Publié le 15 Jul 2016 - 22:25
CHAQUE 3 ANS, L’ECOLE SENEGALAISE PERD UNE ANNEE ENTIERE

Comment les grèves détruisent le système éducatif sénégalais

 

Les grèves répétitives des enseignants et des élèves gangrènent le système éducatif sénégalais. Un rapport sur l’étude nationale rendu public hier le démontre. Le document renseigne que, tous les 3 ans, l’école sénégalaise perd l’équivalent d’une année scolaire, à cause de ses mouvements d’humeur. Sans compter leur coût pour le contribuable sénégalais.

 

Un atelier a été organisé hier pour partager les conclusions du rapport de l’étude nationale sur le financement intérieur et extérieur de l’Education et de la formation, dans le cadre des comptes nationaux de l’Education. Les ministères de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et celui de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat et les différents acteurs du système éducatif y ont pris part. Cette étude s’est focalisée sur les montants dépensés dans l’éducation, leur destination et le niveau d’Education dispensé par élève et enseignant, pendant les six dernières années (2009 - 2014). Elle démontre qu’il y a du gaspillage et que l’argent n’est pas utilisé à bon escient. Pendant cette période, l’Etat a dépensé entre 480 et 500 milliards F CFA.

Les enseignants et élèves grévistes ont une grande part de responsabilité dans ce gaspillage. D’après le rapport, ces derniers ont le droit d’aller en grève, mais cela ne colle pas avec la réalité économique du pays. ‘’Quand vous regardez ce que coûtent les grèves, par rapport à ce que l’étude nous montre, c’est que sur la période des cinq dernières années, c’est l’équivalent de 2 500 milliards F CFA qui sont dépensés. Ce qui fait en moyenne 500 milliards F Cfa, par an. Chaque fois, il y a deux ou trois mois de grèves, soit chez les élèves ou les enseignants. Pour chaque trois ans, une année est perdue’’, rapporte le présentateur du rapport et représentant de l’Institut international pour la planification de l’Education à Paris, Ousmane Diouf.

‘’Du primaire à l’université, l’élève perd 4 ans’’

D’après lui, ‘’du primaire à l’université, la plupart des élèves perdent 4 ans, ce qui est l’équivalent de 2 milliards de dollars. ‘’Si nous sommes dans un pays où il y a deux ou trois mois de grève, tous les ans, pendant que les salaires sont payés, les frais de fonctionnement des écoles sont assurés, évidemment on peut se dire qu’il y a du gaspillage et que l’argent n’est pas utilisé de manière efficace et efficiente’’, dit M. Ousmane Diouf. Il ressort ainsi que la pression fiscale a connu une tendance haussière passant de 18,0% à 20,2%.

‘’L’Etat doit s’arrêter et revoir sa stratégie de financement’’

D’après toujours le rapporteur, ces manquements doivent pousser l’Etat à avoir des stratégies durables, à revisiter sa stratégie de financement de l’Education. ‘’Si l’Etat ne s’arrête pas, il risque de continuer à avoir ces problèmes’’, fait-il savoir. Selon l’expert, le salaire des enseignants, c’est plus ou moins le quart. ‘’Quand on regarde le primaire, presque 80% ou 90% des dépenses de l’Etat vont aux salaires des enseignants et aux dépenses courantes, laissant moins de 8% pour les investissements. Cela peut, dit-il, être la réponse à beaucoup de questions qui se posent concernant les abris provisoires.

Sachant que les effectifs pour la population scolaire a progressé régulièrement de 2,58 millions en 2009 à 3,38 millions en 2014 ; soit une croissance annuelle de 5,5% demeurant plus importante que celle de la population sur la période (2,8%), M. Diouf de préciser : ‘’L’Etat ne fait pas assez d’investissements, parce que les parties qui vont aux dépenses courantes sont très élevées; ce qui fait que l’Etat ne collecte pas assez de revenus par rapport à l’économie qui est développée.’’

‘’Quand vous regardez la structure de financement du primaire à l’université, c’est très spéciale. Les bourses des étudiants constituent 40% des dépenses des universités, cela n’existe nulle part ailleurs dans le monde’’, a-t-il défendu. Le présentateur ajoute que le salaire des enseignants, c’est plus ou moins le quart des dépenses, ce qui rend le cas du Sénégal spécifique. ‘’C’est ce qui explique les difficultés que l’Etat a par rapport aux revendications des syndicats. L’Etat peut avoir toute la volonté de satisfaire ces conditions, mais face à la réalité, ce n’est plus tenable’’, explique-t-il.  

‘’Au lieu de donner des bourses, cela peut être des prêts’’

‘’40% du budget des universités ne peuvent pas aller aux bourses’’, informe Ousmane Diouf. En lieu et place, il propose des prêts aux étudiants au lieu de donner des bourses gratuites. C’est l’exemple, dit-il, dans beaucoup de pays qui ont des bourses stratégiques. ‘’Les bourses, on doit les donner parce que les étudiants en ont besoin. Par exemple, au lieu de donner des bourses, cela peut être des prêts aux étudiants. Ces derniers peuvent, après, rembourser pour servir de  financement à d’autres’’, suggère-t-il. Malgré cela, il signale que le Sénégal est très bien noté par rapport aux autres pays africains, car il est victime de son succès, de sa démocratie très avancée par rapport au niveau économique du pays. Ainsi, il note que sur les dix dernières années, la qualité de l’enseignement s’est dégradée.

‘’Les dépenses d’Education par apprenant ont augmenté de 13,5%’’

Selon toujours le rapport, les dépenses d’Education par apprenant ont augmenté de 13,5%, entre 2009 et 2014. Pour M. Ousmane Diouf, les 62,4% du financement public interne de l’Education sont exécutés par le ministère de l’Education nationale, suivi du ministère de l’Enseignement supérieur avec 29,2%, sur la période de 2009 à 2014. N’empêche, le financement par apprenant est largement plus élevé dans l’Enseignement supérieur, allant jusqu’à 15 fois plus important que dans l’élémentaire en 2014. Tandis que le financement extérieur a connu une évolution erratique, entre 2009 et 2014. 

AIDA DIENE

 

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