Publié le 8 Feb 2019 - 18:55
CHEIKH ANTA DIOP

Derrière  le savant, le politique 

 

Celui que l'on surnomme le "pharaon du savoir" aurait eu 96 ans cette année. Le professeur Cheikh Anta Diop, mort en 1986, à l'âge de de 63 ans. À 43 ans seulement, l'auteur de "Nations nègres et Culture" avait déjà reçu, en 1966, au premier Festival mondial des arts nègres (Fesman) de Dakar, le prix de " l'auteur africain qui a exercé sur le 20e siècle l'influence la plus féconde". Le natif du village de Thieytou (département de Diourbel) doit ainsi sa notoriété, plus en sa qualité d'historien (égyptologue), savant et homme de lettres, qu'à son statut d'homme politique.

Pourtant, outre sa prolixe activité littéraire et scientifique, l'actuel parrain de l'université de Dakar a aussi parallèlement mené une vie de militant politique amorcée depuis ses années d'études.

Dans les années 50, Cheikh Anta Diop avait déjà été à Paris, secrétaire général des étudiants du Rassemblement démocratique africain (RDA). Une fois revenu au bercail, il fonda dès 1961, le Bloc des masses sénégalaises (BMS), parti d'opposition au régime Senghor-Dia. Le BMS est rebaptisé en 1964, Front national sénégalais (FNS). Ce parti fut dissous le 13 octobre de la même année par l'État du Sénégal dans la foulée des fièvres politiques post-crise Dia-Senghor.

Loin d'être découragé par les vicissitudes de la  vie politique sénégalaise de l'époque, marquée par une répression ténue, Cheikh Anta mit sur les fonts baptismaux, en février 1976, le  Rassemblement national démocratique (RND). Ce parti d'opposition de la période de  clandestinité ne sera reconnu légalement qu'en juin 1981, à la faveur du multipartisme intégral instauré par le nouveau Chef de l'État, M. Abdou Diouf. Partie prenante aux élections législatives de 1983, le RND ne put obtenir qu'un seul siège. Le "pharaon du savoir" refusa toutefois de siéger dans l'hémicycle, cédant ainsi le fauteuil à l'avocat Babacar Niang, deuxième sur la liste présentée par son parti. C'est suite à cet épisode que le RND connut une première scission avec la naissance sur ses flancs du Parti pour la libération du peuple (PLP) dont Me Niang prit la direction.

Comme on peut ainsi le constater, sa studieuse vie d'universitaire et de chercheur dans son laboratoire de Carbone 14 de l'Institut fondamental d'Afrique noire (IFAN) fut concomitante avec un militantisme politique sinueux et contraignant mais vigoureux.

Sa vie et son œuvre politiques doivent continuer à constituer un vivier pour les universitaires et chercheurs, mais aussi inspirer notre modèle de citoyenneté en ces moments de crise.

Par ailleurs, au-delà de cet effort immense consacré sa vie durant à la conscientisation des masses sénégalaises, l'auteur de  "Fondements culturels, techniques et industriels d'un futur État fédéral d'Afrique noire" a, comme le stipule le titre de cet  ouvrage, prôné un fédéralisme africain. À ce titre, il est logé à la même enseigne que les Kwame N'Nkrumah, Ahmed Sekou Touré, Patrice Lumumba, dans le cénacle des illustres panafricanistes qui ont marqué l'histoire politique de l'Afrique.

Cheikh Lamane Diop

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