Publié le 24 Sep 2019 - 05:14

Conflit d’école, querelle de complexés. Et l’Afrique dans tout ça ?

 

L’éducation est le meilleur moyen de forger le devenir d’un enfant, en lui inculquant, par le truchement de programmes savamment conçus par des experts, des connaissances, des compétences et des valeurs qui feront de lui ce que l’on souhaite qu’il devienne une fois dans le monde des adultes.

Au Sénégal, coexistent deux types d’écoles qui utilisent des méthodes différentes mais dont résultats sont curieusement semblables, du point de vue de l’aliénation à une culture étrangère, perceptible à plusieurs niveaux.

Cette histoire de voile islamique qui secoue l’actualité, depuis la modification du règlement intérieur de l’Institut Sainte-Jeanne d’Arc, interdisant ainsi le port du voile aux élèves, en est une parfaite illustration.

En effet, lorsque le professeur Penda Mbow s’est prononcée sur la question, certains réactionnaires parfois très excessifs (des fatwas même auraient été formulées) ont brandi comme principal argument, toujours le même, que c’est encore un aliéné de l’Occident, de la culture franc-maçonne qui dénigre l’Islam.

Le nœud du problème est que certains veulent faire de l’Islam, cette religion universelle, leur chasse gardée.

Pourtant ce sont eux-mêmes qui disent que le Coran est comme une Lettre que Dieu a adressée à toute l’humanité !

Ils se disent sans doute que, lorsque certains  braquaient leurs yeux sur les ardoises et les tableaux noirs, eux, ils plongeaient leur regard sur des planchettes.

Et après ? Combien de personnes ont mémorisé le coran sans y comprendre une seule phrase ?

Combien de personnes ont appris le Coran en passant par des méthodes (transcriptions-traductions) enseignées à l’Ecole occidentale ?

Combien de personnes qui ne savent pas réciter un seul verset enseignent des aspects de la religion musulmane au plus haut niveau ?

Quant à Penda Mbow, la principale erreur qu’elle a commise, et qu’elle doit humblement reconnaître, c’est de parler d’une sourate qui n’existe pas dans le coran.

Elle ne devrait pas non plus personnaliser le débat- ce qui arrive à la plupart des Sénégalais d’ailleurs- en parlant de sa conception personnelle du voile.

Franchement, quand on est invité en tant que spécialiste, il faut éviter de parler de soi !

C’est simplement agaçant ! Le moi est haïssable !

Pour le reste, peut-être, a-t-elle simplement confondu, en prononçant une langue qui n’est pas la sienne, « Hizab » et « Ahzab »; ce qui peut par ailleurs arriver aux meilleurs d’entre nous ?

Il faut au moins admettre que « Hizab » et « Ahzab » sont des termes phonétiquement très proches, d’autant plus que le thème est bien le « Hizab ».

Par conséquent, l’erreur est très compréhensible, voire normale.

Même pendant les prières, nous assistons souvent à des erreurs qui sont rectifiées, conformément aux textes qui régissent ce pilier de l’Islam.

Alors, si l’erreur n’était pas permise en Islam, pourquoi Dieu nous aurait-t-il aménagé des possibilités de corriger celles commises dans la pratique de la prière, un des cinq piliers de cette religion ?

De ce point de vue, Penda Mbow devra reconnaître son erreur et ensuite qu’on passe à autre chose.

De là à taxer quelqu’un, de surcroît musulman, d’impie ou d’anti-Islam!

C’est quand même excessif, voire dangereux.

Une personne peut mourir de chagrin lorsqu’elle est vouée aux gémonies et surtout en assistant à des fatwas qui lui sont adressées en direct.

Cela peut entraîner un véritable traumatisme incurable.

Dieu a-t-il délégué quelqu’un, au Sénégal précisément, pour mesurer le niveau de croyance de telle ou telle personne ?

En ce qui concerne notre négro-africanité que nous devons affichée et défendre, tout en restant musulmans, chrétiens, juifs, athées, conformément au message de Dieu- à chacun sa religion-, Penda Mbow a parfaitement raison.

Elle devrait néanmoins reconnaître que le voile, même s’il est antérieur à l’Islam, est devenu l’un des signes identitaires de la femme musulmane.

Le voile répond et correspond à la recommandation divine suivante :

« O Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées. Allah est Pardonneur et Miséricordieux. Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères ». (Sourates « An-nour » et « Al-ahzaat »).

Ces versets sont complétés par des hadiths, traditions prophétiques, rapportés par Abou Daoud et authentifiés par Cheikh Shouayb Arnaout.

Sans être sorti de l’école des tablettes, qui est mon jardin d’enfant, comme tout musulman de mon environnement familial, je me permets, sans demander la permission, de commenter cet extrait de la si riche lettre (Coran) que j’ai bien reçue.

Il s’agit effectivement, pour la femme, d’une recommandation de se couvrir certaines parties citées dans les versets susmentionnés pour se protéger contre les éventuelles agressions extérieures qui pourraient conduire à des offenses.

Ces parties corporelles et le moyen de protection sont nommées ou suggérées : « grand voile » (voile, au sens propre et/ou figuré?; « ramener sur elle », « poitrine » (donc à partir de la tête jusqu’à la poitrine) ; « ce qui en paraît   (partie du verset normalement explicitée ailleurs).

On peut en déduire qu’il pourrait s’agir d’un voile qui part de la tête à la poitrine.

Dans cette perspective, ce qui importe, c’est le voile qui couvre les parties susmentionnées ; les autres, hormis « ce qui en paraît », autrement dit, ce qui est sous-entendu par le verset, peuvent être protégées par autre chose qu’un voile.

Certainement par les vêtements.

En définitive, la protection de certaines parties du corps de la femme par le voile et par d’autres types de couverture, est une recommandation de Dieu pour des raisons de chasteté, de pureté et de sécurité.

Chaque société doit voir comment appliquer cette recommandation, tout en gardant son âme, son originalité.

L’Afrique n’a pas obligée d’importer des éléments culturels pour appliquer des dogmes religieux, alors que dans son passé et son présent, se trouvent énormément de ressources pour se conformer aux religions que sa population partage avec d’autres peuples.

Je pense très sincèrement que c’est cela le message du professeur Penda Mbow, même si l’on peut admettre qu’elle a manqué de pédagogie cette fois-ci.

Amadou SOW

Enseignant chercheur

FASTE/UCAD

 

 

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