Publié le 26 Jan 2016 - 00:49

De l’immédiat et du différé !

 

L’humanité n’est pas de ce monde et sans doute, jamais n’y sera. Car les prophètes de Dieu, eux-mêmes, n’en ont pas bénéficié. Rien de plus normal alors que le débat qui nous occupe par les temps qui courent, à propos du mandat présidentiel et du référendum annoncé, soit toujours aussi âpre et j’ajouterai confus.

Il a été dit à ce propos, qu’on y dirait et surtout entendrait n’importe quoi et tout et son contraire. C’est le cas je crois. Cependant, un certain silence ne manque pas de m’abasourdir, si je puis dire, tant il m’interpelle et m’inquiète à la fois. Il s’agit bien sûr de celui de nos autorités religieuses.

L’on va m’objecter qu’il s’agit là d’une affaire du ‘’siècle’’, c’est-à-dire purement temporelle, politique et dans laquelle donc le spirituel, que lesdites autorités représentent, ne doit pas intervenir aussi bien par tradition que du fait de la loi. Je veux souscrire à ça mais pour une petite part seulement. Car, ce ne serait pas, loin de là, la première fois que le spirituel et le temporel se trouvent, dans ce pays, mêlés et confondus. Car c’est bien ici, n’est-ce pas, que le ‘’ndigël’’ est plus couru par les hommes politiques que les bals populaires par les jeunes besogneux. Et c’est le cas à chaque élection ! Je me souviens très bien, par exemple, combien et avec quelle fébrilité et constance, nos chefs religieux avaient été courtisés par le gouvernement général, et même des ministres du Général de Gaulle, pour qu’ils appellent à faire voter ‘’Oui’’ au référendum sur la constitution de la  Vème république française. C’était il y a longtemps, en 1958 très exactement et ça n’a pas changé depuis. Pas beaucoup, en tout cas, sinon alors dans le sens contraire.

La France, grand chantre de la laïcité hier et aujourd’hui, n’hésitait donc jamais, sinon à se compromettre, du moins à composer. C’était la ‘’ laïcité’’ telle qu’on la comprend ici. De tout temps, elle a été, comme on dit, ‘’bonne fille’’ : On s’en arrangeait et c’était très bien ainsi. Politique et religion se côtoient et cheminent, se parlent et avancent chacun de son côté mais sur la même route et, si cela est possible, du même pas !

Or là, dans cette affaire, c’est silence radio, du moins jusqu’ici. A moins que la manière dont le débat a été posé n’ait quelque peu obscurci la vision qu’en ont, ou qu’en ont eue nos autorités religieuses. Il ne se résume pas en effet, ce débat, en une controverse entre politiciens professionnels ou spécialistes du droit, constitutionnalistes réputés ou autres. Il va bien au-delà de ça, très loin au-delà même. Car la question qu’il pose est en fait bien simple : est-on seulement encore croyant dans ce pays ? Croit-on, vraiment, en Dieu et, partant, Le craint-on réellement ?

Pas beaucoup, apparemment, encore que je puisse être mal placé pour parler de ces choses. Mais enfin ! Voici un homme, le Président Macky Sall, qui a publiquement promis un jour de faire telle chose et qui, plus tard, un autre jour, a non seulement promis mais juré, craché devant Dieu et les magistrats suprêmes une toute autre chose et l’on voudrait, à toute force et sous peine de lynchage en quelque sorte, qu’il n’honore que le premier de ces engagements. Ce n’est pas ce qu’il a juré qui compte, c’est ce qu’il a promis de faire qui compte. Et à quel titre me demandez-vous ? Que celui-ci aurait été souscrit, proféré le premier ? Peut-être…

Mais à la vérité, la vraie vérité du Bon Dieu, justement, c’est que les gens pensent que leurs petites personnes sont plus importantes et essentielles que Dieu Lui-Même. Car Celui-ci est trop loin. Il n’est pas là et on ne Le voit pas parce qu’on ne peut pas Le voir alors qu’eux-mêmes sont là bien présents et, quelquefois, bien malfaisants ! Dieu est loin et eux sont proches. Ainsi, si Dieu sévit et punit, ce n’est jamais qu’en ‘’différé’’, si je puis dire. On a tout le temps, croient-ils, de mourir avant que d’aller rôtir dans les flammes de l’enfer !

Alors, qu’en ce qui les concerne, c’est en "live" ici-bas, tout  de suite, dans l’immédiat qu’ils peuvent vous faire payer si d’aventure on leur avait manqué ! Ensuite, il y a que si Dieu est Miséricordieux, par excellence, et peut pardonner tout et à tous, eux ne pardonnent rien et, surtout, à personne !

Le Président a juré, "oui mais il avait promis", reprennent en chœur tous les mauvais perdants, c’est à – dire ceux qu’il avait battus au deuxième tour et aussi une partie de ceux qui, "nolens-volens, l’y avaient aidé. Comme quoi, il vaudrait mieux craindre les gens que le Bon Dieu Lui-Même. C’est assez triste non ? Surtout dans ce pays qui s’est toujours flatté de sa piété et de sa très grande foi.  Et la transcendance dans tout cela ? Nous avons du mal vraiment à croire et à admettre que puisse exister, au-dessus de nous et en dehors de nous, quelque chose qui nous soit, par essence, supérieur ! Quelle est la valeur d’un serment et en a-t-il une d’ailleurs ? Si oui, laquelle ? Sinon à quoi bon le prêter et, qui plus est, devant Dieu ? Serait–ce donc "rien du tout" ?  Ce sont là, assurément de graves questions et qui nous disent, l’air de rien, beaucoup sur nous-mêmes, sur qui nous sommes vraiment.

On ne veut rien savoir : rien ne doit nous dépasser que nos propres envies, nos propres désirs et les moyens, n’importe lesquels, que nous  donnons pour les assouvir. Il  serait salutaire que nous puissions, un jour, nous convaincre vraiment que le sacré existe et qu’il nous commande et nous contraint tous. Il est urgent que nous acceptions un jour de nous regarder nous-mêmes en face et d’accepter aussi l’image que notre miroir aura osé (l’imprudent !) nous renvoyer. Ce ne sera pas très joli, je le crains…. 

Par Abdou Salam Kane

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