Publié le 27 Jul 2020 - 21:03
DECES DE BABACAR TOURE, PDG SUD COMMUNICATION

La presse perd un pilier

 

A l’unanimité, les professionnels des médias ont rendu un vibrant hommage au pionner de la presse privée sénégalaise, Babacar Touré, issu de la 7e promotion du Cesti avec Monsieur Mamadou Koumé.

 

Terrible ! La mort a encore frappé. Douloureusement. Un des piliers de la presse privée sénégalaise s’en est allé, hier. Le 1er juillet dernier, c’était l’anniversaire de ses 69 ans. Alors que sa famille prévoyait de la fêter comme elle se doit, lui avait une autre idée en tête. Parcourir plusieurs kilomètres pour aller présenter ses condoléances à son camarade de la 7ème promotion du Centre d’étude des sciences et techniques de l’information (Cesti), Dr Mamadou Koumé, ancien président de l’Association nationale de la presse sportive. L’homme n’en revient pas. ‘’Je suis ravagé. On se connait depuis 1976. Nous avons cheminé pendant 44 ans. C’est une grosse perte pour le Sénégal. Je retiens de lui trois principales qualités : c’est un homme qui est courageux ; c’est un homme sincère ; c’est un homme généreux’’, témoigne Monsieur Koumé, la voix étreinte par l’émotion.

Dans le domaine de la presse privée au Sénégal, Mbaye comme l’appelle affectueusement son ami, est le pionnier. Ce qui témoigne à suffisance de son courage immense. ‘’Pour être premier, il faut être courageux. Quand il lançait Sud avec les Abdoulaye Ndiaga Sylla, il fallait beaucoup de courage pour relever ce défi. C’était un éclaireur, un visionnaire. C’est un exemple pour tous les journalistes, surtout pour la jeune génération. C’est une très douloureuse nouvelle’’.

Entre Babacar Touré et le Groupe Sud, c’est toute une histoire. Compagnon des premières heures, le doyen Ibrahima Bakhoum raconte comment le Groupe a été porté sur les fonts baptismaux. A l’époque, Babacar était à Enda, Bakhoum à l’Agence de presse sénégalaise, Abdoulaye Ndiaga Sylla, Ibrahima Fall et Sidy Gaye au quotidien national Le Soleil. En homme de défi et de passion, l’ancien président les convoqua et leur dit : ‘’Pourquoi on ne mettrait pas en forme ce qu’on a appris à l’école ? C’est comme ça qu’on a lancé Sud magazine qui était un trimestriel de bonne qualité. Nous utilisions nos samedis pour faire le journal. Par la suite, nous avons été rejoints par d’autres pour poursuivre l’aventure’’.

Petit à petit, Babacar et ses amis montent en puissance. Après Sud magazine, les cinq amis mettent en place Sud hebdo, avant la naissance de sud au quotidien, la veille de l’élection de 1993. Un nom qui témoigne avec éloquence du panafricanisme de Babacar, de son engagement sans faille dans la lutte des peuples pour la libération. Ibrahima Bakhoum : ‘’C’est quelqu’un qui croyait à la lutte des peuples pour la libération, la construction de la démocratie…. Le nom sud est d’ailleurs venu de cette idée d’hémisphère sud. Les peuples du sud qui se battaient pour l’indépendance pour les uns, la libération pour les autres, la démocratisation pour certains… C’était les projets et ça se reflétait dans le contenu. Je me rappelle quand on parlait de ligne éditoriale, il disait : ‘nous n’avons pas une ligne éditoriale, mais une politique éditoriale. Un journal démocratiquement ouvert à tout le monde’. Voilà ça Babacar, c’est une très grosse perte’’.

Une œuvre sociale ambulante

Sur les ondes de la Radio futurs médias, Diatou Cissé Badiane a du mal à finir son témoignage. Entre deux sanglots, elle réussit tout de même à exprimer le bien qu’elle sait de celui qu’elle considère comme une œuvre sociale ambulante. ‘’Ce que je peux dire, c’est que Babacar est un homme bon, un homme extraordinaire. Comme l’appelait le doyen Ibrahima Bakhoum, c’est une Œuvre sociale ambulante. La dernière fois qu’on s’est parlé, je lui promettais de passer chez lui en vsd. Je ne savais pas que c’était nos adieux. Après Kader, c’est ainsi un pilier, au moins en Afrique de l’ouest qui part’’, soutient l’ancienne secrétaire général du Syndicat professionnels de l’information et de la communication.

Mais Babacar Touré, ce n’était pas seulement le patron de presse, le combattant de la liberté, c’était en même temps le professionnel accompli. Sorti de la 7e promotion du Cesti, il a marqué l’histoire du journalisme sénégalais et africain pour sa riche trajectoire. Pour Abdoulaye Cissé, ancien journaliste à Sud FM, c’est un ‘’mythe’’ qui s’en est allé. ‘’Même pour nous qui travaillions avec lui, il a toujours été un mythe. Sur le plan professionnel, loumou mossa dokhal rek, lolou mooy deugue. Il arrivait que l’on ne soit pas d’accord avec lui, mais l’histoire finit toujours par lui donner raison. A en croire Mamoudou Ibra Kane, il ne faudrait même pas dire d’un journaliste, ‘’Babacar Touré tout simplement est le journaliste’’.

DECES DU DOYEN BABACAR TOURE

Sud Communication perd son socle

Né en 1951 à Fatick, Babacar Touré était l’un des membres fondateurs du Groupe Sud Communication. Ce grand professionnel de la presse sénégalaise faisait partie de ceux qui ont révolutionné l’espace médiatique. Ainsi, avec son décès survenu hier, à peine quelques jours après le rappel à Dieu du doyen Kader Diop, c’est un monument qui s’effondre. Il a été de tous les combats des journalistes.

Il fait partie des membres fondateurs de l’Union nationale des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Unpics) devenue le Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics). Il fait également partie de ceux qui ont apporté un nouveau souffle au traitement journalistique, avec la création de ‘’Sud Hebdo’’ en 1986, avec d’anciens collègues du quotidien national ‘’Le Soleil’’ dont Abdoulaye Ndiaga Sylla, Ibrahima Fall et Sidy Gaye. L’hebdomadaire devint ‘’Sud Quotidien’’ en 1993. Une année plus tard, naquit la première radio privée du Sénégal, Sud FM et Babacar Touré prit la tête du Groupe Sud Communication.

Diplômé en sociologie et sciences politiques (Master Degree), en journalisme et communication et titulaire d'un Certificat de maîtrise d'anglais, BT, comme l’appelait ses proches, est de la promotion 1976 du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti). Il va au ‘’Soleil’’ avant d’aller poursuivre ses études à l'Institut français de presse, au Centre de perfectionnement des communicateurs africains de l'UQAM, au Michigan State University et au Kansas State University. De retour au Sénégal, il a travaillé à l'ONG Enda/Tiers-monde.

Par ailleurs, il a été membre du Conseil économique et social (CES) du Sénégal, membre du Bureau de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), membre de la Société de sociologie du Midwest (Midwest Sociological Society, Des Moines, Iowa), membre du National Democratic Institute for International Affairs (NDI-USA), membre de l’Institut Panos, membre du Collège des conseillers africains de la Banque mondiale. Il a également été président du Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) en remplacement de Nancy Ngom Ndiaye, en novembre 2012.


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MAMADOU KOUME (JOURNALISTE)

‘’Un seigneur s’en est allé’’

‘’C’est une douloureuse nouvelle. Une grande perte. Qu’Allah SWT accueille Mbaye au paradis. C’était un promotionnaire (7e). C’est au Cesti que nous nous sommes connus en 1976 et restés des amis. Le 1er juillet, il a quitté Ngaparou pour venir à Louga me présenter les condoléances, suite au décès de ma mère. J’étais surpris par son déplacement, car la veille, je lui avais demandé de ne pas se déplacer. Mais Babacar, qui est né le 1er juillet, n’avait pas voulu fêter son anniversaire ce jour avec sa famille, mais avait préféré faire un long trajet pour être à mes côtés à Louga. Ces condoléances étaient donc notre adieu...

Mbaye, comme je l’appelais, était un homme courageux, sincère et généreux. Un seigneur s’en est allé.  Que Firdawsi soit sa demeure éternelle.’’

JEAN MEISSA DIOP

‘’Dors, doyen, dors sous la garde de Dieu’’

‘’Oh, doyen Babacar Touré, cher président, pourquoi donc ? Pourquoi ? Je m'arrête là, pour ne pas blasphémer. Votre mort sera un mystère et une volonté divine pour nous croyants en Dieu. Votre disparition si subite est énorme, dévastatrice... Cette affection qu'il avait pour moi et qu'il reconnut un jour au CNRA... Son souci de toujours pour ma santé, son très généreux appui... Je ne sais quoi dire, les mots ne viennent pas... Quant aux larmes... elles sont intarissables... Dors, doyen, dors sous la garde de Dieu. Vous êtes un de ces Justes auxquels Dieu promet le repos. Vous avez mérité la bienveillance du Tout-Puissant. Amen.’’

GUY MARIUS SAGNA

Repose en paix, camarade !

‘’Il avait tenu à me parler à ma sortie de prison. On devait se voir. Je faisais attention avec mes doyens, car je pouvais être un vecteur du coronavirus. On ne se verra donc jamais. Oh mon Dieu. Le 9 avril dernier, il avait commenté mon statut WhatsApp avec ces mots : ‘4 avril, poisson d'avril. Poison d'avril... Bon week-end.’ Le 6 juillet dernier, il m'envoya sa chronique intitulée ‘Maréchal nous voilà’, avec ce commentaire : ‘Bonjour, une piqûre de rappel des ravages de la colonisation sur certains, à une certaine époque qui se prolonge.’ Reposez en paix cher Babacar Touré. Soyez assuré que la lutte va continuer. Toutes mes condoléances à ses familles. Famille biologique, famille de la presse en général, famille du Groupe Sud.’’

ABDOUL MBAYE

‘’Il y a toujours eu en lui ce souci de l’intérêt général’’

‘’J'apprends avec peine le décès de Babacar Touré. Je l’ai tôt connu, défenseur des intérêts d’une coopérative d’habitat que la banque que je dirigeais, finançait. Il y a toujours eu en lui ce souci de l’intérêt général et sa contribution à l’éclosion d’une presse libre au Sénégal est incommensurable. Je présente mes condoléances à sa famille de Sud FM et à l'ensemble de la presse ainsi que sa famille.’’

MOR AMAR

 

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