Publié le 27 Oct 2023 - 01:31
CONFLIT ENTRE ISRAËL ET LE HAMAS

Les risques d’une troisième guerre mondiale

 

L’invasion terrestre de l’armée israélienne dans la bande de Gaza risque d’embraser le Moyen-Orient, avec l’entrée en action d’acteurs non étatiques comme le Hezbollah et étatiques avec l’Iran, dans ce conflit entre le Hamas et Israël.  Dans un contexte de paix armée, les voies diplomatiques risquent de s’avérer inaudibles avec une montée des tensions entre les différents acteurs du conflit.

 

L’imminence de l’invasion terrestre de Tsahal dans la bande de Gaza relance les risques d’une nouvelle guerre mondiale. Les deux belligérants, l’État hébreu et le mouvement palestinien Hamas, dans un contexte de ‘’paix armée’’, comptent leurs alliés. Les groupes armés liés à Téhéran : Hezbollah (Liban), les milices paramilitaires chiites Al Shaabi (Irak) et les milices Houthis (Yémen) ont fait savoir qu’ils pourraient intervenir contre Israël en cas d’invasion terrestre à Gaza. Dans cette même veine, les propos du ministre iranien des Affaires étrangères, qui promet une riposte plus vigoureuse que l’attaque du Hamas du 7 octobre, en cas d’une incursion de Tsahal dans l’enclave palestinienne. Hossein Amir-Abdollahian a prévenu, le dimanche 22 octobre, les États-Unis et Israël que la situation pourrait devenir ‘’incontrôlable’’ au Moyen-Orient, si ces deux pays ‘’ne mettaient pas immédiatement un terme aux crimes contre l'humanité et au génocide à Gaza’’.

De son côté, Israël, qui dispose de la première force militaire du Moyen-Orient, peut aussi compter sur le soutien américain. Le pays de l’Oncle Sam a déployé deux groupes aéronavals en Méditerranée orientale avec deux porte-avions (USS Gerald Ford et USS Eisenhower) dans le but de dissuader toute intervention iranienne et de ses alliés dans le conflit. Le Pentagone a indiqué avant-hier que des bases américaines en Irak et en Syrie ont été attaquées avec des drones par des groupes mandatés par l'Iran au moins 13 fois, entre le 17 et le 24 octobre. Une riposte américaine pourrait viser des centres névralgiques de l’armée iranienne et des gardiens de la Révolution en Iran.

Une situation explosive qui pourrait occasionner l’entrée en action des groupes affiliés à Téhéran en Irak, en Iran et au Yémen qui n’hésiteraient pas à s’attaquer aux bases américaines et même occidentales au Moyen-Orient.

En outre, une attaque directe contre le territoire iranien que craignent certains analystes pourrait mobiliser l’alliance des Brics dont Iran est désormais membre depuis le dernier sommet de Johannesburg en aout dernier.

Sur le terrain, les bombardements israéliens se multiplient, entraînant la mort de près de 5 000 Palestiniens dont la plupart des enfants. L’ordre d’évacuation du nord de la bande de Gaza ne semble pas être suivi par les habitants de la principale ville de l’enclave Gaza City. 

L’armée israélienne, qui campe aux alentours de la bande de Gaza avec des dizaines de bataillons d’infanterie et d’artillerie, craint par-dessus tout l’ouverture d’un nouveau front dans le nord du pays. Une attaque terrestre israélienne dans un territoire de moins de 600 km2 et très peuplé (2,5 millions d’habitants) pourrait faire resurgir les images de bavures, d’exactions de la part de l’armée israélienne avec un fort risque d’embrasement dans le monde musulman.

La poudrière du Liban et les risques de l’intervention iranienne

Selon plusieurs spécialistes, une extension ou une régionalisation du conflit passerait par une action directe du Hezbollah contre Israël. Depuis le 9 octobre, le Hezbollah libanais tire des roquettes en direction de l'État hébreu. Dans la nuit du dimanche 22 au lundi 23 octobre, l’armée israélienne a visé les forces du mouvement pro-iranien dans le sud du Liban, et plus de 20 000 personnes ont été déplacées au pays du Cèdre. Le Premier ministre de l’État juif a promis de grandes destructions au Liban, si le Hezbollah tentait une incursion sur le sol israélien. Cette pression vise surtout à faire réagir la classe politique et l’opinion publique libanaise pour les désolidariser de la milice chiite.

Pour le moment, le chef emblématique du Hezbollah, Hassan Nasrallah, demeure toujours silencieux. Par ailleurs, l’autre front oublié est le nord-est du pays dans le plateau du Golan occupé depuis 1967. Une incursion des groupes armés proches de Téhéran pourrait prendre à revers toute l’armée israélienne qui doit se déployer sur beaucoup de fronts et qui pourrait manquer d’effectifs, malgré l’arrivée de 300 000 réservistes, sans compter les 170 000 hommes de l’armée régulière.

La présence de la force de frappe américaine pourrait aussi dissuader toute attaque venant de la Syrie. Ce pays, exsangue à la suite d’une décennie de guerre civile, aura du mal à se payer un nouveau conflit avec Israël, d’après plusieurs experts. Une situation qui pourrait voir resurgir le phénomène de violence en Cisjordanie. Plusieurs affrontements entre groupes armés palestiniens et colons israéliens, manifestations et incursions de l’armée israélienne sont régulièrement signalés depuis janvier 2023.

L’apparition de nouveaux groupes comme les Fosses aux Lions dans les villes palestiniennes pourrait relancer le cycle de violence en Cisjordanie où l’autorité palestinienne est profondément discréditée. La Cisjordanie dont les principaux centres urbains palestiniens (Hébron, Jénine, Naplouse) pourraient exploser en cas de persistance de la crise sécuritaire à Gaza. Des attaques contre les colonies et des implantations juives pourraient aussi embraser la région avec le risque de contagion vers la Jordanie.

Échec des négociations pour un cessez-le-feu et d’une trêve humanitaire

Sur le plan diplomatique, les efforts des pays de la région autour de l’Égypte, de la Jordanie et du Qatar peinent à enrayer le cycle de violence dans la bande de Gaza. La Ligue arabe, qui s’est réunie au Caire, le 12 octobre, a appelé à un cessez-le-feu et la fin du ‘’siège de la bande de Gaza avec la coupure des approvisionnements en électricité et en eau’’. Un appel qui n’a pas été relayé par les puissances occidentales qui, toutes ont rappelé le droit d’Israël de se défendre et en décidant de ne pas condamner les bombardements massifs sur Gaza. 

Sur injonction des États-Unis, l’Égypte a rouvert le poste-frontière de Rafah avec l’entrée d’une dizaine de camions, dimanche dernier. Les pourparlers diplomatiques des pays occidentaux tournent aussi autour des négociations liées à la libération des 200 otages détenus par le Hamas. Sur ce dossier, les pays occidentaux comptent sur l’aide du Qatar qui accueille la branche politique du Hamas à Doha et qui assure le paiement des fonctionnaires palestiniens de la bande de Gaza avant l’attaque du 7 octobre. 

Le missile qui a soufflé l’hôpital chrétien Al Ahly de Gaza a aussi accentué cette fracture entre Occidentaux et pays arabes au Moyen-Orient. À la suite de cet incident, le sommet de la paix prévue (ce jeudi 19 octobre) à Amman et qui devait réunir le président Joe Biden (États-Unis), le maréchal Abdel Fattah Al Sissi (Égypte), le roi Abdallah II (Jordanie) et le chef de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas a été annulé par ces derniers.

L’Arabie saoudite qui menait des discussions de normalisation de ses relations avec Israël a été obligée de suspendre ses pourparlers. Une intensification du conflit pourrait conduire à la fin du processus de normalisation (accord Abrams) en 2020 qui a permis à Israël de nouer des relations diplomatiques avec un certain nombre de pays comme le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et Koweït.

De ce fait, il apparaît qu’il n’existe aucune puissance en dehors de la Chine pour tenter de dénouer cette crise. L’empire du Milieu a facilité le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran en conflit au Yémen. La Russie, qui est en opposition avec les États-Unis sur le dossier ukrainien, peine à s’imposer comme un médiateur reconnu de tous. Malgré les critiques du Kremlin sur les bombardements de Gaza, le gouvernement russe entretient toujours de bons rapports avec l'État israélien.

D’ailleurs, les États-Unis risquent de s’opposer à toute tentative de médiation diligentée par la Russie. 

Amadou Fall

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