Publié le 2 May 2024 - 18:21
CUMULS D’AVANTAGES INCOMPATIBLES, INDEMNITÉS, ACHAT DE VOITURE DE LUXE…

Ces cafards de Me Moussa Diop à la tête de DDD

 

Un rapport de la Cour des comptes dévoile de graves irrégularités dans la gestion de la société Dakar Dem Dikk, (3D), de 2017 à 2020, à l’époque sous le magistère de Me Moussa Diop. L’organe de contrôle révèle des dépenses de folie, des indemnités non conventionnelles, des achats inopportuns. Le concerné a tenu à répondre, hier.

 

Le rapport définitif de la Cour des comptes 2022, de la société Dakar Dem Dikk (3D) pour les exercices 2017-2020, a été rendu public. Suivant la procédure contradictoire, toutes les personnes, interpellées dans le rapport provisoire, ont été saisies pour apporter leurs réponses par mémoire écrit dans le délai d’un mois.

Durant la période sous-revue, la société 3D était dirigée par Me Moussa Diop, nommé par décret n°2014-925 du 24 juillet 2014. Sur la situation administrative et juridique, les diligences effectuées sur ce cycle ont permis de constater des manquements dans les travaux du Conseil d’administration (CA), dans les documents de planification, un défaut de validation et d’application du manuel de procédures, des insuffisances au niveau de l’audit interne, un défaut de respect de la Convention de concession, le versement irrégulier de la redevance au Fonds de développement des transports urbains et des manquements dans les opérations de cession de terrains, le non-respect de l’obligation de souscription à une police d’assurance.

Sur ce point, le nombre de bus assurés est passé, de 2018 à 2020, de 173 à 325. Alors que le nombre total de bus exploités sur la même période est passé de 396 à 486.  

Pour les bus non assurés qui concernent principalement ceux du réseau public, Dakar Dem Dikk fait de l’autoassurance et gère elle-même les indemnisations, selon le rapport. Au 31 décembre 2020, l’encours des indemnisations s’élevait à 86 224 243 F CFA, dont 78 675 802 F CFA remontent à l’année 2019. Cette autoassurance, qui n’est pas conforme à l’article 200 du Code Cima expose la société à des risques financiers en cas de sinistres importants.

Dépassements budgétaires

Des dépassements budgétaires importants ont été notés sur toute la période contrôlée. Ainsi, les taux de réalisation sont passés de 214 % à 431 %, selon la rubrique.

Le projet de budget réaménagé de 3D de la gestion 2020 a été adopté par le CA, le 23 décembre 2020. Ainsi, toutes les dépenses d’investissement prévues dans le budget initial ont été annulées et un montant de 100 000 000 F  CFA prévu pour l’aménagement du siège. Cependant, il est noté plusieurs dépenses d’investissement exécutées, mais non prévues dans le budget, durant cet exercice. Leur coût est estimé à 162 980 038 F  CFA.

L’analyse des budgets approuvés par le Conseil d’administration de la société 3D fait ressortir une absence de recettes d’investissement sur toute la période sous-revue. Les dépenses d’investissement prévues sont de 2 331 218 268 F CFA en 2017, 1 958 063 756 F CFA en 2018, 2 594 176 366 F CFA en 2019 et 100 000 000 F CFA en 2020, mais aucune recette n’a été prévue pour leur financement, alors que 3D a reçu de l’État les subventions d’investissement d’un montant de 1 600 000 000 F CFA en 2017, dont 100 000 000 pour la réhabilitation des dépôts de Thiaroye et de Ouakam, et 1 500 000 000 F CFA dans le cadre du projet d’acquisition de bus au profit de 3D, 75 000 000 F CFA en 2018 pour la réhabilitation des dépôts de Thiaroye et de Ouakam, 700 000 000 F CFA en 2020 dans le cadre du projet d’acquisition de bus au profit de 3D.

En outre, selon la Cour des comptes, les résultats prévisionnels de 3D ne sont pas réalistes. A titre illustratif, les résultats budgétaires prévus pour les exercices 2017 et 2019 sont respectivement de 0 F CFA et 11 631 875 F CFA, alors que les rapports d’exécution montrent des résultats réalisés déficitaires de 613 456 875 F CFA en 2017 et de 13 412 554 799 F CFA en 2019.

De plus, il a été noté que les dotations aux amortissements et aux provisions (charges non décaissables), les transferts de charges et les reprises pour provisions (produits non encaissables) ne sont pas pris en compte dans les prévisions budgétaires, alors qu’ils concourent à la détermination du résultat prévisionnel.  

Les dettes de 3D durant la période de l’audit

L’examen de la gestion comptable de 3D, sur les exercices de 2017 à 2020, fait ressortir les insuffisances et irrégularités telles que le non-respect des délais d’approbation des états financiers, des non-respects du délai de libération du capital social, des principes comptables, du principe de continuité de l’exploitation.

Les capitaux propres de la société 3D sont négatifs de 1 386 614 351 F CFA en 2019 et 24 759 311 987 F CFA en 2020, donc inférieurs à la moitié du capital qui est de 750 000 000 F CFA.

Sur la situation d’insolvabilité de 2017 à 2020, l’écart des dettes était estimé à moins de 75 880 708 636 F  CFA. Sur toute la période sous-revue, le résultat d’exploitation de 3D est déficitaire. Il est de l’ordre de moins de 9 671 511 760 F CFA.

Une comptabilité ne reflétant pas la réalité

L’analyse de la comptabilité de 3D a permis de constater que celle-ci ne reflète pas la réalité.

En effet, la cession de créances de 3D sur l’État à BGFI Bank effectuée en juin 2018 n’est pas retracée dans la comptabilité de 3D. Les créances figurant dans le compte ‘’4495 État, subvention à recevoir’’ d’un montant de 16 103 905 903 F CFA cédés à BGFI n’ont pas été transférées dans un compte tiers BGFI. Le compte ‘’4495 État, subvention à recevoir’’ est crédité au fur et à mesure que la banque BGFI met les fonds à la disposition de 3D. Cette situation fait que le solde du compte ‘’4495 État, subvention à recevoir’’, qui enregistre la créance cédée, présente un solde de 5 782 609 265 F CFA au 31 décembre 2018.

Par ailleurs, il a été noté que les factures relatives à l’assurance des bus Tata (crédit-bail) des exercices 2019 et 2020 d’un montant global de 1 087 620 794 F CFA n’ont pas été enregistrées. Ce manquement minore ainsi les charges de la structure.

De plus, il a été relevé l’enregistrement, le 26 novembre 2020, d’un montant de 5 630 000 000 F CFA dans le compte ‘’71 subvention d’exploitation’’, alors que ce montant représente l’emprunt effectué par la société 3D auprès de la Banque islamique du Sénégal (Bis) sur une durée de 12 mois pour financer le Plan d’urgence de relance de 3D.

La cour a aussi relevé que la retenue de 5 % n’est pas appliquée sur les loyers dont le montant est supérieur à 150 000 F CFA payés à des personnes physiques contrevenant.

101 710 545 014 F CFA de dettes au 31 décembre 2020

L’endettement de 3D, très élevé, se situe à 101 710 545 014 F CFA au 31 décembre 2020. Cette situation constitue une réelle menace pour la survie de la société, d’après le rapport.

Les emprunts et dettes assimilées d’un montant de 24 371 714 916 F CFA sont composés de l’emprunt pour l’acquisition des bus Sunlong d’un montant de 6 308 463 616 F CFA, des dettes de crédit-bail pour l’acquisition des Ashok Leyland d’un montant de 12 433 251 300 F CFA, de l’emprunt auprès de la Bis d’un montant de 5 630 000 000 F CFA pour le financement du Plan d’urgence de relance de 3D (Pure).

Par ailleurs, le compte 3D ouvert dans les livres de la BNDE est déficitaire de 585 647 376 F CFA au 31 décembre 2020.

Pourtant, entre 2017 et 2018, la société 3D a recouvré un montant total de 14 941 882 104 F CFA au titre des cessions de terrains et de créances qui n’ont pas pu impacter la situation financière qui reste tendue.

Plusieurs chèques ont été émis au nom de personnes physiques en lieu et place des personnes morales concernées. Le rapport a aussi parlé de véhicules inadaptés pour le ramassage des fonds par les équipes du matin et du soir. Il y a aussi la gestion des bus des conventions qui n’est pas optimale, dans la mesure où les bus sont garés à la devanture des écoles et entreprises partenaires à longueur de journée en attendant la descente des élèves ou des employés, alors qu’ils auraient pu être injectés dans le réseau pour générer des recettes.

L’achat d’une V8 à 83 millions, les réponses de Me Diop et les primes injustifiées

Également, il a été relevé l’achat direct, le 23 décembre 2020, d’un véhicule de marque Toyota Land Cruiser V8 pour un montant de 83 000 000 F CFA sans procéder par appel d’offres.

Par ailleurs, cet achat ne respecte pas l’alinéa 2 de l’article 9 du décret n°2014-696 du 27 mai 2014 fixant la rémunération et les avantages des directeurs généraux ou directeurs et des administrateurs des entreprises du secteur parapublic et autres établissements publics.

Dans ses réponses, le directeur général affirme qu’il a acquis le véhicule dans le cadre du car plan comme son prédécesseur et, par conséquent, il n’était pas nécessaire de recourir à un appel d’offres. Plusieurs achats ont été effectués par la société sans procéder à une demande de cotation auprès de trois ou cinq fournisseurs. Sur cette question, Me Moussa Diop a confié que ‘’ces petites dépenses sont justifiées par des urgences’’. La cour considère que l’urgence ne saurait être invoquée pour se soustraire aux dispositions du Code des marchés publics.

La revue des pièces comptables a permis de déceler le paiement par espèces d’une prime exceptionnelle, le 8 août 2018, de 50 000 000 F CFA, aux membres du Comité de travail sur la convention de règlement des dettes croisées, qui a été récupérée en espèces par Me Diop.

Par ailleurs, une prime exceptionnelle d’un montant de 5 000 000 F CFA payée par chèque du 12 décembre 2019 de 2 500 000 F CFA et un autre du 19 février 2020 est accordée à M. Guy Alain Preira, ancien directeur financier et comptable pour le montage financier du car plan du personnel-cadre.

Il est également à noter que des primes exceptionnelles Covid-19, d’un montant de 17 850 000 F CFA et de transport des enseignants et des étudiants d’un montant de 13 145 000 F CFA ont été payées par espèces le 7 août 2020. Les montants perçus par les bénéficiaires varient de 600 000 à 50 000 F CFA.

Dans ses réponses, le DG sortant justifie le paiement de cette prime exceptionnelle de 50 millions aux membres du comité de travail sur la dette croisée par le ‘’succès inédit de leurs travaux qui, selon lui, a permis de contraindre l’État à accepter de payer à Dakar Dem Dikk sa créance de plus de 16 milliards’’. Sur le versement des montants de 4 millions et 2 millions contestés par les deux agents du ministère en charge des Finances, il affirme que le SG de 3D leur a payé leur prime sans pour autant apporter la preuve dudit paiement, notamment les décharges.

Concernant la prime compensatrice versée à M. Preira, il l’a motivée par le souci de lui permettre de réparer son véhicule, car il ne pouvait pas bénéficier du car plan, comme il devait partir à la retraite.

La cour rappelle que l’octroi de ces primes n’a pas fait l’objet d’une délibération du Conseil d’administration.

Un fonds d’appui du directeur général est institué et alimenté chaque mois par la société pour un montant d’un million de francs CFA accordé par une résolution du 9 février 2016.

Ainsi Me Diop,  a perçu la somme globale de 45 000 000 F CFA, de janvier 2017 à août 2020, d’après le rapport.

Cumul d’avantages incompatibles, indemnité de ruptures de contrat

Il a été relevé que neuf directeurs et 68 chefs de service bénéficient d’une dotation mensuelle de carburant accordée par le directeur général, soit 178 884 l par an évalués à 139 millions F CFA. Ces bénéficiaires cumulent leur dotation en carburant avec les indemnités kilométriques, ce qui constitue une irrégularité.

Il convient de noter également que Me Diop s’est attribué une indemnité kilométrique mensuelle de 300 000 F CFA par note de service.

Dans ses réponses, il a affirmé que c’est le CA qui a pris une résolution (3 juillet 2017) pour indemniser le DG qui a dû utiliser ses propres moyens pour ces déplacements durant la période.

Pour les primes de séance payées lors des réunions du CA. Pour chaque réunion, ils ont perçu la somme de 300 000 F CFA. Ainsi, la société 3D a décaissé la somme de 7 200 000 F CFA, entre octobre et décembre 2020.  

Par ailleurs,  concernant l’indemnité de rupture de contrat pour Me Diop, le PCA a  fixé le montant de 120 000 000 F CFA.

CHEIKH THIAM

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