Publié le 21 Jul 2018 - 14:06
COOPERATION SINO-SENEGALAISE

L’Etat invité à faire des propositions ‘’concrètes’’ 

 

Pour renforcer la coopération entre le Sénégal et la Chine, l’Etat doit faire des propositions ‘’concrètes’’, en tenant compte des nouvelles perspectives qui s’offrent à ses ressources pétrolières et gazières. C’est ce qu’a préconisé l’économiste Chérif Salif Sy, joint par ‘’EnQuête’’.

 

Premier investisseur dans le financement des projets du Plan Sénégal émergent (Pse) et deuxième partenaire commercial du Sénégal, la Chine reste, aujourd’hui, un ‘’ami’’ privilégié du pays de la ‘’Téranga’’. Depuis la reprise des relations diplomatiques en 2005 sous Abdoulaye Wade, la coopération entre les deux pays se construit au fil des jours. Aujourd’hui, Dakar va accueillir le président de la première puissance économique et commerciale mondiale. Xi Jinping, appelé officiellement Xi Dada, va ainsi fouler le sol sénégalais pour la première fois, afin de renforcer le partenariat économique entre les deux pays. Les Chinois considèrent le Sénégal comme un ‘’bon partenaire’’, selon l’économiste Chérif Salif Sy, joint par téléphone par ‘’EnQuête’’. Le Sénégal le voit également comme celui qu’il faut ‘’maintenir’’ pour la stratégie de diversification de ses partenaires économiques. ‘La France reste le premier partenaire du Sénégal, mais la Chine est un pays qui contribue beaucoup pour le développement du pays’’, a-t-il dit.

Ainsi, dans la perspective de cette visite, l’économiste estime qu’il faut travailler à renforcer cette coopération. Déjà, la remise des clés de l’arène nationale offerte par la Chine, prévue lors du séjour de Xi Jinping est, selon M. Sy, ‘’du concret’’. ‘’A partir de là, il faut en tirer les leçons, pour renforcer la coopération en faisant des propositions concrètes et en tenant compte des nouvelles perspectives qui s’offrent au Sénégal par rapport aux ressources qu’on vient de découvrir. Il ne faut pas que le Sénégal soit comme la plupart des pays qui ne font que subir et qui ne font pas de propositions. La Chine s’est souvent plainte d’ailleurs du fait que beaucoup de pays africains ne disaient pas ce qu’ils voulaient exactement’’, se souvient l’économiste.

Éviter les notions de ‘’gagnant-gagnant’’

Pour l’ancien manager général à l’Agence nationale de conseil agricole et rural (Ancar), dans une coopération, il faut ‘’dire ce qu’on veut’’. ‘’Il faut vraiment éviter les notions de gagnant-gagnant. Ça, ce sont des termes trop pompeux, folkloriques et qui ne veulent rien dire. Il faut dire de façon express ce qu’on souhaite dans cette coopération et ce qu’on ne souhaite pas’’, a-t-il recommandé. L’économiste rappelle qu’entre les deux pays, il y a une différence, au plan de la science, de la technologie et de la coopération internationale. ‘’La Chine est un grand pays. A chaque fois qu’elle fait un pas, elle est entourée de ses meilleurs experts, conseillers mondiaux. Elle prend aussi des conseillers qui ne sont pas seulement de la Chine’’, a renchéri ce membre du Comité scientifique de la ‘’Revue Tiers-monde’’. De ce fait, il invite les autorités sénégalaises à faire pareille, en s’entourant de ‘’bons médiateurs’’, des coaches et des conseillers. ‘’Aujourd’hui, ce sont trois éléments indispensables dans la coopération internationale. Si notre pays le fait, en étant accompagné par des gens qui sont des experts du domaine, on peut tirer profit du partenariat’’, a suggéré l’ancien conseiller technique d’Abdoulaye Wade.

Renforcer la coopération scientifique et technique

Avec les Chinois, souligne l’économiste, les Africains sont sûrs de  ne pas voir se reproduire le comportement de leurs partenaires occidentaux. Ce que M. Sy considère comme ‘’un bon signe’’. Mais il faut aller loin, ajoute-t-il, en ciblant des domaines. ‘’Je souhaiterais surtout que le Sénégal renforce la coopération scientifique et technique. C’est déterminant et  capital. La Chine est un pays très avancé, qui travaille dans des secteurs pointus et sait précisément ce qu’elle veut. C’est la différence avec d’autres pays. C’est à nous d’être responsable, d’être un Etat stratège qui prend en compte des préoccupations des populations, qui s’engage dans un partenariat qui débouche sur la création d’infrastructures industrielles’’, a-t-il poursuivi.

Par rapport aux ressources pétrolières et gazières, le pays de Mao s’installe sans faire de bruit. ‘’Les Chinois sont très discrets. Pour le moment, il s’agit de faire des prospectives. Personne n’a encore vu de pétrole ou de gaz. La Chine a des besoins énormes en ces ressources. Le jour où cela sortira de terre, elle sera l’un des plus gros acheteurs du pétrole et du gaz. Ce n’est pas un pays connu pour de grandes opérations de prospection. Elle achète une fois que le produit est découvert’’, a-t-il fait savoir.

Il faut souligner qu’à ce propos, l’ambassadeur chinois au Sénégal, Zhang Xun, lors d’une conférence de presse tenue dans les locaux de son institution, le 23 mars dernier, disait que son pays ‘’encourage activement’’ d’autres entreprises chinoises à prendre part dans la construction des parcs industriels et au développement des industries manufacturières. Mais également à élargir la coopération dans de nouveaux chantiers comme l’exploitation des ressources d’hydrocarbures, l’énergie solaire et les recherches scientifiques. Ceci, dans l’optique de ‘’transformer’’ la coopération bilatérale dominée par des ‘’aides et travaux forfaitaires’’ en une coopération sur les ‘’capacités de production et les services techniques’’, afin d’apporter une ‘’contribution active’’ au développement industriel et agricole du Sénégal.

Une démarche lente, mais sûre

Dans le secteur des banques et assurances, où la Chine est totalement absente au Sénégal, M. Sy a précisé qu’elle ‘’travaille beaucoup’’ pour que sa monnaie soit internationale. Au fait, elle l’est à moitié, puisque la majorité des grands pays l’utilisent dans leurs échanges. Le Fonds monétaire international (Fmi) reconnait le yuan comme une monnaie internationale. ‘’La Chine a de grandes banques présentes déjà sur le continent. Eximbank pour l’import et l’export. Il est certain qu’elle va se développer de plus en plus. Mais, sur le continent, la Chine en est, pour le moment, à des investissements sur certaines infrastructures et industries légères. Les grands pas vont venir, j’en suis convaincu. Elle va faire de grands pas dans des industries plus importantes pour toucher véritablement le secteur financier’’, a-t-il relevé.

Dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (Tic), il y a Alibaba. Un groupe créé sur internet et destiné à faciliter les échanges entre entreprises disposant de plateformes de paiement et de vente au détail en ligne, un moteur de recherche pour le magasinage et des services. ‘’Alibaba est là, mais on ne le sent pas. Nous sommes dans une région du monde la plus faiblement bancarisée. C’est petit à petit que ça va se faire. La Chine observe bien ce qui se passe. Il y a une bataille au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) entre les banques françaises et celles africaines. La Chine le sait et elle ne veut pas en rajouter. C’est ça le tempérament chinois. Elle observe, elle apprend et sait ce qu’il faut faire’’, a-t-il conclu.

MARIAMA DIEME

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