Publié le 18 Jan 2016 - 23:09
COMMENTAIRE

Les ‘’mamelles’’ de nos élites politiques

 

Fixation, amnésie et censure, voilà les ‘’mamelles’’ de notre classe politique. En effet, la persistance du débat sur la question exclusive de la durée du mandat du président de la République et l’occultation de tous les autres aspects des réformes est la preuve que seules la conquête et la préservation du pouvoir intéressent nos élites politiques. Ces derniers ont en effet du mal à cacher leur naturel qui charge au galop avec une fougue rarement égalée.

La question du mandat présidentiel, 5 ou 7 ans, a du mal à occuper les seconds rôles. C’est même ce sujet qui occupe tout l’espace. Et c’est cela le problème. On aurait en effet compris qu’on parle, du premier jour au septième jour, du mandat du Président puisque c’est lui qui dicte le pouls cardiaque des politiciens, mais au huitième jour, on aurait tout de même pu ouvrir une parenthèse sur les autres points de la réforme comme par exemple le renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale qui est quand même une mamelle importante de toute démocratie.

Et même sur le Conseil constitutionnel qui a pourtant égayé les joutes oratoires en 2012, lorsque Me Wade a voulu indûment se tailler sur mesure un mandat de trop, il n’y a rien à signaler non plus. Et pourtant, on prévoit d’augmenter le nombre de ses membres et changer partiellement le mode de désignation en tant que ‘’sages’’. Cela devrait engendrer un débat sur la pertinence à attribuer à l’Assemblée nationale la possibilité de participer au choix de deux des ‘’7 sages’’. A noter aussi que c’est le président de la République qui nomme le Président du Conseil constitutionnel dont la voix est prépondérante en cas de divergence. En effet, souligne bien le projet de texte, ‘’le président est nommé par le président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage’’. Cela ne pose-t-il pas un problème du point de vue de l’indépendance des ‘’sages’’ ?

Le sens critique des politiques n’est point titillé, même lorsqu’on met en place une nouvelle institution pour immédiatement l’ériger en institution. Que le haut Conseil des Collectivités territoriales trône comme Institution de la République ne titille le sens de nos élites politiques. Combien cela va-t-il coûter au contribuable ? N’y a-t-il pas là par exemple un risque de créer une doublure totalement inutile avec le Conseil économique, social et environnemental ? L’un ne devrait-il pas ‘’avaler’’ l’autre, surtout que nous vivons dans un pays pauvre où les ressources publiques sont plus que jamais à protéger ?

Le fait de dire, comme le propose le nouveau texte de la nouvelle Constitution qui va être proposée au référendum, que ‘’tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat…’’ ne pose-t-il pas un problème de démocratie ? On peut raisonnablement penser que cela consacre le principe de la primauté du parti politique sur le sacro-saint mandat du député qui tire sa légitimité de la volonté populaire, seul souverain en République. Et puis quoi, quel est le contenu de la réforme du statut d’opposant ? Quels critères doivent être mis avant pour raisonnablement réclamer de la République des avantages ou des honneurs ? Quels garde-fous pour éviter une instrumentalisation politicienne de cette réforme ?

Toutes ces questions sont malheureusement confinées au niveau zéro du débat. C’est seulement celle de la durée de mandat de l’actuel président qui empeste. C’est d’ailleurs moins le fait que ce débat soit posé que le fait qu’il occupe tout l’espace, y compris celui de notre respiration, qui pose problème. Le débat ne peut pas exclusivement porter sur la durée de l’actuel mandat du Président Sall, en occultant d’ailleurs la pertinence même du mandat de 5 ans. Pour un pays pauvre très endetté, est-il opportun  de ne donner que 5 ans à un président, étant entendu que les pesanteurs sociales pour ne pas dire sociologiques et culturelles sont si fortes qu’elles empêchent souvent nos élus de travailler, les premières années de leur mandat ? N’est-il pas par exemple plus pertinent de faire un seul mandat non renouvelable ?

Ces questions, pourtant d’importance, ne sont pas à poser. Des censeurs, on ne sait d’ailleurs selon quelle légitimité, pensent qu’il y a des questions politiquement correctes qu’il faut poser et d’autres interdites au niveau de l’espace public. Ainsi va le Sénégal, et c’est dommage pour la survie de notre démocratie.

 

Mame Talla Diaw 

 

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