Publié le 4 Mar 2021 - 19:12
CONVOQUE HIER AU PALAIS DE JUSTICE

Récit de l’itinéraire sans issue d’Ousmane Sonko

 

Ayant entrepris de répondre à la convocation du juge d’instruction du 8e cabinet, le leader du Pastef a fini son périple en garde à vue à la Section de recherches de Colobane, pour trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée.

 

Ce mercredi 3 mars 2021 restera dans l’histoire politique du Sénégal. Jamais l’audition d’un opposant politique n’aura nécessité la mobilisation d’autant de forces publiques. Pour accompagner Ousmane Sonko sur la route du tribunal de Dakar, c’est le GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale), la doyenne des unités spéciales des forces de défense et de sécurité sénégalaises, qui a été mobilisé. Et les opérations de terrain ont été chapeautées par le préfet de Dakar en personne.

Quadrillés aux premières heures de la matinée, tous les itinéraires entrepris par le leader de Pastef/Les patriotes étaient scrutés par les éléments de la gendarmerie. Attendu par le juge d’instruction du 8e cabinet du tribunal de Dakar, Ousmane Sonko devait déférer à la convocation à 9 h. Mais son convoi, composé de 4 véhicules, a d’abord eu tous les problèmes pour se frayer un chemin, entre les sympathisants venus soutenir l’opposant et les éléments de maintien de l’ordre. De la cité Keur Gorgui (quartier résidentiel de Sonko) au rond-point menant à la corniche-Ouest, le convoi a été stoppé à maintes reprises. Pour disperser les foules et permettre aux voitures d’avancer, des grenades lacrymogènes étaient tirées sans faire de dégâts.

Du côté des accompagnants, la tension commençait à monter, face au refus des forces de l’ordre de laisser du public accompagner Ousmane Sonko jusqu’au palais de Justice. Au point qu’à certains moments, des pierres ont été lancées. Dans les échauffourées, Cheikh Faye, cameraman d’Ouest TV, a été blessé à la jambe. Le chef de protocole de l’opposant a également reçu un projectile sur le front, lancé dans ce désordre. Pendant ce temps, téléphone à l’oreille, le préfet de Dakar donne l’impression de recevoir les consignes de ses supérieurs.

Corniche-Ouest ou avenue Cheikh Anta Diop ?

Tout était sous contrôle jusqu’au moment fatidique du choix d’emprunter la corniche-Ouest ou l’avenue Cheikh Anta Diop pour atteindre le tribunal de Dakar. A ce niveau, le convoi a émis son souhait de passer par le chemin qui donne accès à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ce que l’autorité sur place a refusé catégoriquement. Ainsi, deux camions de la gendarmerie nationale ont bloqué l’accès menant à l’avenue Cheikh Anta Diop. Moment choisi par Ousmane Sonko pour prendre les devants, sur les réseaux sociaux : ‘’Ma voiture est bloquée depuis plus d'une heure par la gendarmerie commandée par le préfet de Dakar. Ce préfet a été surpris en train de dire qu'ils vont décerner un mandat d'amener pour me cueillir de force. Personne n'a le droit de me choisir un itinéraire. J'ai fait constater par huissier, en conséquence. Je suis un citoyen libre de ses mouvements. Je prends à témoin l'opinion nationale et internationale sur ces graves violations de nos droits.’’

Si le convoi d’Ousmane Sonko a refusé d’emprunter la corniche, il avait une bonne raison. Selon le chef de protocole, ‘’nous avons des informations selon lesquelles des nervis nous attendent pour nous attaquer. Il est hors de question que nous passions par-là’’. Au même moment, sur les réseaux sociaux, circulent des vidéos montrant des personnes armées, parquées près de la ‘’mosquée chiite’ sur la corniche. Leur identité ? Personne ne pouvait le dire. Mais il s’agit de gros bras, prêts à en découdre avec le convoi du leader de Pastef.

Pendant ce temps, un autre scénario se dessine au palais de Justice. Constatant le retard accusé par leur client, les avocats de l’opposant se sont excusés auprès du juge d’instruction. Ce dernier, selon Me Bamba Cissé, s’est montré compréhensif et disposé à attendre l’arrivée du leader de Pastef. Plus d’un tour d’horloge plus tard, les conseils décident d’agir. Maitres Bamba Cissé, Demba Ciré Ba, Khoureyssi Ba et Etienne Dione entreprennent d’aller chercher eux-mêmes leur client.

Ce qu’explique Me Cissé : ‘’Sur la route pour le rejoindre, nous n’avons rencontré aucun obstacle. Tout était fluide. Une fois sur place, nous avons constaté que la gendarmerie et la police ont bloqué Ousmane Sonko. Nous leur avons proposé de l’emmener dans notre voiture répondre au juge d’instruction. Même sans escorte.’’

Arrestation d’Ousmane Sonko

Avant leur arrivée, la situation avait évolué. Les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation des éléments de la garde rapprochée du leader de Pastef. Ces derniers n’opposaient pas de résistance. En même temps, tous les journalistes qui procédaient à la couverture de l’événement ont été éloignés du théâtre des opérations. La preuve que quelque chose se tramait pour décanter la situation. Maitre Bamba Cissé en relève la substance : ‘’Après discussions, les éléments des forces de l’ordre nous ont rapporté qu’ils ont reçu de nouvelles instructions. Et elles disent d’arrêter Ousmane Sonko pour trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée. Je confirme son arrestation. Il est en train d’être conduit à la Section de recherches.’’  

Surpris par la tournure soudaine des évènements, l’avocat n’a pas caché son indignation. Selon lui, ‘’nous avons l’impression qu’on a tendu un piège à notre client pour l’arrêter pour d’autres motifs que ceux qui lui ont valu cette convocation. Nous alertons l’opinion nationale et internationale sur cette forfaiture’’. D’autant plus que l’opposant a été amené sans l’accompagnement de ses avocats.

Par la suite, Me Khoureyssi Ba a posté sur un réseau social que ‘’la notification de la garde à vue faite à 14 h 45 par le capitaine Ndiaye, Commandant la compagnie de gendarmerie de Dakar, qui a personnellement procédé à l’interpellation de M. Ousmane Sonko’’, a été communiquée à ses avocats.

Selon les dernières informations, l’opposant a été maintenu à la Section de recherches pour des raisons de sécurité. Mais ce nouveau dossier ouvert contre le leader de Pastef est entre les mains de la gendarmerie de Thiong.

Ousmane Sonko gardé dans de bonnes conditions à la Section de recherches

L’opposant Ousmane Sonko a été arrêté, hier, sur la route du palais de Justice de Dakar. Alors qu’il déférait à la convocation du juge d’instruction du 8e cabinet, pour répondre aux accusations de viol et de menace de mort portées à son encontre par une jeune employée d’un salon de beauté, il a été interpellé par les forces de l’ordre et conduit à la Section de recherches sise à Colobane.

Selon nos informations, il a été placé dans de bonnes conditions. Les mêmes sources révèlent qu’il passe sa garde à vue ‘’dans une salle climatisée, avec téléviseur et un canapé’’.

Toutefois, lors de ses premières auditions, le leader du Pastef a refusé de parler. Nos sources révèlent qu’il partage cette cellule avec son garde du corps, le lutteur surnommé ‘’Limousine’’, arrêté en même temps que lui. Les deux n’avaient pas encore accepté de répondre aux questions des enquêteurs.

Il est reproché à l’opposant, au moment de son interpellation, les faits de trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée.

Lamine Diouf

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OUSMANE SONKO MUET DEVANT LES ENQUÊTEURS

Le sort du leader du Pastef est entre les mains du procureur

En garde à vue dans les locaux de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, le leader du Pastef/Les patriotes, Ousmane Sonko, n’a pas ouvert sa bouche, lors de son audition. Les enquêteurs sont à l’écoute du procureur.

Hier, c’est vers 14 h 45 mn que la notification de garde à vue a été signifiée à Ousmane Sonko, selon son avocat Me Khoureissi Ba, par le capitaine Ndiaye qui a personnellement procédé à son interpellation. Un peu plus tôt, il avait été arrêté sur ordre du procureur pour les faits de trouble à l’ordre public et manifestation non-autorisée, par des agents du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Il a été, par la suite, acheminé, sous une forte escorte, dans les locaux de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, pour les besoins de l’enquête.  

Selon nos informations, lors de son audition par les hommes du chef d’escadron Abdou Mbengue, le député Ousmane Sonko a adopté la stratégie du silence comme moyen de défense. Il n’a répondu à aucune des questions posées par les enquêteurs, précisent nos sources. Ces dernières soutiennent que, juridiquement parlant, rien ne peut forcer un prévenu à répondre. ‘’Il a opté, comme stratégie de défense, le silence total devant ses avocats, lors de son audition. Il a même refusé de décliner son identité. Personne ne peut le forcer à parler. La loi ne permet à personne de le faire d’ailleurs’’, ont dit des sources généralement bien informées.

Selon nos interlocuteurs, devant cet état de fait, les enquêteurs sont à l’écoute du maitre des poursuites qui va décider de la suite, le moment venu.

A propos des délits visés contre Ousmane Sonko

Selon l’article 97 du Code pénal, sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes et, d'une façon générale, toute manifestation sur la voie publique. Toutefois, sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux. Seront punis d'un emprisonnement de six mois à un an et d'une amende de 100 000 à 500 000 F, ceux qui auront fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur les conditions de la manifestation projetée ou qui, soit avant le dépôt de la déclaration prescrite à l'article 96, soit après l'interdiction, auront adressé, par un moyen quelconque, une convocation à y prendre part. Seront punis d'un emprisonnement d'un à trois ans et d'une amende de 100 000 à 500 000 F ceux qui auront participé à une manifestation non déclarée ou qui a été interdite. Seront punis d'un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq ans au plus et d'une amende de 10 000 à 1 500 000 F ceux qui auront participé à l'organisation d'une manifestation non déclarée ou qui a été interdite.

CHEIKH THIAM

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