Publié le 3 Apr 2015 - 23:58
CRISE A LA SUNEOR

Niinal a cessé d’huiler les marchés

 

La crise qui sévit depuis 2002 à la Suneor n’affecte pas seulement les travailleurs de cette boîte. Le consommateur sénégalais n’est pas non plus épargné, puisque l’huile Niinal qu’il utilisait au quotidien a disparu du marché depuis longtemps.

 

En début d’après-midi au marché Tilène, les clients font encore leurs achats sous  une forte chaleur accompagnée d’un vent de poussière qui pollue Dakar ces derniers jours. Malgré tout, les commerçants continuent d’installer les nouveaux produits qu’ils viennent de se procurer, pendant que les clients font leurs choix sur les étals. Ils semblent tous se connaître. Ce qui crée une ambiance générale sympathique et familiale. On commence à déambuler dans les allées.

A côté des bijoutiers où se trouve sa cantine, Birane Ndiaye vend  toute sorte de produits y compris toutes les variétés d’huile présentes sur le marché. Sauf, que le sachet d’huile ‘’Niinal’’ n’est pas visible. ‘’Elle était très prisée mais je pense que c’est parce que l’usine a des problèmes qu’on ne la trouve plus sur le marché‘’, dit-il derrière son comptoir où il était en train d’observer une pause. Ne sachant pas quand ils seront approvisionnés en ‘’Niinal’’, le jeune commerçant trouve plus sûr de commander les autres huiles qu’il écoule actuellement.

Voir le sachet d’huile ‘’Niinal’’ au marché Tilène, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Il y a bien longtemps que les commerçants qui se sont rabattus sur presque une dizaine d’huiles qui coûtent moins cher, ne cherchent plus à savoir ce qui est arrivé à cette huile. Les clients non plus ne s’en préoccupent pas pour la plupart.

‘’Il sera difficile pour Niinal de revenir sur le marché’’

En attestent les dires de cette mère de famille trouvée non loin des vendeurs de poulets. ‘’Cela fait au moins 5 mois que je n’ai pas vu les sachets Niinal qui pourtant inondaient le marché. Mais puisque les autres huiles nous donnent de la  satisfaction, nous les consommons’’, déclare Diéwo Guèye, une femme de taille moyenne, de teint clair avec une forte corpulence.  

Pape Samba, un commerçant dont la cantine se trouve en face des bouchers, est en train de découper avec une hachette des poulets. Il a l’air très compétent dans ce qu’il fait même s’il montre des signes d’empressement. Selon lui, les clients achètent maintenant les autres huiles et même l’huile qui gèle. ’’Je commande maintenant pour mes clients les autres huiles, parce qu’on ne sait plus où trouver Niinal’’. Pour Pape Samba, l’huile qui caille se vend même mieux que les autres huiles, raison pour laquelle il est convaincu qu’il sera très difficile pour ‘’Niinal de reprendre sa place après cette très longue absence’’. Ce commerçant fonde également son argument sur le fait qu’ils gagnent sur le carton de 5L des autres huiles, comparé à celui de Niinal, 500 F CFA, et sur le carton de  1L 200 F CFA.

Quelques mètres à peine, des sachets de Niinal se signalent. Oumou Salamata Ba, une commerçante, est la seule de tous les commerçants que nous avons rencontrés au marché Tilène à avoir encore ce produit de la Suneor. Il lui reste encore dans son stock 19 sachets qu’elle a du mal à écouler. ‘’Mes clients sénégalais sont maintenant habitués aux autres huiles, raison pour laquelle ils ne demandent presque plus Niinal. Il n’y a que les étrangers qui me la réclament ’’, affirme-t-elle. En face d’elle, une cliente en train de s’approvisionner. Préférant garder l’anonymat, elle a voulu  ajouter qu’elle  préfère acheter désormais l’huile qui gèle parce qu’elle est plus accessible à sa bourse. Mais qu’elle doute de la qualité quand bien même on leur dit qu’elle est bonne. La commerçante confirme à son tour en confiant que le sachet de l’huile qui caille coûte 225 F CFA tandis que le sachet Niinal coûte 300 F CFA. Les 75 F CFA de différence peuvent acheter des condiments, selon sa cliente qui affiche un large sourire.  

A quelques kilomètres de Tilène, plus précisément au marché Castor, c’est un univers plus ou moins différent. Le marché est très animé à cette heure.  Ici, les gens sont moins bavards et sont très évasifs quand on aborde la disparition des sachets de l’huile Niinal sur les étagères des boutiquiers et autres commerçants.  ‘’Je ne sais pas, je pense que c’est parce que l’usine n’en produit plus’’, nous lance un vieux trouvé dans son magasin se trouvant au cœur du marché. Comme s’ils s’étaient passé le mot, ils répondent à peine aux salamalecs d’usage et disent ne pas pouvoir parler du sujet.

Au détour d’un étal où sont exposés des légumes très frais, Cheikh Diaw, un jeune commerçant, y tient une boutique. Voulant donner son avis, il dit qu’il y a bien longtemps qu’il ne s’approvisionne plus en Niinal, car ne le trouvant nulle part. Pourtant, ‘’beaucoup de mes clients me la réclament. Ils disent que Niinal coûtent certes plus cher que les autres huiles, mais c’est elle qui est de meilleure qualité. Si elle est sur le marché, les clients n’achètent pratiquement pas les autres huiles’’, atteste-t-il.  

La mauvaise politique de la Suneor dénoncée

Si le sachet Niinal est aux abonnés absents, c’est parce que la Suneor est en crise. Voilà la véritable raison, si l’on se fie à Thiambaye Ndiaye délégué syndical à la Suneor. Joint par nos soins, M. Ndiaye a martelé que c’est la ‘’mauvaise politique’’ qui a conduit à cette malencontreuse situation. Explications : ‘’Il y a une absence de fonds de roulement pour faire fonctionner l’usine. Aujourd’hui, on fait face à  des ruptures de matières premières. Et on est endetté chez nos fournisseurs.‘’ Le syndicaliste pense foncièrement que cette situation a été sciemment provoquée pour vendre la Suneor. L’air très affecté par la durée de la crise qui leur fait très mal, il ne désespère pas pour autant puisque l’Etat a entamé des négociations avec l’actionnaire majoritaire de la Suneor à la recherche de solutions idoines. Ce qui fait que certains travailleurs pensent que la Suneor va rebondir un jour. 

Et dès que Niinal qui a été supplantée par beaucoup d’autres huiles reviendra sur le marché, cela ne fait aucun doute qu’elle reprendra naturellement sa place, selon Thiambaye Ndiaye.  

Les autres huiles sont de bonne qualité aussi

Ousmane Sy Ndiaye le Secrétaire général de l’Unacois juge ‘’pénible‘’ la situation que traverse la Suneor. Et si Niinal est de bonne qualité, les huiles qu’on trouve actuellement sur le marché respectent certainement, selon lui, les normes établies. Au cas contraire, elles ne seraient pas autorisées à y être.

Un avis que partage un représentant de l’Etat qui a voulu s’exprimer sous le couvert de l’anonymat. A l’en croire, puisque  les huiles importées font l’objet de contrôle, ‘’alors il n’y a aucune crainte à se faire’’, dit-il pour rassurer les clients qui doutent de la qualité des  huiles importées, surtout celle qui gèle. Pour notre interlocuteur qui souhaite que Suneor sorte de cette crise, l’essentiel pour l’Etat est d’approvisionner le marché d’huiles de qualité similaires à Niinal et capables de répondre aux besoins de consommation des Sénégalais.

L’espoir est certes permis, mais, faut-il juste rappeler que le chiffre d’affaires de la Suneor est passé entre 2011 et 2012 de 100 milliards à 57 milliards. En 2013, deux de ses cinq sites industriels à Diourbel et Louga sont restés fermés toute l’année. Donc, il est logique que Niinal soit introuvable sur le marché en attendant un règlement de la crise qui secoue la Suneor depuis un certain temps.

Aminatou AHNE

 

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