Publié le 18 Apr 2015 - 08:01
CONTRIBUTION

Erreur ou semblant sur un verbe

 

« On reconnait la personne à travers ses actes, selon ce qu’il a fait ou selon ce qu’il a dit ». Cet état de fait nous conduit sans aucun doute à réfléchir sur l’idée maitresse qui découle de son message adressé à la Nation. Une idée selon laquelle travailler pour asseoir l’indépendance économique doit être la feuille de route que les Sénégalais doivent avoir en bandoulière. Le président de la République n’a-t-il pas fait une erreur en employant ce verbe « travailler » ? Est-ce que l’Occident accepterait que nous soyons indépendants économiquement ? Est-ce qu’en travaillant réellement, on pourra obtenir cette indépendance économique si l’on sait que travailler, c’est se lever le matin et aller à la recherche de la grâce, de revenus ?  Ne doit-on pas l’arracher ? Mais comment ? Certainement en adoptant la lutte.

Dans ce cas, de quelles méthodes de lutte s’agira t-il ?  Le verbe « lutter » ne semble pas être mieux adapté pour inciter consciencieusement la population à la conquête de l’indépendance économique ? Pour autant, la question fondamentale est de savoir si nos dirigeants actuels, au premier chef le Président Macky SALL, ne sont pas en train de tromper le peuple Sénégalais ?

Au regard de tous ces questionnements, il s’agira d’abord d’énumérer un certain nombre d’actes posés afin de mieux apprécier l’étendue de la volonté des autorités. L’injustice existante et qui continue de demeurer sera ensuite retracée pour que les jeunes prennent conscience des techniques peu morales utilisées par ceux qui sont au sommet de l’appareil étatique. En tout état de cause, les actes d’engagement ainsi que le respect de l’égalité sociale ne cessent de hanter le sommeil de la jeunesse.

Les actes posés

Dès son accession à la magistrature suprême, le Président SALL a mis en œuvre la Bourse familiale destinée à aider les plus vulnérables. Bien qu’elle reste une bonne chose, le hic c’est que l’idée ne vient pas de lui. Car il s’agit  fort probablement d’une mesure dictée par le F MI. La preuve, Christine Lagarde, Directrice de l’Institution dans Jeune Afrique N 2785 du 25 mai 2014 disait ceci relativement à la subvention des produits essentiels : « nous disons aux autorités mettez-vous d’accord sur les populations qui ont vraiment besoin de ces subventions, les plus démunies, et distribuez-leur soit du cash, soit des bons d’achats pour se procurer les bonbonnes de gaz qui leur sont nécessaires… ». Et Macky a opté pour la première option, à savoir leur distribuer de l’argent liquide. Ce qui semble dire en réalité que ceux qui gouvernent notre pays ne sont pas des Sénégalais, et n’y résident pas.

Un état de fait coutumier se pratique également dans les pays Africains. Il s’agit de l’embauche qui se fait de bouche à oreille. Le clientélisme prend des proportions à redouter avec son lot de dégâts : le népotisme notamment. C’est précisément le cas chez Wangari Maathai, Prix Nobel de la Paix, dans son ouvrage autobiographique, où elle dénonce avoir été victime d’une discrimination ethnique. Elle s’était présentée devant son patron avec sa lettre d’embauche, celui-ci lui annonce que le poste a été offert à quelqu’un d’autre. Et c’est peu après qu’elle a su que ce quelqu’un se trouvait être de la même ethnie que le patron.

Par ailleurs, et même pour un stage celui qui est censé vous appeler pense immédiatement à placer son parent. Devant cette situation inquiétante, que faire alors des fils de paysans ? Pourtant, à la lecture de la grande majorité, la volonté de réaliser l’indépendance économique est un but à atteindre sous peu. Cette volonté comme argument ne suffit pas. Car il faut impérativement d’abord une vision et ensuite de la cohérence. Il est noté une incohérence dans les politiques publiques jusqu’à ce que les ordonnateurs de crédits confondent le plus souvent le quitus fiscal et la croissance. Conséquence : les entreprises ferment sous le poids de la dette intérieure.  Le Président SALL veut coute que coute protéger à la fois les producteurs, les consommateurs et les recettes. C’est une illusion. Qui est le perdant dans tout ce scénario ? Bien sûr, c’est le consommateur.

Notre Président tient énormément à l’équilibre budgétaire uniquement pour faire plaisir aux Institutions de Breton Woods. C’est la raison pour laquelle il se tue à embellir la loi de finance, c’est-à-dire faire en sorte que la masse salariale ne dépasse pas 30% du Budget, en un mot mettre de l’ordre dans le profil de la dette. Dans le passé, l’équilibre budgétaire était un principe irréprochable. Cependant, de nos jours où presque tout est coté à la bourse, il ne s’agit plus d’équilibrer le budget mais plutôt d’équilibrer l’économie. En faisant quoi ?

Encourager fortement la concurrence et permettre à chaque Sénégalais d’avoir la capacité d’acheter les produits qui lui sont offerts. Obtenir en fait un emploi, puisque l’emploi naît automatiquement de la croissance. Trois branches constituent alors la croissance : la demande des ménages, l’investissement des entreprises et l’action de l’Etat. Or, en l’espèce, l’Etat est en train de freiner son action sous prétexte d’embellir son déficit budgétaire, ce qui constitue encore un point négatif pour le régime de Macky.

On dit très souvent que le Président SALL ne répond pas aux suggestions et recommandations qui lui sont faites car il garde le silence. Qui ne dit rien n’a rien dit. Il a certainement raison car il est dans son droit le plus absolu. Mais Macky oublie sans nul doute qu’entre lui et nous il y a bien évidemment un contrat. Or nous sommes déjà dans une relation puisque nous l’avons porté au pouvoir. Son comportement en réalité est un silence éloquent, un silence bruissant de paroles. Et par voie de conséquence, Macky a dit un mot sans pour autant parler.

L’injustice existante

« Nul n’est censé ignorer la loi ». Quel mensonge juridique ! Encore une fois, une enveloppe sous laquelle les gouvernants se bornent à détourner le regard des populations. Ils nous font croire que la loi est impersonnelle. Mais en réalité, la loi c’est une volonté mise en forme. Les quelques cas de figures suffiront largement à démontrer les astuces, ainsi que les subtilités dont usent nos autorités pour demeurer longtemps au sommet.

De prime abord, l’article 5 du Décret 2007-547 du 25 avril 2007 portant création de la Direction centrale des marchés publics (DCMP) dispose que : « les agents de la DCMP perçoivent une indemnité spéciale … ils conservent tous avantages indemnités et primes que leur confèrent leur statut et service d’origine ». Une seule personne cumule autant d’avantages, et on ne donne pas la possibilité aux autres jeunes de pouvoir faire quelque chose. Où est donc la place de la morale dans tout cela ?

De plus, les autorités, y compris les transhumants qui se disent les seuls experts capables et dynamiques puisque les fils de paysans ne le sont pas, veulent occuper des postes de Président de conseil d’administration (Pca). Ils bénéficient de salaires exorbitants, d’avantages qui se résument aux bons d’essence, véhicules 4/4 de fonction… Or le texte régissant la rémunération de ces Administrateurs est très clair. A cet effet, l’article 482 de l’Acte Uniforme Ohada portant droit des sociétés dispose que : « Hors les sommes perçues et les avantages dans le cadre d’un contrat de travail, le Pca ne peut percevoir aucune autre rémunération de la société… ». Que dire alors de cette pratique ? Tout s’apparente à vouloir faire ce que bon leur semble.

Autre souci, il provient de la loi organisant la profession d’avocat. En effet, l’alinéa 3 de l’article 34 de la loi 2009-25 du 08 juillet 2009 relative à l’Ordre des Avocats dispose que : « A titre transitoire, … un examen d’aptitude au stage sera organisé, tous les 3 ans, en début d’année judiciaire par les soins du Ministre de la justice… ». Un texte qui est passé inaperçu. Même la société civile ne s’en est pas rendu compte. Certainement elle a fermé obstinément les yeux. Voila ce que font des corporations pour fermer hermétiquement l’accès à leur profession. Un étudiant doit attendre 3 ans pour tenter de poser ses premiers pas dans la fonction. Et s’il ne réussit pas au premier essai, il va encore attendre 6 ans. Pendant ce temps, que va t’il devenir, alors qu’il s’agit de sa passion la plus ardente.

D’ailleurs, cette préoccupation fait inéluctablement apparaître la réforme relative aux bourses de 2014. En effet, les étudiants des Universités publiques n’ont droit à une bourse que s’ils sont âgés de 30 ans au maximum. Alors que ceux des autres Ecoles étatiques, ENA, CFJ, ENTSS notamment, bénéficient de la bourse jusqu’à l’âge de 35 ans. Et leur bourse est parfois beaucoup plus consistante que celle des étudiants des Universités. N’ont-ils pas en commun le titre d’étudiant ? Qu’est-ce qu’ils ont de meilleur que les autres étudiants ?  Voila encore  une discrimination de plus qui fera sans doute perdre des points au Président SALL.

 Au demeurant, la question qui mérite d’être posée est de savoir pourquoi les Représentants du peuple ont préféré la fine bouche. C’est une absence totale de capacité institutionnelle. Il découle de ce comportement des Députés un problème de capacité. Ils semblent ne pas avoir le niveau requis pour s’éclairer sur les lois qui leur arrivent. Et pourtant ils disposent de prérogatives devant être exercées dans leur plénitude. Mais on constate amèrement qu’il y a effectivement une absence d’expertise nécessaire pour évaluer l’impact des politiques publiques sur la qualité de vie des populations. Est-ce qu’ils ont en réalité travaillé  comme le décrète Macky ?

La lutte précède le travail

Au vu de toutes ces considérations, Macky pense, à tort ou à raison, que seul le travail pourra nous épargner. La négative semble s’imposer ! Réglons d’abord les injustices grandissantes. Ensuite, rompons courageusement avec les méthodes de développement de l’Occident qui sont à coup sûr, incompatibles avec nos réalités. L’ancien Président Iranien disait : « C’est la culture et la morale Occidentale qui menacent le monde et non la bombe atomique ».  Comment mener cette noble lutte ? Il s’agit là de réfléchir aux formes de lutte  à envisager sans qu’elles ne se transforment en conflit.

Hier pour faire entendre le cri de révolte à l’occupant, la littérature a servi de tribune pour déplorer toutes les  manières de gouverner de l’administration coloniale. C’est précisément le cas dans Ville Cruelle d’Eza Boto (Mongo Béti), œuvre dans laquelle il dénonce l’exploitation des peuples noirs pendant la période coloniale. Dix ans après, la satire n’a pas disparu cependant. Amadou Kourouma, dans Les Soleils des indépendances, se borne à faire la satire des maux générés par les Indépendances tels  que : la dictature, la corruption, le népotisme… Et pourtant ces mêmes blessures continuent aujourd’hui de plus belles d’assaillir le peuple Sénégalais. C’est le tour maintenant des intellectuels actuels de prendre leur plume et de dénoncer l’immixtion de l’Occident dans nos système de gouvernance. Ils doivent donc prendre position et défendre la cause sociale en vue d’améliorer la condition des populations. Le sevrage brut n’est-il pas envisageable ?

Rompre avec l’Occident. Mais avant de procéder à la rupture, il faudra préalablement qu’on invite tous les économistes pour qu’ils nous disent comment et quand. Ce qui évitera de subir des conséquences pénibles à l’économie sénégalaise. Comme recommandations, le Président Macky SALL doit impérativement savoir que le temps est venu de revoit son rapport au pouvoir, tout en améliorant le fonctionnement qualitatif de nos Institutions.

Au total, les actes que pose la Gouvernement SALL, ainsi que les pratiques d’injustice et de discriminations ethniques et sociales ne semblent pas rassurer jusqu’ici la jeunesse Sénégalaise.

                                                                             Aly SANE

Etudiant en Master à la Faculté des sciences

                                                                             Juridiques et politiques d l’UCAD

Email : alysane75@yahoo.fr

 

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