pastef, Birame Souleye Diop, l’auteur a fait preuve de courage, en tant que jeune journaliste, d’écrire sur un homme politique aussi clivant. Selon lui, l’auteur est aussi un véritable patriote et c’est pourquoi, il n’a pas voulu rester au Maroc et se faire raconter le moment décisif que constituait l’élection présidentielle de 2019. ‘’Il a compris qu’il fallait retourner au bercail pour participer à la lutte pour la libération du peuple. Jambar ken douko nettaly kharé daf ciy bokk (le guerrier ne se fait pas raconter la guerre, il y participe)’’.

Parlant du livre, Bachir Coly déclare : ‘’C’est un témoignage à chaud et une analyse sur ce qu’il est convenu d’appeler le phénomène Sonko. C’est le récit d’un observateur attentif et amical, d’un homme de conviction dont la sympathie à l’égard du responsable politique n’a pas empêché de rester objectif…’’

En fait, Bachir avait quelques appréhensions en lisant l’ouvrage. Il se demandait : ’’Mba doufi wakh rek : il est beau, il est gentil, il a de l’argent, il fait le niokhor, c’est un talibé, dafay diapp dafay diouli…’’ Autrement dit, il s’inquiétait que cela soit juste un livre qui peint tout en rose sans justifications aucune. Le directeur des opérations de L’Harmattan a donc été agréablement surpris de constater que l’auteur n’a pas cédé à cette tentation.

Toutefois, constate-t-il, le journaliste, bien que objectif, n’a pu contenir son admiration pour le jeune leader. ‘’Son admiration pour ce Monsieur transparait  dans chaque ligne qu’il lui consacre’’.

Dans le livre, l’auteur parle du système si ‘’cher’’ à Ousmane Sonko, de l’homme ainsi que de son discours et de ses références comme Mamadou Dia dont il est la réincarnation, si l’on en croit l’auteur cité par M. Coly. ‘’Ce Maodo, dit-il, dont la voix résonne encore et toujours en Ousmane, lui a comme passé le témoin. Les deux hommes sont identiques sur plusieurs plans. Tous deux sont nés dans la région de Thiès et ont un lien très fort avec Khombole (Dia en tant que natif, Sonko en tant que ville natale de sa mère). Ils partagent également leur amour pour la religion et les valeurs : l’éthique, la rigueur, le même discours, mais surtout l’amour pour la patrie’’.

Pour le président de Legs, Elimane Haby Kane, ‘’c’est une contribution majeure. Le livre constitue, en effet, une sorte d’alternative’’. Cependant, il pense que l’auteur est un peu trop gentil. ‘’Je m’attendais à ce que vous souligniez quelques faiblesses dans sa personne, sa démarche, ses actions… La dimension critique a un peu manqué dans l’ouvrage. Ce qui n’enlève en rien à sa vocation didactique, instructive et historique’’, a-t-il témoigné.

OSMANE SONKO SUR LE LIVRE

‘’S’il m’avait parlé, j’aurais pu lui faire part de ma passion pour les chiens et pour Bob Marley’’

‘’Mais kii lane lay deff nii? Lii lepp diarouko woon way (Mais qu’est-ce qu’il fait celui-là? Ce n’était pas la peine)’’. Ainsi s’étonne le leader de Pastef, visiblement surpris d’être appelé au présidium par son acolyte Birame Souleye Diop.

En effet, arrivé en retard, il s’était discrètement rangé au fond de la salle. Pendant quelques secondes, le patriote en chef se fait désirer. Pas pour faire la star. Mais parce que, confiera-t-il, il n’aime du tout écouter les gens parler de sa personne. Ni en bien ni en mal. Très mal à l’aise, il lâche après quelques hésitations : ‘’Vous m’avez fait sortir  d’une hibernation de 3 mois. Vous me mettez vraiment dans une situation inconfortable. Ça peut paraitre bizarre d’ailleurs pour un homme public, mais c’est comme ça. Mais, de toute façon, même si on ne parle pas, on nous fait parler. Certains pourraient penser que c’est de la fausse modestie. Mais c’est ma nature. Je n’y peux rien.’’

Sonko n’aime donc pas être au-devant de la scène. Mais lui parle quand même de l’auteur qui, selon lui, est un journaliste crédible et compétent : ‘’Ce que je puis dire, c’est qu’il est un journaliste pur, sérieux, intègre et professionnel. Qui fait correctement et en toute intégrité son travail, de manière très rigoureuse.’’

Pour la réalisation de ce projet, il jure n’avoir été informé qu’après la parution. Comme pour confirmer qu’il ne s’agit nullement d’un livre pour faire du ‘’Door’’. ‘’’Dans ce pays, c’est difficile pour un journaliste de faire son travail. Quand tu parles de quelqu’un, si c’est en bien, on dit que tu as été acheté. Si c’est en mal, on dit qu’il y a quelqu’un qui a payé. Avec Top, je puis témoigner qu’on n’a jamais eu ce genre de rapport. D’ailleurs, il ne m’a jamais interpellé, même pour valider ou corriger certains aspects. C’est d’ailleurs pourquoi le livre est forcément incomplet. Dans un sens comme dans un autre. S’il m’avait approché, par exemple, j’aurais pu lui parler de mon affection pour Bob Marley et le reggae, quand j’étais jeune. Tout comme de ma passion pour les chiens. J’aime les chiens, mais ce n’est pas pour les amener à mordre ceux qui sont de l’autre côté’’, rigole-t-il.

Pour le candidat malheureux à la dernière Présidentielle, le livre est utile en ce qu’il permet aux Sénégalais de mieux connaitre cet homme qui aspire à les gouverner. ‘’Il ne s’agit pas de sublimer un homme, mais de parler de ses actions pour que les citoyens puissent en apprendre quelque chose’’, déclare-t-il, appelant les jeunes à s’inspirer de grands hommes comme Mamadou Dia, comme le doyen Alla Kane qui était présent à la cérémonie et qui a été radié de la Fonction publique à deux reprises. ‘’Quand on voit des gens comme ça à nos côtés, on se dit qu’il ne faut jamais lâcher. C’est à nous de gagner ce combat, de le parachever afin que les générations futures puissent en bénéficier. Il y a urgence de faire émerger une masse critique de Sénégalais qui comprennent les enjeux. Ce ne sont pas nos personnes qui sont importantes, mais les convictions qui nous unissent’’, soutient-il.

 

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