Publié le 2 May 2016 - 08:00
CEREMONIE TRADITIONNELLE EN PAYS SERERE

Le ‘’Miss’’ annonce de bonnes récoltes

 

Diohine, village situé  dans la commune rurale de Diarrère, dans le département de Fatick, a célébré sa partie de chasse traditionnelle. Un grand moment de prédiction. Elle marque aussi le début du débroussaillement des champs.

 

La partie de chasse traditionnelle appelée ‘’Miss’’, du village de Diohine, a été célébrée ce lundi 25 avril. Des chasseurs venus du village et de 12 autres localités sont partis, très tôt, dans la brousse pour chasser. Cette cérémonie organisée chaque année a pour but de conjurer le mauvais sort et de faire des prédictions sur l’hivernage. ‘’Les saltigués ont formulé des prières et ont prédit un bel hivernage. Après cette célébration, les  gens vont commencer à débroussailler les champs et à semer le mil’’, explique Dr Paul Faye. L’autre fonction de la rencontre est de permettre aux anciens du village de consulter les esprits afin de conjurer les malheurs qui peuvent frapper la localité, en préconisant les sacrifices qu’il faut faire.

Chaque année, à la veille de la chasse, les femmes du village accrochent du pain de singe sur une branche du grand fromager qui servait de grande place au roi Sara Obé. Mais le secret demeure sur la manière dont elles s’y prennent pour accrocher le fruit, puisqu’il se trouve sur une branche qui n’est pas facile d’accès. ‘’Par tradition, depuis plus d’une cinquantaine d’années, ce sont les femmes qui accrochent le fruit du pain de singe. On ne sait pas comment elles s’y prennent. Elles gardent jalousement le secret. Le matin, avant de partir à la chasse, les femmes donnent de l’eau et un peu de bouillie aux chasseurs’’, explique Dr  Faye.

Ensuite jeunes, vieux, femmes et enfants rallient petit à petit la place du grand fromager de Mboth pour attendre le retour des chasseurs. Les fusils tonnent de gauche à droite.  ‘’Ici, le port d’arme, qui n’est pas toujours autorisé, est admis pour garder le troupeau, pour aussi assurer la sécurité. Depuis que nous la célébrons, jamais une goutte de sang n’a été versée. Toute forme d’armes allant du couteau au fusil est maniée. C’est vraiment dans la ferveur, la joie et la fraternité que nous célébrons cette journée’’, renseigne Dr Faye qui, par ailleurs, est un compagnon du Président Macky Sall.

Initiées ou non, les populations rallient l’ombre du grand fromager. Sur la place, des cavaliers hauts perchés sur leur monture rivalisent d’ardeur, lors des courses âprement disputées qui font fuir de temps en temps les spectateurs. Peu à peu, on aperçoit un cortège bigarré. Les chasseurs arrivent par petits groupes et rallient le grand fromager. Enturbannés de lianes vertes protectrices, portant en bandoulière leurs fusils de chasse, certains tiennent aussi en main des machettes, d’autres des bâtons de tailles différentes. Les plus vieux portent des chapeaux et des bonnets de tous genres.

Les sept tours du grand fromager mystique

Dans la procession, ils sont aussi excités que les autres. Dès leur arrivée, ils lancent des cris stridents. Chacun fait sept fois le tour du grand fromager mystique. Cela les rend invulnérables, dans la croyance populaire. Un jeune homme surexcité fait des grimaces avec des gestes taquins. Il tient dans ses mains un chacal et une perdrix. C’est sa prise. ‘’Je vais tout manger’’, dit-il. Un autre a tué un oiseau avec de très grandes ailes qui ressemble à un albatros. Au rythme du tam-tam, le tambour-major du village revigore les chasseurs. Qui martèlent le sol de leurs pas de danse rythmés. Chacun brandit le gibier tué lors de la chasse.

Ensuite, les chasseurs crient, dansent et se mettent à tirer pour décrocher le fruit du pain de singe. Après une vingtaine de tirs ratés, un chasseur finit par atteindre la cible. Les cris deviennent de plus en plus stridents. Content et fier, chacun exécute des pas de danse. Le chasseur habile va enterrer le fruit dans son champ. Cela est censé rendre sa terre fertile et sa récolte bonne. Le défrichage des champs peut enfin démarrer. La récolte sera bonne pour tout le village. Les groupes retournent alors dans leur village, ramenant leur prise et fiers du devoir accompli. 

KHADY NDOYE (MBOUR)

 

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