Publié le 6 Dec 2013 - 12:05
DÉCÈS DE NELSON MANDELA ( 1918-2013)

 Mandéla, une vie en mouvement

 

La vie de Nelson Rolihlahla Mandela n'a pas été un long fleuve tranquille. Toujours en mouvement, jusqu'aux dernières années de son passage sur terre, ''Madiba'' est resté fidèle à son tempérament. Celui qui avait fait du combat sa vie (''Struggle is my life, aimait-il dire) luttait ces dernières années contre de nombreuses maladies liées à son âge et son long séjour carcéral de la prison de Robben island. Considéré par le monde entier comme le père spirituel de la ''Nation arc-en-ciel'', qui a vaincu, avec ses camarades de lutte, des démons de l'apartheid, Nelson Mandéla est auréolé de la même gloire que les grands hommes de l'histoire. A l'image de Gandhi ou de Martin Luther King. Il est résolument entré dans l'histoire. Sans doute pour l'éternité...

 

Né en 1918, dans un minuscule village de la province sud-africaine du Cap-oriental, Nelson Mandela n’était à l’origine en rien destiné à devenir l’icône mondiale de la lutte pour les Droits Humains que l’on connaît aujourd’hui. Celui qui fut élu 1er Président noir de la nation arc-en-ciel, est né d’un père chef traditionnel déchu et exilé de son village à la suite d’une dispute avec l’autorité coloniale locale.

Appartenant à l’ethnie Xhosa, Mandela reçoit de ses parents le prénom local de «Rolihlahla», pouvant littéralement se traduire comme «trouble-fête»… Ce n’est qu’après un baptême par l’église Méthodiste et son entrée à l’école qu’il deviendra «Nelson», dénomination beaucoup plus au goût de l’établissement scolaire qu’il fréquentait, alors sous le système éducatif britannique.

Quand Mandela atteint l’âge de 9 ans, son père décède d’une maladie pulmonaire, fait bouleversant dans la vie du jeune garçon puisqu’il se voit adopter par le chef Dalindyebo Jongintaba, régent de l’ethnie Thembu, un ami de la famille. Nelson Mandela déménage alors dans le Mqhekezweni, où les Jongintaba, sa famille adoptive, vivent une vie de palais.

L'expérience universitaire...

Mandela ne choisit pas pour autant de succomber à cette nouvelle vie facile. Deux ans après son entrée à l’Université de Fort Hare, en faculté de Sciences sociales, il est expulsé de l’établissement pour avoir par deux fois démissionné du Conseil représentatif des étudiants en protestation contre la qualité de la nourriture servie aux élèves noirs.

S’il quitte l’établissement sans diplôme, l’expérience ne sera pas infructueuse pour Mandela puisque c’est là qu’il aura un premier contact avec le Congrès National Africain (ANC) et rencontrera Oliver Tambo qui, en plus d’avoir en commun la même ethnie Xhosa, deviendra pour lui un ami et un collègue avec qui il restera toujours en contact.

Peu après son retour dans le fief de sa famille adoptive, Nelson Mandela apprend que son père adoptif a organisé pour lui et son propre fils aîné deux mariages arrangés, comme le veut la coutume. Mécontent, il se décide, de consort avec le jeune Justice Jongintaba, à s’enfuir pour Johannesburg.

A son arrivée, il survit grâce à un nombre impressionnant de petits boulots dont celui de garde dans une mine et d’employé dans un cabinet d’avocat. En même temps, il suit brièvement des cours par correspondance avant de s’inscrire à l’Université du Witwatersrand pour poursuivre des études de Droit.

Vie militante et arrestation

Le jeune Mandela répond très vite aux chants de sirène de la lutte anti-apartheid, devenant membre de la CNA dès 1942. Deux ans plus tard, il fonde avec Ashley Peter Mda, Walter Sisulu and Oliver Tambo son propre mouvement au sein dudit parti : la Ligue de jeunesse de l'ANC.

La même année, il épouse sa première femme, une infirmière originaire de la province du Transkei et activiste de l'ANC allant sous le nom d’Evelyn Nkoto Mase. Ce mariage durera de 1944 à 1958, période pendant laquelle elle lui donnera 4 enfants dont une petite fille qui décédera de la méningite à l’âge de 9 mois.

Si Mandela, de sa propre bouche, raconte avoir «apprécié la vie de famille» que lui a offerte Evelyn, son cœur était bel et bien ailleurs : pendant de longues années, il dirigera des actions pacifiques et non-violentes de désobéissance civile contre le gouvernement sud-africain prônant alors une politique de discrimination raciale.

En 1951, Olivier Tambo et lui sont les deux premiers avocats noirs de Johannesburg. Ils fondent alors leur propre cabinet d’avocat et s’activent à offrir conseil aux noirs qui n’avaient alors quasiment pas accès à des représentants légaux.

Le 5 décembre 1956, Mandela est arrêté pour la première fois au cours d’une action de résistance pacifiste, en même temps que 150 autres activistes de l’ANC. Ils seront tous accusés de trahison. Ce n’est qu’à l’issue d’un procès fleuve long de 4 ans qu’ils seront acquittés. A peine sorti de cette impasse, Nelson Mandela divorce d’Evelyn pour épouser, en 1958, Winnie Madikizela.

Sa seconde arrestation surviendra en 1962, un an après une grève nationale des travailleurs qu’il avait, de toutes pièces, orchestrée. Condamné à une peine de 5 ans, il sera rejugé en même temps que 10 autres leaders de l’ANC et condamné comme eux à la détention à perpétuité le 12 juin 1964, après avoir été reconnu coupable de sédition.

Il sera incarcéré à Robben Island, puis à Pollsmoor et enfin à la maison d’arrêt Victor Verster, pour une totalité de 27 ans de prison au cours desquels il contractera la tuberculose, sera soumis aux travaux forcés, échappera à une tentative d’assassinat et plusieurs autres de compromission politique.

À quelque chose malheur est bon, néanmoins, puisque Mandela trouve l’occasion de s’inscrire par correspondance à un programme de l'université de Londres qui lui permettra d’obtenir le diplôme du «Bachelor of Laws». Il est même présélectionné pour le titre de chancelier de cette université, mais refuse l’offre en faveur de la princesse Anne du Royaume-Uni.

Pendant tout ce temps, sa détermination en une nécessité de réconciliation nationale entre noirs et Afrikaners, de même que son aura international, ne cesse de se renforcer. Les pressions locales et internationales pour sa libération se font, elles aussi, plus pressantes sur le gouvernement sud-africain.

Le 11 février 1990, le Président Frederik Willem de Klerk annonce enfin la libération de Mandela, de même que la réhabilitation de l’ANC jusqu’alors forcé dans l’illégalité.

Ascension et pouvoir suprême

À peine sorti de prison, Nelson Mandela urge la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement sud-africain pour que ce dernier conduise une réforme constitutionnelle.

Élu Président de l’ANC en 1991, il négocie avec le Président de Klerck en vue de la tenue des premières élections multiraciales de l’histoire de l’Afrique du Sud, qu’il remporte haut la main en 1994, devenant le premier chef d’État de couleur du pays… Un an avant, il recevait déjà, en même temps que ce dernier, le prix Nobel de la Paix pour leur travail commun envers le démantèlement de l’Apartheid.

Devenu président à 77 ans, il publie la même année son autobiographie intitulé «A long Walk to Freedom*», livre presque entièrement rédigé en secret alors que Mandela était encore en prison. Il reçoit l’Ordre du Mérite en 1995.

Pendant les 5 ans que durera son seul et unique mandat à la tête de la nation arc-en-ciel, Mandela s’investit corps et âme dans la réconciliation nationale et la reconstruction économique du pays. Il est l’artisan principal d’une nouvelle constitution pour l'Afrique du Sud en 1996, cette dernière établissant le règne de la majorité tout en garantissant le droit des minorités. L’un de ses accomplissements est, notamment, une loi de discrimination positive destinée à favoriser l'intégration économique des Noirs.

En 1996, il divorce d'avec Winnie Madikizela pour épouser sa troisième et dernière épouse en date deux années plus tard, Mme Graça Machel-Mandela.

S’il a beaucoup été critiqué pour l'absence d'efficacité de la politique de son gouvernement dans la lutte contre le sida (des suites duquel son propre fils, Makgatho, est mort en 2005), Nelson Mandela est pareillement acclamé pour le rayonnement de sa politique internationale qui a beaucoup apporté à la reconnaissance internationale de la jeune République Sud-africaine, de même qu’à son prestige.

Retraite politique et récentes activités

À l’échéance électorale de 1999, Nelson Mandela s’était déjà retiré de la vie politique active, ce qui ne l’a pas empêché de rester très occupé.

Non content de lever des fonds pour la construction d’écoles et d’hôpitaux dans les parties les plus reculées du pays, il a écrit plusieurs livres, a servi de médiateur lors de la guerre civile au Burundi et a dirigé «The Elders» (NDLR : les anciens ou sages), un groupe de dirigeants consacré à travailler à tous les niveaux pour trouver des solutions aux problèmes mondiaux.

Depuis 2004, Nelson Mandela s’est officiellement retiré de la vie publique après des années passées à lutter contre un cancer de la prostate diagnostiqué à l’âge de 82 ans.

Sa dernière apparition publique date de la Coupe du Monde sud-africaine de 2010. Ensuite, il passe l’exclusivité de son temps dans son village natal de Qunu, bien qu’en 2011, il ait consenti un voyage à Johannesburg pour rencontrer le Président Barack Obama et la 1ère dame des USA, alors en déplacement officiel sur le continent.

Ces derniers mois, l’état de santé de celui qu’on appelle affectueusement «Madiba» a été source d’inquiétude à l’échelle internationale. En 2011, il souffrait d’une 1ère infection pulmonaire. L’année d’après, il était brièvement hospitalisé pour une chirurgie de l’estomac, avant de retourner sur Qunu.

En décembre 2012, on le ré-hospitalisait pour une batterie de tests et un traitement contre une forme récurrente d’infection pulmonaire, qui lui vaudra un nouveau séjour à l’hôpital en mars 2013. Plusieurs fois annoncé pour mort, c'est seulement hier, jeudi 5 décembre, qu'il a rendu l'âme, pour s'installer sur le même  piédestal qu'un Gandhi, Mao Tsé Toung ou... Martin Luther King. Pour l'éternité !

 

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