Publié le 10 Jan 2012 - 14:56
CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Des juges grassement payés pour une ''faible activité''

Ismaïla madior Fall, constitutionnaliste

 

Récemment, la presse a fait état de l'augmentation des émoluments des chef de juridiction et des Inspecteurs généraux d'État par le président de la République. Une mansuétude que certains ont vite faite de ranger dans le registre de la corruption, mais qui pourrait ne pas se justifier pour le Conseil constitutionnel dont les membres ont rang et statut de ministre d'État. En effet, à la lecture de l'étude du Pr Ismaïla Madior Fall, l'on apprend que les juges constitutionnels sont grassement payés pour une ''faible activité juridictionnelle''.

 

 

''Rapporté à un calcul pour déterminer une moyenne, l'on serait à 7 décisions par année. A signaler que le Conseil peut rester pendant deux à trois ans sans rendre une seule décision. Cette moyenne appelle quelques remarques'', a fait savoir le constitutionnaliste qui ajoute : ''Le Conseil n‘a rendu, en 15 années d'existence, qu'une centaine de décisions là où évidemment dans des contextes différents, des juridictions similaires en Amérique, en Europe ou en Afrique ont rendu dans la même période des centaines voire des milliers de décisions''. À l'en croire, ''l‘activité du Conseil est très faible comparée à celle de la Cour constitutionnelle du Bénin qui, instituée à la même époque, en est à deux milliers de décisions''.

 

 

 

En 15 ans, 100 décisions au Sénégal et 2000 au Bénin

 

Ce nombre, quoique faible, ''doit encore être revu à la baisse si l'on s‘intéresse au contenu des décisions puisque dans près d'une vingtaine décisions sur une centaine, le juge ne se prononce pas au fond'', d'après M. Fall qui renchérit : ''La plupart des recours sont déclarés irrecevables par le juge pour incompétence ou forclusion''. Et les raisons de cette incompétence tiennent à deux choses : ''La première est que dans l'exercice de son office, le Conseil constitutionnel se fonde pas sur une interprétation restrictive de sa mission qu'il circonscrit dans le cadre d‘une compétence d‘attribution bien définie par la Constitution et la loi organique sur le Conseil Constitutionnel.

 

La deuxième raison tient au fait que la juridiction constitutionnelle se retrouve souvent face à des requêtes vraiment fantaisistes émanant de personnes qui ne connaissent manifestement pas les textes qui organisent les attributions et le fonctionnement du Conseil''.

 

 

''Nette prédominance du contentieux électoral''

 

Selon, la répartition thématique des décisions, l'on note ''une nette prédominance du contentieux électoral avec une cinquantaine de décisions, soit la moitié de la totalité. A cet égard, l'activité du Conseil est particulièrement dense en année électorale''.

 

Après le contentieux électoral arrive le contrôle de constitutionnalité des lois organiques avec plus d'une trentaine de décisions. ''Dans l'ordre d'importance, le contrôle des lois ordinaires par la voie du contrôle d'action arrive en troisième position avec une quinzaine de décisions.'', d'après l'étude.

 

 

''Briser le monopole présidentiel'' de nomination

 

Toutes choses qui font que le spécialiste en droit recommande une réforme de l'institution adossé sur ''le mode de désignation des membres'' dont il ''convient de briser le monopole présidentiel afin d'avoir plusieurs autorités ayant pouvoir de nommer les juges constitutionnels ou de faire directement désigner ceux-ci par les corporations desquelles ils émanent : magistrats désignés par le Conseil supérieur de la magistrature, avocats désignés par le Barreau, universitaires désignés par les Assemblées d'université, membres désignés par le Président, membres désignés par le Parlement''.

 

Sur le profil des membre de la juridiction, il plaide pour le renforcement ''des théoriciens du droit en général et du droit constitutionnel en particulier''. Et sur le mode de saisine, il convient ''d'élargir le droit de saisine du Conseil aux organisations de protection des droits humains et aux citoyens''.

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