Publié le 27 Jun 2019 - 21:57
COMMUNICATION DE CRISE GOUVERNEMENTALE

Le binôme qui veut changer la donne

 

Abdou Latif Coulibaly et Seydou Guèye sont les deux nouveaux visages de la communication gouvernementale qui espèrent faire mieux. Seul véritable motif de satisfaction pour la majorité, les ‘‘communicants’’ devraient travailler en duo dans un dossier où rien ne leur garantit le succès.

 

Il est de notoriété publique que la communication du gouvernement est comme une équipe de foot avec laquelle on tente tous les systèmes de classement pour voir lequel marcherait le mieux. Le nouveau binôme qui vient de quitter le banc pour être introduit en plein match compte apporter du sang neuf dans un domaine où le ‘‘Macky’’ se casse les dents, depuis 2012. Réussiront-ils à renverser le cours d’une partie où l’adversaire est de plus en plus en possession et en position d’affaiblir la posture gouvernementale ? Pour l’instant, on ne devrait plus avoir droit aux cafouillages qui ont caractérisé la phase initiale de l’affaire Pétro-Tim.

La nouvelle Pravda de l’action gouvernementale a annoncé que les positions du camp présidentiel ne seront plus disparates. Seydou Guèye a été nommé ministre conseiller en communication à la présidence de la République. Son objectif est de ‘‘travailler en parfaite intelligence avec le ministre porte-parole de la présidence, M. Abdou Latif Coulibaly, dans une perspective de mise de cohérence de la communication de la majorité présidentielle’’, avançait-il hier dans une interview avec le quotidien L’As. Autrement, les deux visages de la communication de crise seront parfaitement identifiables et les sorties devraient être convenues et millimétrées.

Alors que la communication précédente était menée dans les cordes par l’offensive de l’opposition et de la société civile, suite à la diffusion de l’enquête de Bbc, les nouveaux porte-parole semblent ne pas vouloir laisser l’initiative de l’attaque à la partie adverse. Seydou Guèye et Abdoulatif Coulibaly retrouvent les grâces qu’ils avaient perdues, après la Présidentielle 2019 et tentent de marquer durablement leur entrée en scène. Ainsi, l’ancien ministre de la Culture a profité du dernier acte de l’affaire Petro-Tim pour montrer que l’option nouvelle fait clairement place à la contre-attaque. ‘‘Je me pose la question de savoir est-ce qu’un seul des accusateurs de Aliou Sall a le courage de mettre sa main sur le Coran, sur la Bible, ou sur la Thora pour dire : ‘‘Ce que je dis sur Aliou Sall, je le jure sur Dieu que c’est vrai’’. Je ne crois pas qu’ils aient le courage’’, a déclaré sur la Rfm avant-hier, Abdou Latif Coulibaly.

‘‘Je retiens le courage de l’homme et sa détermination à expliquer son innocence de la façon la plus claire. Et également de balayer les accusations portées contre lui. Quand vous êtes un homme de foi, il faut avoir le courage et la détermination et être sûr de vous pour prendre votre main et de jurer le Coran, la Bible ou sur la Thora’’, avait-il ajouté. Un marquage de territoire verbal qui avait pour but de desserrer l’étau qui étreint Aliou Sall, ayant récemment démissionné de la Cdc, après une forte pression populaire.

Une stratégie offensive qui a pour finalité de vouloir détourner en changeant l’angle de perception du problème, et en omettant le fond du dossier ainsi que l’enquête de la Dic en cours. Mais la pression sur le frère du président ne s’étant encore dissipée, la contre-offensive de M. Coulibaly montre déjà les premiers signes de contre-productivité. Les réactions sur le net démontrent que les rapports seront virulents et conflictuels avec l’opinion, son ancienne corporation notamment, qui l’accuse d’avoir troqué les principes avec lesquels ‘‘il avait combattu M. Fils pour défendre M. Frère’’.  Une option offensive qu’il avait déjà affichée en début de mois, dans l’émission de la Rts, ‘‘Point de Vue’’, quelques jours avant sa nomination.

Un tir groupé contre Abdoul Mbaye, les ‘‘sachants’’ qui ont choisi de ne pas se prononcer sur la question, la journaliste de Bbc..., et un blanchiment d’Aliou Sall qui laissent peu de doute sur le fait que M. Coulibaly est le nouveau pare-feu des Sall. ‘‘Quel que soit ce que ce vous dites dans la vie, il y aura des gens qui seront d’accord et d’autres qui ne le seront pas’’, avait-il défendu devant Omar Gningue. Seydou Guèye quant à lui semble avoir fait les frais d’une sanction électorale après la Présidentielle. En principe, il n’a pas perdu le verbe, puisque même pendant sa mise au frigo d’un trimestre, il était le porte-parole de la coalition Bby. Très rompu à l’exercice médiatique, son retour doit beaucoup aux carences de la porte-parole du gouvernement, Ndèye Tické Ndiaye Diop, complètement dépassée par l’ampleur de la crise.

Des réflexes de Bbc avec les Tics

Pour le moment, seul le volontarisme affiché des deux nouveaux entrants peut être mis à leur crédit. Rompus à cette tâche, ils trainent pourtant des lacunes de Bbc. Rien à voir avec la fameuse chaîne britannique, mais le sigle pour ‘‘Bbc before computer’’. Littéralement, né avant l’ordinateur, et désignant, de manière générale, les baby-boomers réfractaires aux technologies de l’information et de la communication (Tics). Alors que l’importante médiatisation de cette affaire est démultipliée et prolongée aujourd’hui par la caisse de résonance des médias sociaux, la présence des deux nouvelles voix du camp présidentiel sur les plateformes Tics est soit quasi-absente, soit très timide ; et gagnerait à être plus agressive. Sur twitter, par exemple, tous les deux n’ont ni l’interactivité ni la régularité du ci-devant ministre conseiller en charge de la communication de la présidence, El Hadji Hamidou Kassé.

Abdou Latif Coulibaly est présent, sans être actif, alors que Seydou Guèye n’y est absolument pas du tout. Avec une page twitter inactive, non homologuée et manifestement pas mise à jour, depuis avril 2012, (il y est toujours présenté comme secrétaire général du gouvernement), M. Guèye nouveau ministre en charge de la Communication, développe encore des réflexes d’un Bbc. Mieux ou pire, les recherches ne génèrent aucun résultat dans la barre de recherche de Facebook, si l’on entre le nom de Seydou Guèye. Autrement dit, il ne dispose pas d’un compte officiel sur ce qui apparait être la plus grande plateforme de communication du monde. Quant à l’autre voix, elle semble avoir compris les enjeux des Tics dans la communication. Sa présence sur les réseaux sociaux est effective, mais souffre plus d’une actualisation des données et des post. 

Sur twitter, le dernier tweet de Abdou Latif Coulibaly, désormais ministre porte-parole de la présidence de la République du Sénégal, remonte à il y a presque un an, le 16 aout 2018. Sur Instagram, il est toujours ‘‘ministre secrétaire général du gouvernement du Sénégal’’ avec un seul post daté du 8 février 2017. C’est chez Mark Zuckerberg que Latif semble finalement le plus actif, avec des post mis à jour régulièrement dont le denier date de mardi où il annonçait être l’invité de l’émission Rfm Matin.

OUSMANE LAYE DIOP

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