Publié le 5 Jan 2014 - 17:23
CRISE CENTRAFRIQUE

Le camp de l’aéroport de Bangui livré à lui-même

 

Nouveau signe de la détérioration de la situation à Bangui, Médecins sans frontières (MSF), la principale ONG médicale dans la ville, a décidé jeudi de «considérablement réduire ses activités» dans l’aéroport de la capitale centrafricaine.

Sécurisée par les soldats français et ceux de la force africaine Misca, la zone aéroportuaire est devenue avec la montée des violences le point de ralliement des habitants en quête de refuge. Les abords se sont transformés en un vaste camp de réfugiés à ciel ouvert, où s’entassent dans une totale désorganisation près d’une centaine de milliers de personnes, en majorité chrétiennes.

Les conditions sanitaires sont désastreuses et la tension s’est accrue ces derniers jours avec des rumeurs d’infiltrations d’ex-rebelles de la Séléka. L’équipe de MSF, seule sur place, y dispensait depuis un mois en moyenne 500 consultations par jour (pédiatrie, petite chirurgie, accouchements, etc.).

L’ONG alerte depuis des semaines sur la situation du camp : pas d’abri contre la pluie ni de moustiquaire contre les insectes porteurs de paludisme, points d’eau et latrines en nombre très insuffisant…

«Dépassés».«En début de semaine, la situation est devenue extrêmement tendue, explique Lindis Hurum, coordinatrice de MSF sur place. Des tirs ont éclaté à l’intérieur même du camp. On a été dépassés par l’afflux de blessés, et trois enfants ont été tués par balle. Dans ces conditions, on ne pouvait plus travailler.

Les membres de l’équipe risquaient de se prendre une balle perdue.» D’où la décision de se rapatrier vers d’autres dispensaires. «Nous n’avons aucune envie de laisser cette population seule et nous leur avons longuement expliqué notre décision», souligne-t-elle. L’équipe espère pouvoir réintégrer le camp dès que les choses se seront un peu calmées.

Seuls cinq membres sont restés pour traiter les urgences et assurer les accouchements. Sans aucune protection militaire, la Misca étant présente dans l’aéroport mais pas dans le camp lui-même.

«La sécurité à Bangui et la protection des structures médicales n’est pas assurée», constate Marie-Noëlle Rodrigue, directrice des opérations chez MSF qui, sans lancer d’appel formel, juge qu’il «faut des décisions politiques autour de ces questions».

Dans la confusion ambiante, le signal qu’envoie Médecins sans frontières n’a rien pour rassurer. «Ce n’est pas à nous d’interpréterl’impact de ce retrait. Notre priorité est de soigner mais à un moment donné, on ne peut pas risquer la vie du personnel. Il ne s’agit pas de jouer les héros mais de pouvoir faire notre travail», défend la coordinatrice.

Barricades. La situation reste très volatile à Bangui malgré l’arrivée, jeudi, de renforts de l’armée tchadienne. Les civils continuent à fuir la ville. Jeudi, dans un quartier musulman du nord de la capitale, les habitants ont dressé des barricades et brûlé des pneus pour protester contre la présence des blindés français.

Malgré les difficultés qui s’accumulent pour les 1 600 soldats de l’opération Sangaris, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en tournée dans la région après une halte à Bangui pour chercher une issue à la crise, a réfuté hier tout enlisement.

«La situation sécuritaire est en amélioration par rapport à la situation de massacres qu’on a pu connaître, a-t-il assuré. En février, des experts disaient "au Mali, la France commence son enlisement". Heureusement que nous n’avons pas écouté les experts. Je le dis pour le Mali, et je le dis aussi pour la Centrafrique.»

LIBERATION.FR

 

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