Publié le 7 May 2018 - 15:44
CONCERTATION AUTOUR DU PETROLE ET DU GAZ

Macky Sall seul dans ses ‘’blocs profonds’’

 

Refusant de cautionner la gestion jugée calamiteuse des ressources minéralières du pays, certaines franges de l’opposition et de la société civile rejettent la main tendue du président de la République, Macky Sall, pour des concertations autour du pétrole et du gaz.

 

Entre le président Macky Sall et son opposition, il est quasi difficile de parler le même langage sur les questions d’intérêt national. Le fossé est d’autant plus grand que les deux parties, depuis le fameux dialogue national du 28 mai 2016, rechigne à s’asseoir autour d’une même table. Tous les appels au dialogue émis jusqu’ici par l’actuel locataire du palais présidentiel ont systématiquement été rejetés au sein de l’opposition et parfois dans les franges les plus importantes de la société civile. Et les concertations auxquelles appelle le président Macky Sall autour du pétrole et du gaz, dans le courant de ce mois, ne sont pas parties pour être une exception.

En effet, le président de la République a profité, vendredi dernier, de la 3e Assemblée générale de l’Association des autorités anti-corruption d’Afrique (Aaaca) tenue à Dakar sur le thème ‘’L’effectivité de la coopération des institutions africaines de lutte contre la corruption pour une gestion transparente des ressources naturelles’’, pour annoncer, au cours de ce mois, des concertations autour du pétrole et du gaz. Contrairement aux appels précédents, il souhaite, cette fois-ci, que tous les segments de la société sénégalaise prennent part à ce dialogue. ‘’J’espère que tout le monde va répondre à cet appel, parce qu’il s’agira de parler de l’avenir de nos ressources pétrolières et gazières, et nous allons voter une loi, avant même le début de l’exploitation. Laquelle va définir les modes de répartition des revenus tirés de ces ressources. Cette réflexion impliquera la société civile, l’opposition, la majorité, les forces vives qui auront des idées par rapport à comment nous devrons gérer ces ressources dans l’intérêt exclusif des populations sénégalaises’’, a déclaré le chef de l’Etat.

Mais son appel ne trouve pas un écho favorable au sein de l’opposition et de la société civile. A peine a-t-il été émis qu’il a été rejeté par le leader de Pastef. ‘’Le président Sall méprise son peuple et prend son opposition et la société civile pour des ignares, bons pour lui servir de faire-valoir’’, fulmine Ousmane Sonko dans une contribution postée sur sa page Facebook. Le parlementaire de justifier son rejet, en relevant que ces concertations viennent trop tard et ne serviront à rien.

Toutefois, pour son camarade du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), il n’est jamais trop tard pour dialoguer. Seulement, précise le Pr. Cheikh Issa Sall, ‘’nous attendons d’être officiellement saisis pour évaluer et décider de la conduite à tenir’’.

Plus catégorique, le président du Comité d’initiative du Mouvement pour la préférence nationale/En avant Sénégal, Moussa Diaw, membre de la société civile, suspend sa participation à ces concertations à une condition : si cet appel est suspensif des contrats et concessions déjà signés, ça vaudra la peine de lui répondre pour que tout soit renégocié aux intérêts exclusifs du Sénégal et de son peuple. ‘’Si, par contre, c’est pour servir de faire-valoir à sa gestion autocratique de ces ressources’’, il estime qu’il ne faudra surtout pas lui répondre. ‘’Qu’on le laisse, dans ce cas, assumer tout seul le bradage de nos ressources nationales’’, fulmine-t-il.

Quoi qu’il en soit, estime Ousmane Sonko, il aurait fallu tenir ces concertations avant la signature ‘’précipitée, sur les quatre dernières années, de contrats léonins en défaveur du Sénégal, sur la quasi-totalité des 18 blocs ; avant la concession de clauses de stabilisation sur de longues périodes pouvant aller jusqu'à 45 ans, ce qui rend presque inutile toute modification présente du code pétrolier ; avant l'octroi des 5 blocs les plus prometteurs aux aventuriers Ovidiu Tender, Edy Wang et Frank Timis, avec l'implication de votre frère Aliou Sall et la complicité de Aly Ngouille Ndiaye’’. Mais aussi et surtout ‘’avant l'autorisation des transactions spéculatives sur nos ressources pétrolières et gazières ; avant l'accord de partage (50/50) avec le voisin mauritanien et avant la signature (l'offrande même) des deux blocs au profit de la Française Total’’.

Pour toutes ces raisons, il estime qu’il n’est plus opportun de dialoguer autour de la question. ‘’Personnellement, je ne répondrai pas à votre appel et m'interdis de participer à cette mascarade qui, en réalité, n'est qu'un exercice de blanchiment des actes graves de mal gouvernance commis, volontairement et sciemment, par le régime qui, ainsi, a gravement compromis les intérêts supérieurs de la nation sénégalaise. On ne peut pas parler de l'avenir de nos ressources pétrolières et gazières, car vous l’avez déjà scellé. Malheureusement’’, a déclaré Ousmane Sonko, s’adressant au chef de l’Etat.

Pour l’ancien inspecteur des impôts et des domaines, ‘’en dehors du principe de renégociation de ces contrats pour une part équitable, tout le reste n'est que verbiage accessoire’’.

ASSANE MBAYE

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