Publié le 1 Mar 2012 - 08:39
CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Le sel de la démocratie

 

Car, Macky Sall ne s’en était pas retourné cultiver son jardin. Avec une rare détermination, il avait ruminé son amertume en pensant comme un autre frustré du système libéral, Mansour Sy Jamil dont la candidature n'a pas abouti, qu’un jour viendra. Et quelque part, le résultat du scrutin est moral : si la défaite de la gauche social-démocrate est la sanction de sa désunion, celle d’Idrissa Seck découle de son inconséquence tactique tandis que les candidats indépendants vérifient à leurs dépens, malgré tout le mal dit des politiciens, que l’instrument le plus adéquat pour la prise du pouvoir reste le parti politique.

 

Les théoriciens de la démocratie autoritaire, transfuges des partis pseudo-marxistes d’antan vers ladite société civile, ont axé leur stratégie de discrédit du régime sur le refus de légitimation de la candidature présidentielle rendue légale et sur la théorisation excessive de la dévolution dite monarchique du pouvoir à Karim Wade. Ces deux thèmes de la controverse politique nationale étaient d’abord une affaire intérieure du parti libéral dont la lutte des clans qui le composent ne manquerait pas de déboucher sur l’inévitable choix d’un leadership alternatif que la pression extérieure a différé et que l’absolutisme du leader libéral vieillissant a transféré à l’extérieur du parti.

 

Mauvais calcul pour Me Wade qui, malgré l’alerte de l’élection de 2007 où Idrissa Seck le talonnait, ne voyait pas venir cette formidable mutation de l’électorat qui l’amènerait en ballottage face à celui de ses disciples qu’il sous-estimait sans doute le plus. Macky Sall donc, instruit par l’exemple d’Idrissa Seck et, dit-on, par la fermeté de Marième Faye Sall, a évité le piège du retour possible de l’enfant prodige qui l’aurait rendu suspect de possible connivence avec son tombeur. C’est peut-être l’occasion de se souvenir que contrairement à Ousmane Ngom et Idrissa Seck, Maky Sall eut un autre maître avant Me Wade, Mao Ze Dong qui enseignait qu’il faut combattre tout ce que l’ennemi soutient et soutenir tout ce qu’il combat.

 

La première main tendue à l’opposition est symbolique. Une visite rendue au président des Assises nationales Amadou Makhtar Mbow indique que le potentiel candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle veut brasser large. Les autres candidats qui se réclament des Assises n’en tomberont pas pour autant dans ses filets sans négocier les avantages pour eux de ce ralliement à un adversaire qui leur rappelle fort les désagréments de la dernière élection présidentielle. Au demeurant, son jeune âge comparativement aux principaux outsiders n’est pas un avantage.

 

Le candidat Macky Sall, quoi qu’on en dise par ailleurs, était jusqu’au clash de 2008 une des étoiles montantes dans le firmament libéral. Une partie importante de l’électorat qui s’est porté sur lui est certainement de cette sensibilité libérale. La campagne qui démarrera bientôt ne manquera pas de lui imposer un choix inévitable de revendiquer huit sur dix années du bilan de Me Wade ou de le renier. Ce qui dans un cas comme dans l’autre pourrait influer sur le vote de ceux qui rejettent sans nuance ce bilan et encore plus sur ceux qui apprécient positivement les réalisations en matière d’infrastructures et d’équipements auxquelles sa participation est insignifiante.

 

En effet, de ministre de l’Intérieur à Premier ministre puis président de l’Assemblée nationale, le candidat de l’opposition au deuxième tour ne jouit pas réellement d’un prestige de leadership de management comme celui conféré par l’opinion internationale au ministre de l’Economie et des Finances, Abdoulaye Diop, et par son président de père au ministre des Infrastructures, Karim Wade. Sauf à supposer que le rejet du président de la République théorisé par certains secteurs de l’opposition est le vecteur de l’élection, la victoire de Macky comme celle du président sortant est bien incertaine. Et cette incertitude, quand tout est possible, est le sel de la démocratie.

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