Publié le 15 Feb 2012 - 15:52
DAKAR A L’HEURE DU SACRIFICE HUMAIN

Pourquoi les féticheurs deviennent des ''bouchers'' ...

 

Les morts atroces se comptent à un rythme inquiétant à Dakar à une semaine de la présidentielle. Après le corps sans vie d’un enfant de 7 ans retrouvé décapité au cimetière de Soumbédioune, puis celui d’un mendiant égorgé à Matam, voilà qu’un jeune homme de 30 ans a été retrouvé poignardé hier dans la banlieue dakaroise à Yoff Tonghor. Tout cela en moins de quinze jours. Des meurtres crapuleux qui font penser au sacrifice humain. Cette pratique païenne courante, depuis l’aube des temps, dans bon nombre de sociétés humaines, étale d’habitude sa force de frappe, en Afrique, en période de luttes âpres pour la conquête du pouvoir ou en cas de conflits. Considéré comme un ascenseur qui permet de gravir rapidement des échelons mais également comme une arme efficace pour lever des barrières, le sacrifice flanque, pour autant, la trouille aux Sénégalais quand il a comme bouc-émissaire l’être humain.

 

Les parents des victimes continuent de réclamer justice au moment ou les autorités ont préféré se retrancher dans un silence assourdissant. Si elles tardent à lever les zones d’ombre sur ces meurtres, c’est parce que souligne, Hamady Sam, un des parents de Fama Niane, ''nous sommes devenus un troupeau bien gardé dans un enclos dont les propriétaires (les politiciens) en sacrifient un à chaque année électorale.''

 

 

On ne prélève pas n’importe quelle partie du corps
 

Les Sénégalais écarquillent les yeux à la prononciation de cette pratique qui s’apparente à la sorcellerie voire à l’anthropophagie, laquelle est bannie par les religions révélées. Mais en raison d’un passé animiste, des populations africaines s’accrochent encore à ce legs ancestral. Et dire que le sacrifice rituel obéit à des normes, vu qu’il est codifié, selon l’écrivaine camerounaise, Léonara Miano, auteur de l’ouvrage ''L’intérieur des nuits''. A l’en croire, ''on ne prélève pas n’importe quelle partie du corps ni n’importe comment''. En Afrique du Sud, ce genre de sacrifices permet à des commerçants de fructifier leurs affaires. Il leur suffit juste de ''prélever l’estomac et de l’enterrer sous leur commerce. Au Cameroun, des romantiques font des philtres d’amour avec le cœur'', selon la romancière.
 

Des révélations qui font froid au dos se font à la pelle sur la toile où sont mentionnées ''les vertus de la chair humaine''. Pour guérir, par exemple, de maladies dites incurables, rien de tel, dans des pays de la sous-région que ''des médicaments à base de cadavres''. De même que pour attribuer plus de pouvoirs à leurs clients, les féticheurs jettent souvent leur dévolu sur le sacrifice d’enfants, réputés plus purs que les adultes. Et c’est parce que, soulignent les connaisseurs, ''les parties du corps humain sont dotées de bienfaits : les parties génitales auraient le pouvoir d’accroître la virilité ou la fertilité ; les yeux d’un enfant donneraient une vue perçante ; la graisse de l’estomac garantirait de bonnes récoltes…''. Par ailleurs, lit-on toujours dans l’article : ''Le traitement aurait davantage d’effet, lorsque les prélèvements sont effectués sur des victimes vivantes, leurs cris éveillant les puissances surnaturelles.''
 

En effet, à la veille des élections locales, les Sénégalais avaient constaté avec stupeur des meurtres incompréhensibles qui ne relèvent pas de l’ordinaire. Au mois de septembre 2009, la découverte d’un corps d’enfant découpé en plusieurs morceaux à la Patte d’Oie avait défrayé la chronique. Sur cette liste macabre s’est ajouté le corps d’une femme de 50 ans également découpé dans la banlieue dakaroise, le 28 août de la même année, avec des intestins séparés des os, de la chair et de la langue. Et au mois de mars cette même année-là, la dame Fama Niane était passée sous le couteau des féticheurs qui découperont son corps en 13 morceaux. 

 

MATEL BOCOUM

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