Publié le 19 Feb 2015 - 12:35
DEFENSES D’AGBOGBA ET DE SAMBA DIASSE

Les avocats plaident la relaxe

 

Les conseillers béninois de Pierre Agbogba ont fusillé Eli Manel Diop hier. Ses dépositions ‘‘mensongères’’ sont à l’origine des déboires de leur client. Ils demandent une relaxe pure et simple et que l’État du Sénégal soit débouté de sa demande de dédommagement de 250 milliards de F CFA. L’avocat d’Alioune Samba Diassé sollicite également la relaxe et la levée de l’administration provisoire d’Abs. Les deux plaidoiries avaient un point commun : les prévenus ne connaissaient pas Karim Wade.

 

L’insinuation du faux témoignage était à peine voilée hier du côté des avocats de Pierre Agbogba. Selon Me Théodore Zinflou, un des avocats de l’ancien directeur général adjoint d’Air Afrique, l’ancien directeur général d’Ahs Sénégal, Eli Manel Diop, a fait dans la délation, en voulant coûte que coûte établir un lien entre Karim Wade et Pierre Agbogba. ‘‘En vérité, Pierre Agbogba ne doit ses misères qu’au seul témoignage d’Eli Manel Diop’’, a fulminé l’avocat, en campant le décor d’une attaque en règle contre l’ancien directeur général de Ahs Sénégal. 

Dans sa plaidoirie, il a tenté de démontrer ‘‘le caractère fantaisiste des accusations et le caractère inopérant des conclusions tirées par la commission d’instruction et la poursuite’’. Après l’historique de l’arrestation de son client, Me Théodore Zinflou a axé sa plaidoirie sur le fait que les déclarations de ce témoin à charge étaient truffées de contrevérités. ‘‘Un directeur ne peut pas embaucher un président de conseil d’administration. Ce sont des enfantillages’’, a poursuivi le conseiller du prévenu.

En effet, Eli Manel Diop a déclaré, pendant l’instruction, avoir procédé à l’audition d’Agbogba, en compagnie de Mamadou Pouye et Ibrahim Aboukhalil. Parmi les autres révélations du témoin, il y a eu la cession du matériel d’Air Afrique, l’entrée de Ahs dans le capital de Shs, la rencontre furtive entre Karim Wade et Agbogba au 11ème étage ‘‘inexistant’’ de l’immeuble ABM… L’avocat considère toutes ces allégations comme ‘‘des déclarations mensongères’’. Tous ces éléments ne seraient qu’une vue de l’esprit, selon Me Zinflou. L’avocat de dire que le témoin s’est déchargé lui-même, en chargeant ses compères. ‘‘Il a retourné sa veste. Il s’est empressé de faire des affirmations pour trouver un lien entre Agbobga et Karim Wade. Quelle est la connexion qu’il a pu établir, si dans chaque déclaration il a pu se contredire ?’’ s’est emporté le bâtonnier béninois.

‘’Agbogba est une victime collatérale utilisée pour atteindre Karim Wade’’

En faisant une lecture croisée des différentes dépositions contradictoires de M. Diop, de l’enquête à la barre, il est arrivé à l’euphémisme suivant : ‘‘Eli Manel Diop est un gestionnaire d’économie de vérité’’. Son confrère, Me Cyril Djikui, estime quant à lui qu’Agbogba est une victime collatérale utilisée pour atteindre Karim Wade. L’inconsistance du délit de complicité réside, selon l’avocat, dans le fait ‘‘qu’il lui est reproché d’avoir dissimulé les véritables identités des propriétaires d’une société qui a été créée bien avant son exercice’’.

Le bâtonnier du barreau béninois s’est ensuite évertué à établir que l’accusation de complicité d’enrichissement illicite ne tient pas, sur un plan purement juridique. ‘‘En toute connaissance de cause, rien ne prouve une quelconque accointance avec Karim Wade, puisque jamais auparavant, ils ne se connaissaient. Peut-on être complice avec quelqu’un qu’on ne connaît pas ?’’ s’est-il demandé. Pour lui, toute décision de condamnation doit mentionner les modes de complicité retenus, sous peine d’être cassée pour insuffisance de motifs. ‘‘En l’espèce, ni à l’enquête préliminaire, ni à l’instruction, il n’a été explicité l’agissement de Pierre Agbogba entrant dans les cas limitativement prévus par la loi’’, a ajouté la robe noire. Un argumentaire renforcé par le mandat reçu en 2008 pour la gestion d’Ahs Sénégal. Au finish, il a demandé au juge de ne pas suivre le réquisitoire du parquet spécial.

Samba Ametti : ‘‘Raisonnement bancal, inacceptable en droit’’

La défense a compris qu’en établissant des relations inexistantes entre les prévenus et Karim Wade, l’infraction d’enrichissement illicite s’écroulerait comme un château de cartes. Me Samba Ametti, l’avocat de Alioune Samba Diassé, a suivi une démarche presque identique à celle de ses confrères béninois. Disculper son client en niant toute connexion personnelle ou professionnelle avec le principal prévenu. ‘‘Aucun témoin n’a dit qu’il a vu M. Diassé en compagnie de Karim Wade. Personne n’a pu établir qu’il a une connaissance personnelle avec lui. Et ce dernier soutient la même chose. D’autre part, je ne vois trace d’aucun mouvement financier entre Abs sa et Karim Wade’’, a déclaré le défenseur.

Les incongruités relevées par la partie civile ont été également abordées. Si l’accusation a trouvé la création et la gestion de la société Abs ‘‘bizarre’’, c’est un élément insuffisant pour charger un individu, selon l’avocat. ‘‘Ce raisonnement est bancal, inacceptable en droit’’, a-t-il lancé. Selon lui, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un transitaire et vendeur d’encens cherche à s’accomplir professionnellement. Prenant l’exemple de l’exportateur de riz Bocar Samba Dièye, qui a percé à partir d’une échoppe, Me Samba Ametti trouve qu’il n’y a rien ‘’d’offusquant ou de scandaleux qu’une personne exploite une opportunité pour faire une fortune’’. Sur le fond de la procédure, il estime que c’était à l’accusation d’apporter les preuves de la ‘‘richesse suspecte et subite’’ de son client, car n’étant pas poursuivi pour enrichissement illicite. ‘‘Où est l’acte matériel ou l’acte intentionnel de complicité ? ’’ s’est demandé la robe noire.

Alioune Samba Diassé : ‘‘Que le droit soit dit et que j’aille me soigner’’

‘’Je suis innocent, je n’ai rien fait, je le répète encore, je ne connais pas Karim Wade. Je ne me suis jamais entretenu avec lui et on ne me l’a pas présenté. Je suis malade, c’est pour cela que je m’exprime difficilement. Je fais confiance à la Cour. Je n’ai jamais été employé de Bibo, mais du groupe Bourgi Transit. J’ai confiance en mon pays et en la justice de mon pays. Je sais que le Droit sera dit. J’ai travaillé pendant 30 ans, construit des maisons avant Abs. Je me suis battu, et me suis fait tout seul. Je n’ai jamais reçu un franc de Karim Wade. Que le droit soit dit et que j’aille me soigner et me refaire une bonne santé.

Ousmane Laye Diop

 

Section: