Publié le 29 May 2019 - 20:36
CONTOURS DU DIALOGUE

Unanimité autour de Famara I. Sagna

 

Majorité, opposition, non-alignés et société civile disent oui à Famara Ibrahima Sagna.

 

D’abord, c’est Mazide Ndiaye, une des sommités de la société civile dont le nom a été proposé pour conduire le dialogue, qui montre sa satisfaction en ce qui concerne la nomination de l’ancien président du Conseil économique et social. Il témoigne : ‘’Par respect à mon égard, certains avaient proposé mon nom pour diriger le débat, mais je pense que le choix qui a été fait est meilleur.’’ Selon lui, les acteurs doivent commencer par s’accorder sur le format du dialogue.

‘’Si le débat est mal engagé, il n’aboutira nulle part. Et pour que ça soit bien engagé, il faut que chacun sache les règles et que chacun les accepte. Notre rôle, en tant que société civile, a toujours été d’essayer de faire en sorte que le dialogue soit possible. Nous nous sommes toujours employés dans ce sens. Nous continuerons de jouer ce rôle de facilitateur. Nous ne sommes pour aucun camp. Nous militons uniquement pour que les règles de prise de pouvoir soient équitables’’.

L’ancien président du Comité de veille, dans le cadre de l’élection de 2012, d’ajouter : ‘’Notre mission est généralement d’être discrète. La société civile doit agir dans la discrétion. Le dialogue est nécessaire. C’est la seule voie qui peut nous mener vers la stabilité, empêcher l’autoritarisme. Il nous faut nous parler, nous pardonner, nous accepter. Ainsi pourrions-nous construire ce pays.’’

Mamadou Diop Decroix ne dit pas le contraire, à propos de Famara Ibrahima Sagna. A l’en croire, l’espoir est bel et bien permis, avec l’ancien ministre de l’Intérieur.

Il révèle : ‘’C’est un homme de consensus. Déjà, dans le front, certains avaient proposé son nom pour conduire les concertations. Nous devons donc être fiers qu’il y ait dans notre pays des personnalités comme ça, qui puissent nous mettre d’accord. Cela n’existe pas partout et il faut tout faire pour que le dialogue aboutisse à des résultats probants. Mais, il n'empêche, nous veillerons sur ce qui sera fait’’, prévient-il.

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DIALOGUE MODE D’EMPLOI

Macky Sall sur les règles du jeu

Il a le sens de l’humour, le président de la République. Il ne manque jamais une occasion de glisser quelques blagues déridant, à l’occasion de ses différentes prises de parole. Surtout quand il s’exprime dans la langue de Kocc. Hier encore, il a étalé tout son talent. Selon lui, c’est cela le Sénégal. Prenant l’exemple de l’opposant radical Mamadou Diop Decroix, il dit : ‘’Nous sommes en de bons termes. Dans ses sorties publiques, il peut nous accuser de tous les noms, mais quand on se rencontre, on sympathise. Parfois, je leur dis : mais ‘bathie naleen’ (je vous ai laminés) ; eux, ils vont dire que le Sénégal est une dictature, mais ils savent très bien que ce n’est pas le cas. C’est cela le Sénégal et nous devons œuvrer ensemble pour le renforcer. Parce que nous sommes entourés par des foyers de tension.’’

Pour Macky Sall, le dialogue doit permettre d’aboutir à un consensus fort dans chaque secteur de la vie publique. Pour lui, en ce contexte marqué par la découverte du pétrole et du gaz, le pays a davantage besoin de l’union sacrée de tous ses fils, en vue de se prémunir contre les forces maléfiques qui vont tenter de monter les Sénégalais les uns contre les autres. D’ailleurs, à ce propos, il a réaffirmé sa volonté d’impliquer la société civile dans le Cos-Petrogaz. Mieux, il dit être disposé à admettre même les partis politiques à l’intérieur de cette structure chargée de le conseiller en la matière.

Modalités

Revenant sur les modalités du dialogue national, le chef de l’Etat, après avoir félicité Famara Ibrahima Sagna, a demandé à chaque branche de désigner ses représentants dans le comité en charge de mener les réflexions. Ainsi, les pouvoirs publics auront 5 représentants, la majorité présidentielle 5 représentants, l’opposition 5 représentants, les non-alignés 5 représentants, la société civile… ‘’bon, hésite Macky Sall, on avait prévu 3, mais je pense qu’on peut vous en donner 5. De toute façon, il ne s’agit pas de voter quoi que ce soit’’, rigole-t-il. Continuant, il informe que le secteur privé aura 5 représentants, les syndicats 5 représentants, les chefs coutumiers et les religieux chacun 3 représentants. Finalement, il se perd dans ses notes et lâche : ‘’Ce sont les effets du ramadan. Ça ne laisse personne indifférent.’’

Les organisations faitières tout comme les jeunes et les femmes seront aussi représentés dans le comité. Tous ont 15 jours pour notifier au président du comité de pilotage les noms de leurs mandataires.

Les termes de référence, le calendrier, la méthodologie, entre autres, seront aussi définis. Le chef de l’Etat s’est engagé à appliquer toutes les mesures consensuelles qui seront issues de ces concertations entre les acteurs. Ce qui n’est pas gagné d’avance.  

LANCEMENT DIALOGUE NATIONAL

Quand les vieux font barrage aux jeunes et aux femmes

C’est à croire que les nombreux plaidoyers en faveur de la promotion des jeunes et des femmes ne sont que saupoudrage et effet de marketing électoral. Le constat est que dans les instances de décision, tout comme dans les sphères de réflexion sur des questions d’envergure, ces couches au cœur des problématiques socio-économiques sont souvent sous-représentées. Le lancement du dialogue national n’a pas été une exception.

Beaucoup de bonnets, de cheveux blancs, peu de voiles et de cheveux noirs. Le constat est palpable. Les couches les plus jeunes ainsi que les femmes ont été très faiblement représentées, à l’ouverture du dialogue national, hier, au palais de la République. Une assemblée ‘’machiste’’, constate le très atypique religieux Ahmad Khalifa Niasse. ‘’Cette assemblée, fait-il remarquer, est une assemblée d’hommes. La nation, ce sont des hommes et des femmes. On espère donc que le président, prochainement, fera ce qu’il faut pour que l’on ne soit pas une assemblée misogyne’’.

En effet, dans la salle, les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes. Le fossé est encore plus grand dans les prises de parole. L’aspect genre, il faut le constater, n’a pas non plus été tenu en compte.

Ainsi, la parité si chère aux mouvements de femmes a encore du chemin. Rokhaya Gassama, pour sa part, se réjouit des efforts qui ont jusque-là été faits et réclame encore plus. Elle déclare : ‘’Nous nous réjouissons certes de la parité pour les postes électifs, mais nous pensons qu’il faut aller plus loin. Et pourquoi pas l’élargir aux postes nominatifs. Nous attendons donc de ces concertations des mesures allant dans le sens d’une amélioration de la condition des femmes qui continuent de souffrir malgré les avancées.’’

Au dialogue national, la maladie dont souffrent les femmes semble également avoir contaminé les couches juvéniles. En effet, si les premières ont été peu nombreuses dans les prises de parole, il faut dire que les jeunes l’étaient encore davantage. C’est à croire que dans les différents segments représentatifs de la société sénégalaise, pouvoir, opposition, syndicats, société civile, tout est fait pour que les jeunes comme les femmes restent cantonnés à certaines tâches.

Khadim Diop, Président du Conseil national de la jeunesse, veut que ça cesse. ‘’Il faut arrêter de nous confiner à la mission de diriger les commissions de jeunes dans les partis et autres organisations. Nous demandons plus de postes de responsabilité de premier plan pour les jeunes. Et quand on parle de jeunes, il s’agit bien de ceux qui sont âgés entre 18 et 35 ans. Il y a des gens qui se disent jeunes, juste pour bénéficier de nominations. Le président a certes fait quelque chose, mais nous demandons plus. D’ailleurs, chaque mercredi, à l’occasion du Conseil des ministres, nous épions les nominations et c’est pour voir combien de jeunes ont été promus’’, affirme-t-il devant le président.

Si les femmes et les jeunes ‘’pleurent’’ sur leur sort, les troisièmes âges, eux, ont été très bien représentés. Certains avec leurs cannes, dans leurs grands boubous et le bonnet sur la tête, ils ont, aux côtés du président de la République, débattu autour de l’avenir du Sénégal.

Mais dans cette ‘’guerre’’ des générations, entre les jeunes qui veulent monter en puissance et les vieux qui refusent de partir, cet exemple de Mazide Ndiaye à propos de son grand ami et jeune frère Landing Savané est plus qu’éloquent. ‘’Je ris, parce que j’ai en face de moi mon ami, mon jeune frère Landing Savané avec qui je suis depuis 1965. Je ris parce qu’il m’avait fait une promesse qu’il n’a pas respectée. Je lui avais demandé d’arrêter la politique, depuis longtemps, et il m’avait répondu : ‘Je te jure que si Wade tombe j’arrête’’’, rapporte Mazide d’un air moqueur, plongeant la salle dans l’hilarité.

Il enchaine toujours avec un fou rire taquin : ‘’Mais il n’a rien arrêté du tout. C’est parce que la politique, ça tient l’homme. Ça vous retient et ça vous maintient. Mais je l’encourage à aller vers la sortie. Et essayer de venir dans la société civile.’’

Niasse, Tanor, Wade et les autres vont apprécier. 

MOR AMAR

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