Publié le 22 Aug 2012 - 14:51
CHEIKH SARR, SÉLECTIONNEUR DES LIONS DU BASKET

''On jouait avec les maillots d’entraînements''

Le sélectionneur des Lions est rentré de Praia (Cap-Vert) avec le titre de champion de la Zone 2 de Basket et une qualification au prochain Afrobasket 2013 en Côte d'Ivoire. Mais malgré ce résultat plus que positif, Cheikh Sarr a listé quelques d'insuffisances tout en revenant sur son problème de contrat et de salaire...

Quel bilan tirez-vous au sortir de ce tournoi de la Zone 2 que vous venez de remporter ?

Le bilan se scinde en deux parties. D’abord sur le plan technique, il y a une grande satisfaction car l’équipe a remporté ses cinq matches sur six. On a une moyenne de 70 points inscrits par match contre 50 points encaissés. Les joueurs étaient bons sur tous les plans. Dans le cadre humain, on était une famille et un groupe soudé. L’équipe était composée de joueurs cadres expérimentés et de jeunes qui découvraient pour la première fois la Zone 2, il y avait six joueurs professionnels et six locaux.

 

Comment jugez-vous le niveau du tournoi de cette année ?

C’était un tournoi relevé, toutes les équipes ont amené les meilleurs joueurs dont ils disposaient. Le Cap-Vert avait une équipe qui n'était composée que de professionnels, il n'y avait pas un seul local. En sus de cela, ils avaient un entraîneur américain et l’apport de leur public. Le Mali n'était venu qu'avec des professionnels qui jouent en France, en Pro A, Pro B et en National. Ils ont aussi un sélectionneur étranger, un Français notamment. La Mauritanie aussi a fait appel à des joueurs professionnels qui jouent en Libye et dans le Maghreb. Ils (les Mauritaniens) sont bien mais ils manquent de compétition. Donc, le niveau était bon pour ne pas dire très relevé.

 

''L’intendant lavait les maillots des joueurs par ses propres moyens durant le tournoi''

 

Quelle a été la force de votre équipe ?

On avait une équipe et non des individualités. Chaque joueur, dans son comportement et dans le rôle qui lui a été assigné, a donné le meilleur de lui-même. On avait un groupe avec des rôles et responsabilités différents car chacun savait ce qu’il devait faire.

 

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées durant ce tournoi ?

Des difficultés, on en a connues plusieurs. La première est relative à la vidéo. On n’avait même pas dans notre délégation quelqu’un qui filmait nos adverses pour savoir leur jeu et les types de joueurs qu’ils ont. C’est moi-même, grâce à mon caméscope, qui filmais les matches car on devait faire des ''scouting'' (terme anglais qui désigne séance de visionnage, Ndlr) avant et après les rencontres. Ce problème, on l’avait posé avant de partir. Et quand on est capable d’amener des supporters, on doit être capable d’amener un cameraman pour filmer les matches. L’autre problème était organisationnel. Mais heureusement qu'on a eu un intendant qui a fait un excellent travail. C’était lui qui lavait les maillots des joueurs par ses propres moyens durant le tournoi. De ce côté-là, il faut que les dirigeants fassent des efforts et donnent au chef de délégation les moyens de pouvoir payer quelqu’un pour faire le boulot. Ce travail n’est pas du ressort de l’intendant, il faut donc que les gens soient beaucoup plus sérieux par rapport à l’organisation. On a eu aussi des difficultés liées aux équipements. L’équipe jouait avec les maillots d’entraînements, les maillots verts. Cela ne nous a pas empêchés de gagner mais les joueurs méritent une meilleure qualité de maillots et de meilleures conditions de travail.

 

Est-ce que ce n’est pas ce manque d’organisation qui fait que les expatriés ne viennent plus en équipe nationale ?

(Catégorique). Non, c'est que l’équipe nationale n’attire plus. Il y a trop d’amateurisme autour de la sélection. Quand je parle d’amateurisme, je parle d’un manque de clarification du travail. C’est le fait de donner une feuille de route à toutes les parties prenantes qui gravitent autour de l’équipe nationale. Les dirigeants doivent prendre leur disposition pour informer les joueurs expatriés de leurs activités, leurs attentes avant la fin de saison pour que ces joueurs donnent leurs accords ou pas. Mais on ne peut pas attendre à quelques joueurs du tournoi et à la fin de leur saison où ils ont déjà planifié leur programme (des camps, des entraînements pour se renforcer…) pour leur dire que la sélection est là. Il faut tenir avec eux (les expatriés) un langage de vérité, leur dire qu'ils auront ceci comme prime s'ils viennent. Mais on attend la veille de match pour le leur dire.

 

''On a respecté les objectifs qu’on nous avait assignés sans contrat ni salaire''

 

En parlant d’argent, qu’en est-il par rapport à votre contrat ?

On ne m’a pas proposé un contrat. Avant qu’on ne parte pour Praia, on en avait discuté et les dirigeants m'avaient affirmé que le ministre n'était pas là mais qu'il était disposé à signer le contrat. C’était un flou total et un jeu de yoyo. Pour moi, c’était aberrant. Mais il ne fallait pas jeter l’éponge car il fallait montrer quand même qu'on avait envie de faire quelque chose pour notre pays bien qu'on soit des locaux. Sans contrat, on n’est pas stable. On est rentrés de Praia avec la qualification en poche. Il faut maintenant parler des contrats et les signer pour éviter des instabilités dans l’équipe car on a respecté les objectifs qu’on nous avait assignés, sans contrat ni salaire. Ils nous ont avancé une somme mais c’est l’argent qu’ils nous devaient depuis l'Afrobasket de Madagascar (l’année dernière). Ils nous ont remis les 70% et il reste les 30% qu’on tarde à recevoir. Les gens veulent qu’on aille les voir ou les appeler mais c’est trop amateur. Quand vous devez de l’argent à quelqu’un, vous savez les voies et recours pour leur payer leur argent. Vous n’avez pas besoin de vous déplacer ou de crier dans les journaux pour en parler.

 

Par rapport aux primes, y avait-il un problème à Praia ?

Le Directeur technique national (Dtn) avait donné un plan par rapport à moi aux joueurs sur les primes et indemnités avant de partir. Il avait dit qu’il allait le proposer au ministère et que s’il acceptait, on allait le mettre en place. Malheureusement pour nous, soit le plan n’a pas été soumis au ministère soit il n’a pas été accepté. Ils avaient dit en amont qu’il allait y avoir des primes de participation et de match. Mais au dernier moment, on nous a dit qu’il n’y aurait plus de prime de match car ce tournoi est une compétition mineure. Mais il n’y pas de compétition mineure pour une équipe nationale et surtout si cette compétition permet de se qualifier à l’Afrobasket de 2013.

 

La qualification en poche, comment allez-vous préparer cet Afrobasket de 2013 ?

Une compétition, c’est un processus, pas un produit fini. Et un processus est une chose sur laquelle on réfléchit au départ. Le minimum, c’est de faire d'abord une feuille de route, la prospection des joueurs qui se trouvent partout dans le monde et ouvrir la Tanière à tout joueur qui a envie de venir. Il faut prospecter, planifier des stages et participer à des tournois, régulièrement et progressivement.

 

Le président de la fédération, Baba Tandian, a dit que le carré d’As reste l'objectif à l’Afrobasket 2013. Pensez-vous que le Sénégal peut arriver à ce stade ?

Être dans le carré d’as, il ne faut pas le voir en rêve, il faut le concocter, appliquer un bon plan de préparation et évaluer les chances après. S’il le dit, peut-être que ce ne sont pas des paroles vaines, il sait de quoi est capable l’équipe. Mais là n’est pas le problème. Il faut surtout s'interroger sur comment accéder aux demi-finales. Oui, on a les potentialités ! Mais comment faire pour y accéder ? Ce comment-là, c’est un processus qu’il faudra évaluer et mettre en place sinon on n'ira nulle part.

 

PAR MAMADOU LAMINE SANÉ

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