Publié le 12 Mar 2019 - 21:31
DECOUVERTE - INITIATIVES LOCALES EN CASAMANCE

Djinaky, sanctuaire rebelle, à l’épreuve de la prise en charge sanitaire

 

C’est en réponse au déficit profond de prise en charge des soins de santé dans la commune de Djinaky, notamment la ‘’Zone des palmiers’’ qui a longtemps été sous le joug des indépendantistes, qu’a été mis en place un réseau des acteurs de la santé. Focus sur un outil de mobilisation sociale.

 

Située dans la commune de Djinaky, la ‘’Zone des palmiers’’ a longtemps été un no mans land, du fait de la présence de nombreux sanctuaires rebelles. Estampillée ‘’Zone rouge’’, cette partie du département de Bignona aux pistes sinueuses menant à une mosaïque de 12 villages perdus dans la forêt, porte encore les stigmates de la crise en Casamance.  Les populations de ce labyrinthe continuent de sombrer, silencieusement, dans la souffrance, alors que la contrée regorge de potentialités naturelles évidentes.

Là-bas, ‘’Atika’’, la branche armée du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) montaient ses propres check-points. Une quasi-autonomie encouragée par l’absence de l’Etat.  Seule l’action humanitaire constituait l’unique espoir de survie pour ces populations qui avaient fini d’épouser l’idéologie irrédentiste. Mais, à la faveur de la longue accalmie en cours en Casamance, ces dernières, qui ont longtemps été abandonnées à leur propre sort, semblent sortir de la torpeur profonde dans laquelle elles étaient plongées, consumées qu’elles ont été par tant d’années de conflit fratricide. 

‘’Les combattants du Mfdc ont pris l’engagement de maintenir l’accalmie’’

‘’Les combattants du Mfdc que nous avons rencontrés ont pris l’engagement de tout faire pour que l’accalmie que nous connaissons en Casamance soit maintenue. Les combattants de la ‘’Zone des palmiers’’, qui ont toujours refusé d’accueillir des projets de l’Etat dans les villages, semblent être sur une dynamique d’amorcer une politique de désenclavement de la zone. Mieux, ils (les combattants du Mfdc) ont pris l’engagement de rencontrer les différents chefs de village de la zone pour discuter des projets de construction des pistes de production pour désenclaver cette zone’’, avait confié Robert Sagna, le président du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (Grpc) au sortir d’une rencontre à huis clos de près de cinq tours d’horloge tenue à Birkamanding, avec les différents factions rebelles de la zone.

Depuis, la situation semble évoluer positivement. Mais les problèmes qui ont pour noms enclavement et absence criarde d’infrastructures de base demeurent. ‘’Nous sommes oubliés du gouvernement. Vous nous demandez de voter pour vous. En retour, vous ne faites rien pour nous’’. (...) ‘’Nos villages sont oubliés. Il n’y a pas d’infrastructures réalisées par l’Etat. Notre école de 3 classes a été construite par les populations. Nous ne disposons pas de pistes et d’infrastructures de base. C’est comme si nous ne sommes pas des Sénégalais’’. Ces cris du cœur sont respectivement de la présidente du Groupement de promotion féminine, Tening Sonko, et de Landing Badji, le président du Congrès du village de Balonguine situé à une dizaine de kilomètres de Djinaky, sur la route nationale n°5 qui mène à Diouloulou.

Grossesses précoces, pandémie du sida…

Frontalière avec la Gambie, la ‘’Zone des palmiers’’ fait face aux questions liées aux grossesses précoces, à la pandémie du sida, mais également à l’inscription des naissances à l’état civil, du fait notamment de l’enclavement, mais aussi de la quasi-absence de l’Etat et de ses démembrements. Les multiples cris du cœur, de détresse et les nombreux appels du pied émanant de cette localité ne tombent pas toujours dans l’oreille d’un sourd. Très sensible aux problèmes de santé dont souffrent les populations de cette partie du département de Bignona et conscient de l’importance de la place de la santé dans le développement local, le Réseau des acteurs de la santé de Djinaky a décidé d’agir. C’est donc en réponse à cette lancinante question de santé qu’elle a organisé la première édition des 72 heures de Balonguine.

Le choix de ce village pour abriter la manifestation ne relève pas du hasard. Son semblant  d’accessibilité vis-à-vis des autres villages de la ‘’Zone des palmiers’’ justifie, en partie, ce choix.  Mieux vaut prévenir que guérir !  Cette option du Réseau des acteurs de la santé de Djinaky se traduit, sur le terrain, à travers un vaste programme d’information, d’éducation et de communication au profit des populations, notamment les jeunes et les femmes qui sont considérés comme des couches vulnérables.

Pour la présente édition, les questions liées aux grossesses précoces et à l’inscription à l’état civil ont rythmé la manifestation, 72 heures durant. ‘’Non aux grossesses précoces’’, ‘’Oui à l’état civil’’, pouvait-on lire sur les nombreux tee-shirts et les banderoles conçus à cet effet.

Cette édition a enregistré la présence des populations venues des 12 villages de la ‘’Zone des palmiers’’ et d’autres de la commune. Véritable outil de mobilisation sociale, les 72 heures de Djinaky ont aussi vu la participation d’infirmiers, de sages-femmes et de médecins de la région, mais aussi en provenance de Dakar qui ont procédé à des consultations gratuites et à des dons de médicaments aux patients, grâce à l’appui de bonnes volontés, parmi lesquelles Ibrahima Sagna de l’Anacim de Ziguinchor, parrain de la manifestation, par ailleurs responsable de l’Afp à Bignona.

Les responsables de ce Réseau des acteurs de la santé de Djinaky sont unanimes. La pérennisation de cette mobilisation sociale, qu’ils tiennent à organiser régulièrement pour combler ce profond déficit de prise en charge des soins de santé des populations de la ‘’Zone des palmiers’’, réside dans la mobilisation de moyens, notamment financiers. Raison pour laquelle ils appellent à la générosité des autorités locales de l’Etat, mais également de donateurs. Les 72 heures participant, selon eux, de la consolidation de la paix dans cette partie du département de Bignona qui renait peu à peu de ses cendres, après tant d’années de conflit fratricide.

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

 

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