Publié le 28 Mar 2019 - 04:51
COMPOSITION DU PROCHAIN GOUVERNEMENT

Les piliers du ‘’Macky’’

 

 

Confronté à un dilemme cornélien, en perspective de la mise en place prochaine du futur gouvernement, Macky Sall devra manœuvrer de fort belle manière pour ne pas frustrer ses alliés de la coalition Benno Bokk Yaakaar et de la grande majorité de la mouvance présidentielle. Toutefois, malgré la complexité de la tâche, le chef de l’Etat nouvellement réélu a des hommes sur qui il peut à tout moment compter pour la conduite des affaires publiques et la réussite de son second et dernier mandat, quoi qu’il advienne.

 

La mise en place prochaine du futur gouvernement tient en haleine l’opinion publique sénégalaise. Alors que les spéculations vont bon train sur les profils devant composer le prochain gouvernement, le président de la République nouvellement réélu à la tête du pays s’emmure toujours dans un silence assourdissant, en attendant de concocter sa liste qu’il doit rendre publique, après sa prestation de serment. Sa posture, depuis lors, dénote de la complexité de la tâche et des nombreux paramètres à prendre en compte dans ses choix. Avec la configuration de Benno Bokk Yaakaar et, par-delà cette coalition, de la grande majorité de la mouvance présidentielle, le moins que l’on puisse dire, c’est que Macky Sall nage dans des eaux troubles, depuis sa réélection au soir du 24 février 2019, avec 58,26 % des suffrages des Sénégalais.

Seulement, en dépit de la complexité de la tâche, le président Macky Sall a, dans son giron immédiat, des hommes sur qui il compte en toute circonstance, avec lesquels il veut mener à bien son mandat et mettre le pays sur les rampes de l’émergence. Il s’agit, entre autres, de l’actuel Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne ; de son prédécesseur et actuelle Envoyée spéciale du président de la République, Aminata Touré ; du ministre d’Etat Mahmoud Saleh ; du ministre de l’Economie, des Finances et du Plan Amadou Ba ; du ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye ; de son prédécesseur et actuel ministre des Transports terrestres Abdoulaye Daouda Diallo ; du griot du président de la République et non moins député à l’Assemblée nationale Farba Ngom et du directeur général de la Senelec, Mouhamadou Makhtar Cissé.

Mahammed Boun Abdallah Dionne : L’exécutant

Son départ de la tête du gouvernement est plus que probable, si le président de la République Macky Sall opte pour un changement de paradigme dans la conduite des affaires publiques. Mais Mouhammed Boun Abdallah Dionne aura été incontestablement le Premier ministre de Macky Sall qui a le plus duré à la tête du gouvernement. Nommé le 6 juillet 2014, en remplacement d’Aminata Touré, Dionne aura passé 5 longues années aux commandes. Précédemment ministre auprès du président de la République, en charge du Suivi de la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent, Dionne est, à la différence de ses prédécesseurs Abdoul Mbaye et Aminata Touré, un homme effacé qui n’a jamais fait ombrage au chef de l’Etat.

C’est un homme de confiance qui s’acquitte de sa tâche sans trop faire de bruit. Réputé très pragmatique et très compétent, l’actuel Premier ministre s’est forgé au sein des Nations Unies. Son expérience au niveau multilatéral du Système des Nations Unies découle de cinq années de service à l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi), de 2008 à 2014, d’abord au poste de Représentant résident en République algérienne démocratique et populaire et ensuite de Directeur du Bureau Afrique à Vienne (Autriche), Coordonnateur en chef de la coopération industrielle Sud-Sud/Onudi.

Mais il aura débuté sa carrière professionnelle en qualité d’ingénieur technico-commercial à Ibm France (1983-1986) avant d’intégrer, à Dakar, le siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) où il a respectivement occupé les fonctions de Fondé de pouvoir, Sous-Directeur et Directeur de 1986 à 1997. Mis en position de détachement par la Bceao, il occupera le poste de Directeur de l’Industrie du Sénégal de 1997 à 2003. Il servira ensuite pendant un an au sein de la diplomatie sénégalaise comme ministre-conseiller chargé des affaires économiques à l’ambassade du Sénégal à Paris. Dionne reviendra au Sénégal pour travailler comme directeur de cabinet de Macky Sall ; d’abord à la Primature, ensuite à l’Assemblée nationale, de 2004 à 2008.

Aminata Touré : L’Envoyée spéciale du président

Elle aura passé 10 mois et 5 jours seulement à la tête du gouvernement. Malgré tout, elle y a quand même laissé ses empreintes. Mais la station ministérielle qu’elle a le plus marqué demeure le ministère de la Justice. Nommée à ce poste en 2012 dans le premier gouvernement dirigé par l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, Aminata Touré s’est vite attelée à la réforme du système judiciaire sénégalais avec, en toile de fond, la réduction des délais de détention préventive à l’origine du surpeuplement dans les prisons sénégalaises, le rapprochement des tribunaux avec les citoyens et l’élargissement de la représentativité du Conseil constitutionnel sénégalais. Mais aussi et surtout la lutte contre la corruption et la concussion, avec la fameuse traque des biens mal acquis, à l’origine de l’arrestation, de l’emprisonnement et de la condamnation du fils de l’ancien président de la République, Karim Meïssa Wade, à 6 ans de prison en plus d’une amende de 138 milliards pour enrichissement illicite. Aminata Touré aura joué un rôle crucial dans cette affaire qui va tenir en haleine l’opinion publique sénégalaise pendant plus de deux ans.

Dépeinte comme une dame de fer, Aminata Touré a su se frayer une place non négligeable, non seulement dans l’entourage immédiat du président Macky Sall, mais aussi dans le dispositif de la coalition de la mouvance présidentielle. Sa déchéance de la tête du gouvernement et sa descente aux enfers après sa défaite contre Khalifa Sall aux élections locales de 2014, n’ont, en effet, rien altéré dans les relations amicales et cordiales qu’elle a toujours entretenues avec le chef de l’Etat. D’ailleurs, leurs relations datent d’avant-même l’accession de Macky Sall au pouvoir. Puisqu’elle fait partie des rares personnes à l’origine de la rédaction du programme ‘’Yoonu Yokute’’ en 2010.

Mais elle s’est forgé une personnalité depuis sa prime jeunesse. Militante des Droits de l’homme depuis l'âge de 14 ans, Aminata Touré est active dans les milieux universitaires français de gauche et membre de la Ligue communiste des travailleurs (Lct), futur Mouvement pour le socialisme et l'unité (Msu). Lors de la campagne électorale de 1993, elle est la première Sénégalaise directrice de campagne pour le compte de Landing Savané dont elle rejoint le parti l'année suivante. Aminata Touré devient ensuite directrice des Programmes de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial. À partir de 1995, elle travaille pour le Fonds des Nations Unies pour la population (Fnuap), d'abord comme conseillère technique principale au ministère de la Famille et de l'Action sociale du Burkina Faso, puis en qualité de conseillère régionale du Fnuap pour les pays africains francophones et coordinatrice du Programme Genre et Vih en Afrique de l’Ouest pour le Bureau régional du Fonds des Nations Unies pour la femme. En 2003, elle est nommée, à New York, directrice du Département droit humain du Fnuap.

C’est à partir de 2010 qu’elle a quitté le New Jersey pour s’installer au Sénégal. Elle devient alors la directrice de cabinet de Macky Sall, Président de l'Alliance pour la République. Malgré son départ du gouvernement, elle reste aujourd’hui l’une des rares personnes qui chuchotent à l’oreille du président de la République. Pendant la dernière campagne électorale, elle a été de toutes les étapes du périple du candidat Macky Sall effectué à l’intérieur du pays.

En tant qu’envoyée spéciale, c’est elle qui joue les bons offices politiques, éteint les foyers de tension au sein de la coalition Bby et monte au front pour défendre le chef de l’Etat contre les attaques. En quelque sorte, c’est le Premier ministre politique.

Mahmoud Saleh : L’homme de l’ombre

Ancien ministre-conseiller sous le régime d’Abdoulaye Wade, Mahmouth Sall est réputé être un fin stratège politique, tout comme les Moustapha Diakhaté et autres dans l’entourage du président de la République. Il fait partie de ce groupe d’hommes sur qui Macky Sall peut toujours compter dans la définition des stratégies politiques et dans la conduite des affaires publiques du pays. Militant de la vieille gauche sénégalaise, celui qui est présenté comme un trotskiste est très fort dans la définition des stratégies, dans le cadre de la bataille politique pour la conservation du pouvoir.

Cette expérience est, en effet, le fruit d’une longue expérience politique. Puisque Mahmouth Saleh, avant d’atterrir à l’Alliance pour la République, a roulé sa bosse un peu partout. Il a été à l’initiative de la création de plusieurs partis politiques du pays. Fondateur de l'Union pour le socialisme et la démocratie (Usd) reconnue en 1982 sous le régime d’Abdou Diouf, il lance, en 2000, l'Union pour le renouveau démocratique/Front pour l'alternance (Urd/Fal), issue d'une scission d'avec l'Union pour le renouveau démocratique (Urd) de Djibo Leyti Ka qui, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2000, a décidé d’accorder son soutien à Abdou Diouf. Le 6 août 2006, le parti de Saleh change de dénomination et de symbole, pour devenir le Nouveau parti (Np), dans la mouvance présidentielle. Il démissionne du Np, en 2012, puis rejoint l'Alliance pour la République créée par Macky Sall en 2008.

Aly Ngouille Ndiaye : Le premier flic du pays

Après le président de la République Macky Sall, il est, incontestablement, l’homme le plus informé du pays, par les temps qui courent. Tout le temps récusé par l’opposition, l’actuel ministre de l’Intérieur reste jusqu’ici inamovible. En dépit des récriminations et autres cris d’orfraie, il aura organisé les élections et suivi tout le processus électoral qui a conduit à la réélection du président de la République, candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle du 24 février 2019. D’abord ministre de l’Energie sous le règne d’Abdoul Mbaye, il prend du volume avec sa nomination à l’Intérieur, qui est une station non négligeable dans l’attelage gouvernemental.

A la différence des Dionne, Saleh et autres, l’actuel maire de Linguère s’est forgé dans le mouvement associatif. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2007 qu’il s’est décidé à descendre dans l’arène politique sénégalaise. Il lance ainsi le Mouvement pour la renaissance du Djolof (Mrd). C’est d’ailleurs sous la bannière de ce mouvement qu’il ira à la conquête de la ville de Linguère, aux élections locales de 2009, et s’empare de la mairie à l’issue de ce scrutin. En 2012, il décide de soutenir le candidat Macky Sall et a beaucoup contribué à son triomphe, surtout dans son fief du Djolof.

Par la force des choses, il est devenu l’un des hommes forts du régime. Ferme dans ses convictions et ne faisant pas de vague, il tient d’une main de fer un département sensible. En témoigne les mesures de sécurité qui ont permis, en amont et en aval du scrutin du 24 février, de tuer dans l’œuf toute velléité subversive. Au final, il aura réussi un test majeur, en organisant un scrutin sans trop de casses.

Mouhamadou Makhtar Cissé : La botte secrète de Macky Sall

Dans l’imaginaire de certains citoyens sénégalais, il est le prochain Premier ministre du Sénégal. D’ailleurs, les supputations sur sa probable nomination à la Primature par le président de la République Macky Sall vont bon train. Mais jusqu’ici rien d’officiel. Ce qui est évident, c’est qu’il a le profil de l’emploi, parce qu’ayant fait ses preuves dans les différentes stations où il est passé, dans sa riche carrière professionnelle. Son exploit réalisé à la Société nationale d’électrification est à l’origine de toute l’estime que les populations sénégalaises ont pour lui. Arrivé à la tête de ladite boite en 2015, dans un contexte national marqué par une crise énergétique sans précédent, il a su stabiliser les choses, en un temps record. Si le régime du président Macky Sall peut se targuer, aujourd’hui, d’avoir régler le problème des coupures d’électricité, c’est grâce à lui.

Directeur des Douanes, il a été promu ministre délégué du Budget puis ministre-directeur de cabinet du président de la République en 2012. En 2015, il est nommé à la Senelec pour régler de manière urgente et définitivement la crise que connaissait la boite et stabiliser la fourniture correcte en électricité.

Expert des douanes, Mouhamadou Makhtar Cissé est diplômé de l’Ecole nationale d’administration (Enam) où il sort avec le diplôme d’Inspecteur des douanes, comme major de la promotion. Il est également titulaire d’une Maîtrise en sciences juridiques, option Droit des affaires, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Aussi, est-il titulaire d’un Diplôme d’études approfondies en Droit privé, un autre en Sciences politiques et d’un Master en Finance et Gestion publiques. Il a fait ses débuts à l’Inspection générale d’Etat où il a servi pendant 8 ans. Avant d’être directeur général des Douanes, il a tour à tour occupé les fonctions de vérificateur au Bureau des douanes de Dakar Port Sud, assistant du coordonnateur général de la Direction générale des Douanes, cumulativement avec ses fonctions de chargé de l’intérim du chef du Bureau des affaires juridiques et du contentieux ; chargé des poursuites au Bureau des enquêtes et du contentieux de la Direction du renseignement et de la lutte contre la fraude.

Ancien élève du Prytanée militaire de Saint-Louis où il a obtenu les brevets de préparation militaire élémentaire, de préparation militaire supérieure, de parachutiste et le Baccalauréat, Mouhamadou Makhtar Cissé est, parallèlement à ses fonctions, formateur en économie douanière et techniques du commerce international.

Le Dg de Senelec fait partie des hommes de confiance du chef de l’Etat qui le consulte régulièrement. Peu importe ce que lui réserve l’avenir au sein du régime, il est apte à relever le défi.

Abdoulaye Daouda Diallo et Farba Ngom : Traits d’union avec le lobby hal pulaar

Il est, avec Farba Ngom, les portes d’entrée du président de la République Macky Sall dans le Fouta. Ensemble, ils gèrent le lobby hal pulaar très puissant par ces temps qui courent. Ce n’est pas un hasard si le chef de l’Etat a enregistré, lors du scrutin présidentiel du 24 février 2019, ses plus gros dans le Fouta, notamment à Podor, mais plus à Matam. Ils ont abattu un travail colossal dans la zone, malgré leur mésentente due au choc parfois de leurs ambitions personnelles. Mais, quand il s’est agi de réélire le chef de l’Etat pour un second mandat, ils ont mis leurs différends de côté et ont scellé la paix des braves, en attendant que la présidentielle passe.

L’un comme l’autre exercent une influence auprès du président de la République Macky Sall. Dans le Fouta, c’est à croire qu’ils ont un droit de vie et de mort sur les responsables politiques locaux. La plupart d’entre eux ont été nommés sur leur proposition. Frottez-vous à eux et vos jours sont comptés dans l’entourage du président Macky Sall.

Amadou Ba : L’argentier

Sa puissance financière a beaucoup contribué à renverser les tendances à Dakar, dans la capitale sénégalaise. Devant les multiples échecs essuyés d’abord en 2014, puis en 2016 devant le baobab Khalifa Ababacar Sall, il a été le seul responsable de l’Alliance pour la République à réussir là où les Aminata Touré, Abdoulaye Diouf Sarr et autres ont échoué. Il a beaucoup fait parler sa puissance financière durant les deux dernières élections législatives et présidentielle largement remportées à Dakar par la mouvance présidentielle. L’argent, c’est son affaire. Il sait comment l’avoir et comment le fructifier. C’est en septembre 2013, avec le départ d’Abdoul Mbaye et l’arrivée d’Aminata Touré à la Primature, qu’il fait son entrée dans le gouvernement. Il remplace Amadou Kane au ministère de l’Economie et des Finances qu’il dirige depuis lors. 

Son ascension dans l’attelage gouvernemental, Amadou Ba le doit d’abord à ses résultats aux Impôts et domaines, mais aussi à son parcours universitaire sans-faute. Après un Baccalauréat technique de gestion en 1980, il décroche une maîtrise ès Sciences économiques, option Gestion des entreprises et un Brevet de l’Enam en 1988, section Impôts et domaines, il est inspecteur stagiaire à Diourbel en 1989, puis inspecteur chef du premier secteur de Taxe sur la valeur ajoutée à la Direction générale des impôts et domaines (Dgid) à Dakar. En 1991, il se perfectionne par deux stages, à l’Institut international d’Administration publique de Paris et à Baltimore. Chef d’inspection à Dakar-Plateau de 1990 à 1992, il est ensuite délégué dans les fonctions de commissaire contrôleur des assurances à la Direction des assurances jusqu'en 1994, puis inspecteur vérificateur à la Direction des vérifications et enquêtes fiscales. Après un stage de formation durant l'été 2001 à l’Ecole nationale des impôts de Clermont-Ferrand, il prend, en 2002, la tête du Centre des grandes entreprises de la Direction des impôts, puis devient directeur des Impôts en 2004 pour un an. En novembre 2006, il est nommé directeur général des Impôts et domaines. Sous sa direction, est mis en œuvre un nouveau Code général des impôts, entré en vigueur en janvier 2013.

ASSANE MBAYE

 

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