Publié le 6 Jul 2018 - 12:22
CONTRAINTES DANS LES SYSTEMES FINANCIERS DECENTRALISES

La pression fiscale indexée

 

Les professionnels des systèmes financiers décentralisés (Sfd) plaident la levée des contraintes fiscales. Le président de leur association, Mamadou Lamine Guèye, a, hier au cours d’un atelier, demandé l’opérationnalisation des points d’accords obtenus avec la Direction générale des Impôts et des Domaines.

 

Le secteur de la microfinance, particulièrement les systèmes financiers décentralisés (Sdf), joue un rôle important dans l’inclusion financière. Ceci, en termes de mobilisation, d’épargne et de financement de l’économie. En 2017, les dépôts au sein de ces institutions ont atteint 307 milliards de francs Cfa et l’encours de crédit 363 milliards, soit une participation de 10 % du crédit de l’économie.

Toutefois, tempère le président de l’Association professionnelle des systèmes financiers décentralisés du Sénégal (Apsfd), malgré les performances réalisées, les professionnels du secteur sont confrontés à des difficultés. Celles-ci concernent les dispositifs prudentiels de la réglementation, le manque de visibilité, notamment fiscale, et les problèmes d’accès aux ressources financières. Ce qui a, d’après Mamadou Lamine Guèye, une ‘’incidence négative’’ sur la viabilité financière et sur le développement institutionnel et organisationnel des Sfd. ‘’Face à ces difficultés, l’Apsfd a émis un certain nombre d’idées. Il s’agit, notamment, de la levée des contraintes fiscales à travers, au moins, l’opérationnalisation des points d’accords obtenus avec la Direction générale des Impôts et des Domaines’’, renseigne le président de l’Apsfd.

Cependant, Mamadou Lamine Guèye affirme que les Sfd reconnaissent et acceptent l’obligation qui pèse sur eux, en tant qu’organisations citoyennes, en participant au développement économique et social du pays de façon multiforme. En plus de la fiscalité, le président de l’Apsfd juge primordiale la mobilisation de la contrepartie de l’Etat pour la mise en œuvre de la Lettre de politique sectorielle (Lps) de la microfinance qui représente 30 % du budget. ‘’Ceci constitue une motivation et un encouragement envers les bailleurs qui s’engageraient alors davantage dans la mise en œuvre du plan d’action de la Lps. A défaut d’un abandon, nous demandons un encadrement des interventions directes de l’Etat en tant qu’intermédiaire financier’’, ajoute-t-il. Pour M. Guèye, il est nécessaire de mutualiser des ressources des différents fonds étatiques à travers notamment la mise en œuvre d’un fonds national pour l’inclusion financière qui existe déjà dans certains pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

 La redynamisation de la coopération bi et multilatérale en faveur des projets et programmes d’appui au secteur de la microfinance, est souhaitée. ‘’A l’ère de la digitalisation, nous sollicitons l’appui des autorités pour aller vers une transformation digitale des Sfd, car on ne peut pas éviter la finance digitale. C’est un levier important de promotion de l’inclusion financière. Nous plaidons également pour une facilitation aux Sfd l’accès aux moyens de paiement, notamment électronique. De même que l’établissement d’un équilibre au sein du Conseil national sur le crédit, en y intégrant l’association professionnelle’’, plaide le président de l’Apsfd. Avant d’annoncer la mise en place d’un tribunal des pairs afin de faire face au problème de gouvernance au sein de leurs institutions.

En réalité, la pression fiscale ne plombe pas uniquement les institutions de microfinance. Le directeur général de la Délégation à l’entreprenariat rapide (Der) Pape Amadou Sarr, renseigne que les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises (Pme) en souffrent également. ‘’Il faut essayer d’avoir une fiscalité adaptée aux Tpe (micro-entreprises) et Pme. L’un des obstacles à leur développement, c’est la pression fiscale. Au bout de deux ou trois ans d’existence, ces entreprises disparaissent. Un accompagnement, un système d’exonération de deux ou trois ans pour les entreprises nouvellement créées leur permettra de se formaliser, d’avoir des papiers. Je ne vous demande pas de revoir le Code général des impôts, mais plutôt de faire une dérogation pour les Tpe’’, préconise-t-il.

Un plan d’action prioritaire en vue

A ce propos, le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan souligne qu’au-delà de la question fiscale, il y a un problème de fond qui mérite d’avoir des recommandations pertinentes. ‘’Nous sommes en train de préparer un plan d’action prioritaire n°2 2019-2023. Est-ce qu’il faut défiscaliser et perdre des recettes ? C’est un problème. Parce que, si on le fait, on ne sera pas en mesure de financer les investissements, d’assurer le fonctionnement de l’Etat. On pourrait même avoir des contraintes à donner des ressources à la Der qui est une vision assez révolutionnaire pour aider les économies les moins faibles’’, soutient Amadou Ba. Pour lui, il y a un ‘’équilibre’’ sur lequel les acteurs et le gouvernement devraient travailler. ‘’Mais il nous faut avancer beaucoup plus sur des questions stratégiques’’, poursuit-il.

Dans cette perspective, le ministre rassure que son département se mettra aux côtés de cette association pour engager les réflexions sur les problématiques liées surtout à la fiscalité et au financement des Sfd. Mais aussi à la mise en place d’un cadre réglementaire propice à la consolidation et à l’émergence d’un secteur de la microfinance plus inclusif et porteur de changements notoires pour l’économie et pour les populations.

Selon lui, des projets sont engagés dans le secteur au bénéfice des Sfd. Par exemple, Amadou Ba reste persuadé que la plateforme d’information sur le crédit apportera ‘’certainement’’ un plus dans la maîtrise du risque de crédit. Ce qui pourrait contribuer, à terme, à la baisse des taux d’intérêt.

Cependant, il signale que l’inclusion fulgurante du numérique ou de la digitalisation dans l’environnement de la microfinance, ainsi que les opportunités nouvelles qu’offre la finance islamique, constituent autant de défis pour les différents acteurs du secteur.

MARIAMA DIEME

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