Publié le 26 Sep 2016 - 17:03
CONSENSUS TROUVE AUTOUR DU NOUVEAU CODE DE LA PRESSE

Les parlementaires prêts à adopter le projet dans les meilleurs délais

 

Après trois jours de concertation (jeudi, vendredi et samedi derniers), un consensus a été trouvé autour du nouveau projet de code de la presse. Mais en attendant, il faut  un toilettage des textes car certains points relatifs surtout aux sanctions inquiètent les journalistes.

 

‘’Le Code est maintenant adoptable’’. Le président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar, Moustapha Diakhaté, s’est exprimé ainsi samedi dernier, à Saly Portudal, à l’issue du séminaire de restitution des travaux du comité scientifique chargé de présenter la nouvelle mouture du projet de Code de la presse. D’après le parlementaire, n’eût été la session parlementaire, le projet de Code serait voté avant la fin de l’année.  Compte tenu, de cette situation, Moustapha Diakhaté promet que le texte sera présenté pour adoption au plus tard dans le premier trimestre de l’année 2017. ‘’Dès la rentrée, on pourra envisager le jour pour aller en commission, puis en plénière pour l’adopter’’, a laissé entendre le parlementaire non sans avancer qu’il reste convaincu que le texte sera voté à l’unanimité. Car, argue-t-il, ‘’c’est une grande valeur ajoutée à la qualité de notre presse et celle-ci en sortira vainqueur autant que le Sénégal et la démocratie’’.

Malgré cette disponibilité exprimée par le parlementaire, le ministre de la Communication, Mbagnick Ndiaye, a émis des réserves. Il ne veut pas que ce projet dorme dans les tiroirs comme c’est le cas avec la première mouture esquissée depuis 2005 et oubliée sur la table du gouvernement depuis octobre 2010. ‘’Un pas de géant a été franchi. Si nous n’y prenons garde, le document ne sera pas validé par les députés, c’est un appel à tous les professionnels. Le code, c’est le vôtre. Il faut un consensus fort et nous ferons en sorte que le document puisse être transmis très rapidement au gouvernement car il ne faut pas que le décret d’application du Code soit comme celui de la charte des sports qui date de 1984 ; évitons de tomber dans ce travers’’, a-t-il insisté. Toutefois, avant que le projet ne soit déposé sur la table du gouvernement, des réaménagements devront se faire par le biais d’une commission. Composée du comité scientifique et des représentations des organisations de la presse, la commission se chargera de polir la nouvelle mouture.

En effet, au cours des trois jours de concertations, les professionnels des médias ont décelé des points qui, selon Bakary Domingo Mané, le président du Comité pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored),  peuvent conduire à des dérives ‘’liberticides’’. C’est pourquoi, ils ont attiré l’attention de la tutelle et du comité scientifique tout en faisant des amendements. Il s’agit des articles liés à la sanction, notamment les articles 198 et 199 qui confèrent à l’autorité administrative de fermer un organe de presse sans même passer par la voie judiciaire. ‘’Nous sommes certes dans un contexte d’insécurité mondiale, mais il ne faut pas donner l’arme qui va tuer la presse à des représentants de l’administration qui sont sous les ordres d’un homme politique’’, a soutenu M. Mané. Face à cette crainte, les journalistes proposent que cette fermeture n’intervienne qu’en cas de menace sur la sécurité nationale.

Par ailleurs, il faut relever que plusieurs innovations ont été apportées à la nouvelle mouture. Elles portent globalement d’une part sur le statut du journaliste, l’accès à la profession et les sanctions pour éviter certaines dérives. D’autre part, face à la précarité qui affecte les organes de presse, un statut juridique sera conféré à l’entreprise de presse. ‘’Le régime juridique applicable à l’entreprise de presse est fixé par décret’’, préconise l’article 24 du projet de Code qui indique que l’aide à la presse ne sera plus octroyée dans les conditions actuelles, mais plutôt suivant de nouvelles modalités. D’abord, une partie fixe sera attribuée à tous les bénéficiaires, une partie destinée à appuyer les projets innovants. Enfin il est prévu un mécanisme de garantie.

Concernant la presse en ligne, le projet préconise l’obligation de modération des forums, l’identification des éditeurs et la conservation des données. ‘’Sur les espaces de contribution personnelle des internautes, l’éditeur met en œuvre les dispositifs appropriés de modération. Ces dispositifs doivent permettre à toute personne de signaler la présence de tels contenus illicites et à l’éditeur de les retirer promptement ou d’en rendre l’accès impossible’’, lit-on à l’article 153 du projet de Code. Au-delà de la presse en ligne, le code comporte une nouvelle disposition visant la diligence dans la réponse et la rectification en ce qui concerne le Droit de réponse et de rectification. Ces innovations ont, après concertations, fait dissiper certaines appréhensions exprimées le premier jour.

Au finish, le consensus a prévalu ; ce qui fait que le rapport général a été approuvé par acclamation par les différentes organisations de la presse.

MBAGNICK NDIAYE (MINISTRE DE LA COMMUNICATION)

‘’ Le Code est au profit de la presse’’

‘’L’ancien texte a été rejeté par l’ensemble des parlementaires car il y avait des dispositions pratiques qui disaient que le journaliste ne doit pas aller en prison.  Ces dispositions ont bloqué le Code pendant 10 bonnes années. Des rencontres ont eu lieu entre le ministère et les parlementaires et après ces trois jours de concertation avec les acteurs, nous sommes arrivés à une mouture consensuelle. Cette mouture sera finalisée par le comité scientifique mis en place, ensuite elle sera transmise au gouvernement pour examen en Conseil des ministres. C’est après cela qu’elle sera envoyée au Parlement dont vous avez vu la forte délégation conduite par Moustapha Diakhaté qui a été toujours à nos côtés pour que ce Code puisse être validé. L’essentiel, c’est le réaménagement d’un certain nombre de dispositions  qui partent de l’entreprise de presse à la responsabilité du journaliste. Toutes les dispositions relatives à la dépénalisation et à l’emprisonnement ont été transférées au code de procédure pénale. Les autres aspects concernent la formation, l’accès à la profession.

Il faut savoir qui est journaliste et qui ne l’est pas. Il faut le dire, la  profession est aujourd’hui  envahie par des gens  qu’on a ramassés à droite et à gauche et qui sont devenus les grandes terreurs des médias. Je crois que tout cela mérite que nous puissions réorganiser le secteur et c’est au profit de la presse. La délivrance de la carte de la presse sera codifiée et cela permettra d’avoir une presse plus responsable. Nous avons aussi pensé au financement car toutes les entreprises de presse sont en difficulté. Pour cela, il faut réglementer car vous allez dans une rédaction, vous trouvez 30 à 40 personnes qui se réclament journalistes alors qu’ils ne le sont pas.’’


IBRAHIMA KHALILOU NDIAYE (SG SYNPICS)

‘’Maintenant il faut que l’autorité joue le jeu’’

Il faut saluer l’esprit qui a animé en amont et en aval ce séminaire, c'est-à-dire que les gens puissent faire prévaloir le consensus, d’autant plus que les discussions vont se poursuivre pour avoir un texte beaucoup plus consensuel.  Certains se sont réjouis en se disant que le texte va passer vu que la question des peines privatives de liberté a été réintroduite. Maintenant il reste à poursuivre le travail et à être dans la même dynamique tout en disant que la question de la dépénalisation était une tendance nationale et non une obsession nationale. S’il le faut, on va poursuivre la question mais l’essentiel est de faire passer les bonnes dispositions qui se trouvent dans le texte. Je parle notamment de l’entreprise de presse, l’accès à la profession, le financement du service public, la publicité et sa réglementation surtout… Donc nous sommes optimistes car après le travail de polissage qui sera fait, il va falloir que les autorités jouent le jeu pour qu’on puisse avoir un Code avant la fin de l’année.’’


DOCTEUR BACAR DIA (ANCIEN MINISTRE DE LA COMMUNICATION)

‘’Je rêve que Mbagnick réussisse là où nous avions échoué…’’

‘’Je suis très fier de ce que j’ai vu. C’est le moment de féliciter le ministre de la Culture et de la Communication, plus globalement le gouvernement, pour cette démarche inclusive et participative. C’est tellement important de réunir tous les acteurs. Depuis 10 ans, nous parlons du Code de la presse. Aujourd’hui des consensus forts sont trouvés. Il y a eu une adoption des résolutions par acclamation. Le comité devra se réunir pour finaliser les travaux et  je caresse le rêve de voir le ministre Mbagnick réussir là où nous autres, n’avions pas réussi, c’est-à-dire que ce Code puisse être adopté par l’Assemblée et qu’enfin, nous puissions passer à autre chose. Donc vive la discussion. Vive le consensus. Merci pour les journalistes qui ont fait preuve de beaucoup de flexibilité et merci au ministère qui a compris que tout ce qui se fait sans les acteurs est contre les acteurs.’’


MAMADOU IBRA KANE (PDT CDEPS)

‘’Nous avons déjà gagné une bataille’’

‘’Avant la tenue de ce séminaire, nous étions confrontés à  la non-adoption du Code. Depuis 6 ans, il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, en octobre 2010. A ce jour, il n’a pas été adopté parce que la majorité présidentielle sous Wade, puis Macky, refusait systématiquement de voter le texte parce que les sanctions pénales n’étaient pas privatives de liberté. Pour parler trivialement, pour les députés, il faut que les journalistes aillent en prison. C’est cela qui a bloqué le Code. Donc le ministre a pris l’initiative de réunir les acteurs et de voir s’il était possible d’aller à la rencontre des députés pour qu’on rétablisse les sanctions pénales. Nous acteurs de la presse, nous nous sommes réunis pour nous dire que le Code introduisait trois changements fondamentaux dans la législation sénégalaise : l’accès à la profession, nous en souffrons tous. 

Tout le monde est journalistes au Sénégal, cela décrédibilise notre profession. Nous sommes en danger face à l’envahissement. Le second changement, c’est l’entreprise de presse surtout avec  la crise qui frappe les médias. La fermeture d’un organe de presse, aujourd’hui, ce n’est plus un évènement, c’est fréquent. Il n’y a pas un environnement juridique, fiscal et économique favorable à l’entreprise de presse qui est le nouvel concept. Le troisième volet, c’était la dépénalisation mais maintenant, si nous pouvons avoir les deux, ce serait déjà une avancée extraordinaire.  Donc après la cérémonie de clôture, nous pouvons marquer notre satisfaction car le consensus a été trouvé. Avec la commission qui va se réunir le week-end prochain, nous allons tenter d’alléger certaines sanctions mais au moins, on aura déjà gagné une bataille. Peut-être que demain, une autre le sera.’’

FATOU SY

 

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