Publié le 17 Jun 2014 - 21:49
COLLECTIVITÉS LOCALES

Le talon d'Achille du financement des projets

 

Le code général des collectivités locales oppose experts et élus sur le financement des projets de développement.

 

La politique de décentralisation au Sénégal a montré des limites, notamment son «incohérence» et son «inefficience» par rapport aux «mécanismes de financement du développement territorial». Ce qui plombe les ailes de certaines collectivités locales condamnées à se contenter des fonds de dotation et autres recettes fiscales. Aujourd’hui, le nouveau code général des collectivités locales, en son article 196, stipule que les collectivités locales peuvent tirer leurs recettes d'investissement des ‘’fonds d'emprunt’’ ou de ‘’produits des centimes additionnels extraordinaires dûment autorisés’’ pour financier leurs projets de développement. 

Pour Amadou Sène Niang, expert en décentralisation, cette disposition existait déjà dans le code de 1996. «Malheureusement (elle) était ‘’méconnue’’ par certains élus locaux.» Ces derniers ont deux choix : «Faire un emprunt avec intermédiation avec des structures privées qui sont chargées de mobiliser les fonds ; ou faire un emprunt sans intermédiaire en négociant directement avec les bailleurs de fonds’’. 

Mais pour Binette Ndiaye, membre du Forum civil et spécialiste en décentralisation, le problème, au-delà de la méconnaissance des textes, se situe à deux niveaux : ‘’un système de contrôle très lourd de l’Etat central’’ qui fait que les procédures de décaissement prennent plusieurs mois, voire des années ; et ‘’l'absence de statut de l’élu local’’. Sur ce dernier point, Binette Ndiaye est d'avis que ‘’l’Etat ne protège pas suffisamment les maires afin qu’ils puissent avoir le courage d’aller vers les marchés financiers’’.

L’équation du ‘’socle financier’’

Le maire sortant de la  commune de Biscuiterie, Doudou Issa Niasse, a une autre compréhension des textes. Pour lui, il y a ‘’deux phases’’ : ‘’la phase actuelle (c’est-à-dire le code de 96) qui consacre les communes, les communautés rurales et les communes d’arrondissement. Ces dernières n’ont pas la possibilité d’aller chercher des financements auprès des structures financières car elles ne disposent pas de socle financier’’, explique le député socialiste. ‘’Comment une commune qui a un budget de 200 millions de francs Cfa peut-elle vouloir emprunter 1 milliard de francs Cfa ?» s'interroge Niasse. «Il n’y a que la mairie de Dakar qui est capable de le faire parce que c’est une commune de plein exercice’’, précise le baron socialiste. 

Son collègue des Parcelles Assainies le confirme et rappelle que l’ancien code plafonnait le taux de financement privé à 25 %. Une disposition dont il s’estime victime. ‘’Quand je suis arrivé à la mairie en 2009, rappelle Moussa Sy, j’avais un projet (construction du stade et d’un commissariat) dont le financement dépassait les 25%. Mais le préfet s’y est opposé parce que, disait-il, la loi interdit le dépassement de ce taux. Je lui ai dit qu’il faut un décret d’application pour l’appliquer. Finalement le projet ne verra pas le jour.’’ 

Avec le nouveau code, Doudou Issa Niasse espère que les choses vont changer. ‘’A partir du 29 juin prochain, sourit-il, toutes les communes auront la possibilité d’aller chercher de l’argent auprès des structures financières car elles seront des communes de plein exercice’’. Toutefois, avertit Sène Niang, ce financement est soumis à des conditions. «Il faut que la collectivité locale soit crédible et que l’environnement juridique et économique soit favorable. Ensuite, il faut que l’argent soit exclusivement réservé aux investissements’’, indique le spécialiste. Autrement dit, on ne peut utiliser ‘’cet argent pour payer le personnel ou acheter des véhicules’’.

DAOUDA GBAYA

 

 

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