Publié le 17 Jul 2017 - 13:29
DÉCÈS DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CMU

Cheikh Mbengue enlève la couverture

 

Le directeur général de l’Agence de la couverture maladie universelle est décédé samedi, suite à une courte maladie. Peint comme un homme généreux, courageux, courtois, humble et très pertinent, Cheikh Mbengue repose désormais à Tivaouane sans sa Cmu. Il a été élevé hier au rang de chevalier de l’Ordre National du Lion par le Président Macky Sall.

 

Il est parti sur la pointe des pieds. Sans bruit ni tambour, le directeur de l’agence de la couverture maladie universelle, Cheikh Seydi Ababacar Mbengue a rejoint l’au-delà samedi à la suite d’une courte maladie. Très engagé à offrir à tout Sénégalais la chance de se soigner, il n’atteindra pas son objectif. C’est-à-dire le taux de 75% de couverture en fin 2017. Cet homme d’une courtoisie indiscutable a été peint, hier, lors de la levée du corps, comme une nature excellente.  Ce que confirme le Président Macky Sall, présent. ‘’Cheikh Seydi Ababacar Mbengue, ici couché, a toujours compris que la mort est une fatalité, tandis que la vie relève du choix. L’homme a choisi l’engagement, depuis sa tendre enfance. Je l’ai connu dans le mouvement étudiant. C’était dans les années 80 qui ont vu l’affirmation d’une jeune génération active et debout pour les combats démocratiques. Il faisait partie des éminents dirigeants des mouvements étudiants, résolus et courageux, qui sculptaient l’avenir du Sénégal avec espoir et enthousiasme’’, a-t-il témoigné. 

Selon le chef de l’Etat, le Dg de la Cmu a vécu sans interruption ce militantisme jusqu’à ce samedi  fatidique de son rappel à Dieu. Il n’était pas, dit-il, juste un militant politique et un intellectuel confirmé. ‘’Il vivait la passion positive pour la santé de ses compatriotes. Je ne  lui ai rien expliqué, lorsque convaincu que tous les Sénégalais ont droit à la santé et ai décidé de hisser le service public de la Cmu en agence’’.  ‘’Il avait une expérience  déjà confirmée de cette stratégie d’accès de tous à la santé. Il se mobilisa avec enthousiasme et détermination pour la nouvelle approche de la couverture maladie dans notre pays. Il sillonna les 45 départements du Sénégal. Il palabrait avec les plus démunis, rencontrait les chefs religieux, les élus, pour les entrainer dans la prise en charge de la maladie. Il a su expliquer, sensibiliser, convaincre autour de cette réforme majeure de notre système de santé’’, a magnifié le chef de l’Etat. Avant de rappeler qu’il n’y avait que 20 à 24% de Sénégalais à bénéficier d’une couverture maladie ; avec la Cmu, nous sommes plus de 50%. 

Il s’est engagé, a dit le Président Macky, ‘’avec beaucoup de générosité, humainement, intellectuellement et techniquement, offrant l’exemple d’un leadership incontesté pour atteindre l’objectif que j’ai fixé à l’agence de la couverture maladie. Sa générosité est un acte de courage. Khalifa était courageux pour avoir donné ce qu’il a de plus précieux à son proche, à ses concitoyens. Je veux dire le cœur et la sensibilité. Il part relativement jeune, mais sa vie a été bien remplie’’, a-t-il fait savoir. Cadre à la fois politique et technique, aguerri et accompli, ferme sur les principes, mais ouvert, partisan mais flexible, Khalifa incarna le type de militant dont l’exemple doit inspirer toutes les générations de femmes et d’hommes politiques, a soutenu le chef de l’Etat. C’est pour toutes ces raisons, a-t-il dit, que l’hommage que nous lui rendons, ce matin, est amplement mérité. ‘’C’est pourquoi j’ai décidé également de l’élever au rang de chevalier de l’Ordre National du Lion’’.

Cheikh Mbengue repose désormais à la ville sainte de Tivaouane auprès de son papa qu’il a perdu à l’âge de 16 ans. Il laisse derrière lui une agence vide, une famille éplorée, une santé qui cherche sa couverture. Les dernières statistiques ne seront pas livrées par leur producteur. A la date d’hier, il a mis en place 671 mutuelles de santé,  7 277 550 cas d’enfants ont été pris en charge par la Cmu, et 577 223 personnes âgées ont bénéficié du plan Sésame.

TEMOIGNAGES

ABDOUL NIANG, REPRESENTANT DE L’AMICAL DES ENFANTS DE TROUPE

‘’C’est un modèle pour les jeunes générations’’

‘’C’est en allant au Prytanée militaire Charles Ntchoréré de Saint-Louis que nous nous sommes  connu. Quand nous sommes arrivés à l’école, nous avons troqué nos tenues civiles à des tenues militaires. Nous nous sommes mis dans les chambres pour se barricader des anciens, surtout de ceux de 5eme qui attendaient une année pour visiter. Nous avons barricadé les chambres avec des baldaquins des lits  et nous étions en train de discuter entre nous. Chacun parlait des derniers instants avec sa famille avant de rejoindre l’école et de sa fierté d’avoir réussi au concours. Les gens y venaient à peu près à l’âge de 12 ans, mais lui avait 10 ans. C’est comme ça que nous l’avons baptisé gros bébé. En réalité, pour nous, il était un gros bébé. Il était le gros bébé, mais, n’était pas derrière la classe. C’était un battant, il était également très généreux, altruiste même et humaniste. Pétri dans le moule de formation académique du Prytanée militaire, il a, en preux chevalier du temps moderne, porté la devise de l’école qui est savoir pour mieux servir les autres. Parce que si le savoir sert à l’action, sa vie a été essentiellement l’action. Il a été un acteur du développement et c’est ce qui nous comble de fierté. C’est un modèle pour les jeunes générations, et pour la nation, parce qu’il aura été au service. Son savoir, il l’a mis à la disposition de la planète. Que Dieu le Miséricordieux l’accueille dans son paradis’’.

Abdoulaye Makhtar Diop, Grand Serigne de Dakar

‘’Les valeurs qu’il portait sont la résultante d’une éducation assise sur les fondamentaux de l’islam. Sa générosité, son urbanité, sa détermination, son engagement pour la cause juste sont le reflet d’une éducation que nous avons partagée. Dans cette assistance si nombreuse, je vous prie de distinguer les hommes et femmes de son village d’origine Ouakam d’où viennent ses ancêtres. Tous les villages lébous de la région de Dakar et de Thiès sont ici présents. Nous prions pour que Dieu l’accueille dans son paradis’’.

COLONEL IBRAHIMA SECK, DIRCAB DU MINISTERE DE LA SANTE ET DE L’ACTION SOCIALE

‘’Compètent, rigoureux et infatigable’’

‘’Tous les agents du ministère et particulièrement ceux de l’agence de la Cmu sont consternés, depuis la disparition de de Cheikh Seydi Aboubacar Mbeingue qui était un ami, un frère, un collègue et un grand pionnier de la cellule. En effet, sous la tutelle du ministre, il a su porter le programme de la Cmu avec beaucoup d’enthousiasme et d’engagement pour atteindre les résultats déjà très probants et encourageants.  C’est avec Cheikh Mbengue que la Cmu s’est étendue à toutes les communes et il ambitionnait de ne laisser aucun Sénégalais en rade.

L’ancien enfant de troupe, très affable, a su montrer, durant toute sa vie, son engagement au service des concitoyens et de son pays. A l’université où il fit de brillantes études de socio-anthropologie, il faisait déjà preuve de son militantisme au service du social. Il fut le premier coordonnateur du Centre de formation en santé de la reproduction, institut national basé à l’hôpital Aristide Le Dantec. Il regagna Ap Associate, une Ong américaine basée à Dakar, d’où il fut nommé, l’année suivante, directeur du programme décentralisation et santé financé par l’Usaid et basé au Benin. Les excellents résultats lui valurent d’être promu et envoyé au siège de Ap Associat à Washington. Des Etats-Unis, plein pionnier de la Cmu, il était la préférence pour aller appuyer les pays africains comme le Rwanda et le Ghana, dans la voie de la mutualité. C’est par la suite qu’il fut mis à la disposition de son pays pour diriger, en 2015 l’agence de la Cmu. Nous retenons de lui un bon cadre, compètent, rigoureux et infatigable.

Moustapha Niasse secrétaire général de l’Afp

‘’Cheikh était loyal’’

‘’Cet homme était bon. Cet homme était généreux par l’éducation que sa famille lui a donnée, par le sang qui coulait dans ses veines. Le sang d’un musulman total et accompli. Cheikh était loyal. Jamais je n’ai entendu Cheikh dire quelque chose qui ressemblait à quoi que ce soit, qui ne soit conforme à la vérité. Mon fils ainé, qui est ici, est né trois ans après lui, donc Cheikh pouvait être mon fils et il l’a été. C’est hier à 16 heures que mon ami Moustapha Diakhaté m’a appelé en pleurant.

J’étais à la frontière avec la Gambie ; je lui ai Moustapha : qu’est-ce qui se passe ? Il m’a répondu que Cheikh est parti. Nous avons tout suspendu. J’ai quitté la frontière à 6 heures du matin. Je rends grâce à Dieu qui m’a donné ainsi que mes collaborateurs la chance d’être là, aujourd’hui. Je vous jure que, même si l’enterrement était prévu pour hier (samedi) à 22 heures, j’allais faire tout mon possible pour assister sa famille ici, sa maman, ses frères et sa sœur. Merci Cheikh. Que l’Eternel ait pitié de toi. Que Dieu te rétribue ta foi et tes bienfaits, surtout ta loyauté qui était énorme’’ 

VIVIANE DIATTA

 

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