Publié le 1 Jul 2018 - 00:47
DEFICIT BUDGETAIRE, BOURSES, SALAIRES, PROJETS ETATIQUES, RECETTES…

Amadou Ba dissèque la Loi de finances rectificative 2018

 

La Loi de finances rectificative 2018 est arrêtée à 3 774,7 milliards de francs Cfa contre 3 709,9 milliards prévus par celle initiale de la même année. Soit une hausse de 65,6 milliards de francs Cfa. Un projet qui a été adopté majoritairement, hier, à l’Assemblée nationale.

 

Pour l’année en cours, une loi de finances rectificative s’impose, selon le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, eu égard à l’environnement économique international changeant, entrainant ainsi l’évolution de certains facteurs socio-économiques et la survenue de certains événements à fort impact sur l’équilibre budgétaire global. ‘’Au regard de ceci, le gouvernement a donc jugé nécessaire et, en toute responsabilité, de prendre la décision de déclarer notre cible, le déficit budgétaire, en accord avec nos partenaires techniques et financiers, pour faire face aux nombreux enjeux du moment’’, déclare Amadou Ba. Il a défendu, hier à l’hémicycle, le vote de la loi n°22/2018 portant Loi de finances rectificative (Lfr) pour l’année 2018.

Ainsi, le déficit budgétaire va passer de 367 milliards de francs Cfa, comme prévu dans la loi de finances initiale 2018, à 475,7 milliards, soit une hausse de 108,7 milliards en valeur absolue. En valeur relative, le déficit augmente de 0,6 point, car il se situera à 3,5 % du Pib projeté en 2018, contre 2,9 % en 2017. ‘’Ce sont ces éléments qui ont conduit à la préparation d’une loi de finances rectificative. Celle-ci est arrêtée à 3 774,7 milliards de francs Cfa contre 3 709,9 milliards prévus par la Lfi 2018. Soit une hausse de 65,6 milliards de francs Cfa’’, a-t-il affirmé.

Baisse des recettes fiscales de 65,2 milliards

En réalité, dans la Lfr pour l’année 2018, les recettes fiscales vont connaître une baisse de 65,2 milliards de francs pour s’établir à 2 145,8 milliards de francs Cfa. Par contre, les recettes non fiscales enregistreront une hausse de 32,1 milliards par rapport aux prévisions de la Lfi. Globalement, les ressources internes passeront de 2 439,8 milliards de francs à 2 396,7 milliards, soit une baisse de 43,1 milliards. Les ressources externes du budget général programmées à 1 266,7 milliards enregistrent une hausse de 9,4 % par rapport à la Lfi. ‘’Ces choix difficiles n’équivalent pas à une renonciation aux projets concernés, mais à leur simple report, jusqu’au retour d’une conjoncture favorable permettant de reconstituer les marges de manœuvre budgétaire érodées à la fois par la hausse des cours du pétrole et par l’urgence sociale au niveau des secteurs de la santé et de l’éducation. Il s’agit-là d’une mesure de pilotage, car le budget est le reflet d’un contexte économique et social donné et son contenu doit être constamment adapté au besoin’’, relève le ministre.

Concrètement, il s’agira, d’après lui, de ‘’tempérer’’ le niveau ainsi que le ‘’rythme’’ des investissements financés sur ressources internes dont l’enveloppe 2018 va baisser de 112,6 milliards. Cependant, pour Amadou Ba, il est ‘’important’’ de préciser que la modulation ou régulation budgétaire concerne, pour l’essentiel, les nouveaux projets n’ayant pas encore démarré ou ceux en cours et qui ont un avancement ‘’assez timide’’. Au total, les dépenses du budget général de l’Etat vont s’accroître de 65,6 milliards, au moment même où les recettes internes vont baisser de 43,1 milliards de francs.

‘’En définitive, les dispositions du projet de loi de finances rectificative révèlent que la gestion des finances publiques reste marquée par la poursuite de l’accroissement des recettes budgétaires, la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l’amélioration de la qualité des dépenses d’investissement’’, soutient le ministre.

D’ailleurs, le patron de l’économie sénégalaise a expliqué que la loi de finances initiale 2018 a été préparée sur la base d’un prix du baril de pétrole estimé à 54 dollars et un taux de change fixé à 606 F Cfa pour un dollar Us. Ces projections tenaient compte de certains paramètres qui plaidaient fortement pour un maintien des cours à un niveau modéré.

Cependant, aujourd’hui, le monde fait face à une situation géopolitique internationale qui a entrainé une hausse du prix du baril de pétrole qui avoisine la barre des 75 dollars. Dans la loi de finances initiale pour l’année 2018, les prévisions de recouvrement de 38,2 milliards de francs Cfa inscrits au titre du prélèvement pour le Fonds de sécurisation d’importations de produits pétroliers (Fsipp) sont ramenées à 19,1 milliards de francs Cfa. L’assiette de cet impôt est faite de sorte que lorsque le prix du pétrole augmente, son rendement baisse. ‘’Du côté des dépenses du budget liées à cette hausse du prix du pétrole, l’Etat devait à la Société africaine de raffinage (Sar) et aux distributeurs 37,2 milliards de francs Cfa à fin 2017, auxquels s’ajoutent les 60 milliards qu’il devra payer pour les mêmes raisons en 2018’’, fait-il savoir.

La hausse du baril coûte à l’Etat 166,2 milliards de francs Cfa

Par ailleurs, pour éviter le renchérissement des factures d’électricité supportées par les populations, Amadou a soutenu que l’Etat est obligé de verser, pour cette année, 52 milliards de francs Cfa à la Senelec au titre de la compensation tarifaire. Ceci, en plus de 14 milliards aux distributeurs de produits pétroliers au titre des pertes commerciales.

En définitive, le coût résultant directement de la hausse du prix du baril et devant être supporté par l’Etat en 2018 est estimé à 166,2 milliards de francs Cfa. ‘’Sur le plan interne, des décisions de haute portée sociale ont été prises en direction des travailleurs des secteurs de l’éducation et de la santé, ainsi que des étudiants, en vue de préserver la paix sociale sans laquelle aucun développement n’est possible. Ces décisions auront un impact sur la structure du budget 2018’’, dit-il.

Il s’agit, entre autres, de la régulation immédiate des arriérés d’indemnités pour les heures supplémentaires concernant le secteur de la santé pour un montant de ‘’675 millions de francs Cfa’’, la sécurisation totale des salaires des contractuelles de ce même secteur pour ‘’1 milliard de francs’’.  La prise en compte de l’augmentation du taux des indemnités dites ‘’heures de nuit’’, au profit du secteur de la santé, est estimée à ‘’1,7 milliard de francs Cfa’’. ‘’A titre des revendications syndicales du secteur de la santé, la Lfr les a prises en charge principalement, la révision à la hausse des heures de nuit, la régulation des heures supplémentaires, la sécurisation des salaires des contractuels et l’organisation du Comité régional de l’Oms. Ce qui correspond à un total de 4,1 milliards de francs Cfa’’, ajoute Amadou Ba.

Et aussi, pour des raisons d’équité, au profit des secteurs de la justice et de la sécurité, une enveloppe de ‘’1,4 milliard’’ sera dégagée. Pour la prise en charge de la prime d’astreinte dédiée aux militaires, un montant de 4,2 milliards est réservé. Ainsi, 23 milliards de francs par an, pendant une durée de 3 ans, seront déboursés en guise d’allocation supplémentaire au secteur de l’éducation. Ceci afin de régler ‘’définitivement’’ la question des rappels dus aux enseignants. Sur ce, le ministre a également rappelé qu’il est prévu une augmentation, à partir de fin octobre 2018, de leur indemnité de logement qui va passer de 60 000 à 75 000 F Cfa par mois. Tout en prenant en charge l’incidence financière de la réforme du régime de retraite des enseignants du supérieur, dans le but de leur octroyer des pensions beaucoup plus favorables. Ces dépenses, ajoutées à l’augmentation des bourses des étudiants et aides sociales des étudiants qui passent de 18 000 F Cfa (demi-bourse), à 36 000 F Cfa (bourse entière) et 60 000 F Cfa (3e cycle) à respectivement 20 000 F Cfa, 40 000 F Cfa, 65 000 F Cfa, auront un impact de ‘’6,5 milliards de francs Cfa’’ sur la Lfr.

 ‘’La baisse des prix de restaurant des centres des œuvres universitaires avec comme corollaire le renforcement des dotations du profit des 4 centres des œuvres universitaires pour une somme de 1,8 milliard, le renforcement des crédits destinés aux frais de formation des étudiants orientés dans les universités privées pour 3 milliards, l’impact du recrutement de 15 magistrats de la Cour des comptes, dans le cadre de son plan stratégique 2016-2019 pour un montant de 310,3 millions de francs’’, ajoute le ministre.

715 chantiers en cours

Par ailleurs, Amadou Ba a souligné que le contexte sécuritaire national et international a nécessité la poursuite de l’équipement des forces de défense et de sécurité du Sénégal. Une obligation qui vise à ‘’continuer à veiller à la quiétude’’ de leurs concitoyens. Dans ce domaine, la loi de finances rectificative consacre à l’alimentation et le paquetage des nouvelles recrues (1 000 auxiliaires de police et 1 370 élèves gendarmes) des secteurs de la défense et de la sécurité, un montant de 8,4 milliards de francs Cfa. Mais, également, des acquisitions en moyens modernisés ont été prévues pour 15,6 milliards de francs Cfa.

Sur la situation de Promovilles, le ministre a relevé qu’au titre du budget en cours, les crédits ouverts de ‘’5,150 milliards de francs Cfa’’ ont été dégagés et totalement payés. ‘’L’Etat vient de signer avec la Bid et la Bad des conventions de financement d’un montant de 150 milliards. Néanmoins, du fait que c’est un programme d’envergure nationale, s’il s’avère un besoin de ressources additionnelles, l’Etat tentera de trouver des solutions alternatives pour la reprise des chantiers à l’arrêt’’, annonce-t-il.

Quant à la Couverture maladie universelle (Cmu), le ministre a admis qu’elle doit ‘’effectivement’’ de l’argent à ses partenaires. Mais il soutient qu’il faut admettre que les difficultés de ce programme proviennent ‘’essentiellement’’ de ses dépenses qui se retrouvent supérieures aux autorisations accordées par l’Assemblée nationale, au moment du vote des lois de finances.

Concernant les chantiers qui sont au nombre de 715, il est possible, d’après lui, d’en trouver certains qui sont en arrêt temporairement. Car une modulation des dépenses s’est avérée nécessaire, à la suite de la baisse des recettes tirées du pétrole. Cependant, les chantiers qui ont fait l’objet de crédits votés vont logiquement redémarrer. S’agissant de l’assistance à apporter au secteur pastoral pour la sauvegarde du cheptel, il convient de noter qu’une enveloppe d’urgence de 500 millions sera mise à la disposition du ministère de tutelle.

Prodac, le rapport définitif de l’Inspection générale des finances est sorti

Pour le Prodac, qui fait les choux gras de la presse ces derniers temps, le ministre a informé que l’Inspection générale des finances a établi un rapport provisoire et celui définitif vient de sortir. Toutefois, il n’est pas encore exploité. ‘’A l’époque, le ministre en charge de la tutelle technique du projet avait écrit pour demander que le contrôle soit fait. Ce rapport sera partagé avec toutes les parties prenantes’’, promet le ministre de l’Economie.

Amadou Ba, interpellé par les députés de l’opposition sur la fiabilité des chiffres qu’il donne par rapport à la situation économique du pays, a rétorqué que ‘’le Sénégal ne peut pas tricher’’. ‘’C’est impossible. Jamais les chiffres donnés par le Sénégal n’ont été démentis. Nos cadres sont compétents. Ce sont des fonctionnaires qui ont prêté serment. Toutes les informations sont vérifiées par les institutions internationales. Mieux, le Sénégal est sur les marchés internationaux. Nous ne pouvons pas et nous n’osons pas prendre le risque et le ministre des Finances n’a pas les moyens de modifier les données. Arrêtons ! Mettons en avant les intérêts du pays’’, a-t-il plaidé.

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Me Madické Niang (Pds)

‘’Il y a un viol du principe de l’équilibre et de sincérité budgétaire’’

‘’Ce texte viole le principe de l’équilibre et de sincérité budgétaire. On constate que le président de la République sollicite une autorisation de recevoir des dons et des emprunts, pour un montant de loin supérieur à celui inscrit au niveau des besoins en ressources extérieures. Vous avez demandé 1 785 milliards, alors que vous avez dit clairement, à la page 21 du projet de loi rectificatif, que les ressources externes sont évaluées à 1 260,7 milliards. Donc, si cette autorisation est accordée, cela va créer un déséquilibre entre les ressources et charges au niveau de la loi de finances. Cette demande viole aussi le principe de la sincérité budgétaire.’’

Ousmane Sonko (Pastef)

‘’Il y a trop de manipulations de chiffres dans vos différents documents’’

‘’Il y a trop de manipulations de chiffres dans vos différents documents. Et ça se traduit, aujourd’hui, par une situation qui fait que, sur l’exercice 2017, nous avons accusé un gap de 162 milliards de francs sur les recettes fiscales. Vous ne le démentirez jamais. Et cette dette-là va nous poursuivre. A la fin du 1er trimestre 2018, nous avons déjà un gap de 40 milliards. Sur les années passées, vous avez fait un dépassement de 216 milliards sur les ressources extérieures.

C’est extrêmement gravissime. Cela veut dire que tous les chiffres que vous donnez sont faux. (…) Sur les taxes spéciales du secteur des télécoms, rien n’a pas été changé. Puisque vous n’osez pas affronter les multinationales dans ce secteur, vous leur donnez la possibilité de faire des déclarations trimestrielles. Ce qui est une violation de l’égalité des contribuables devant la loi. Parce qu’en matière de Tva, cette déclaration est mensuelle dans le Code général des impôts. Vous avez reculé parce que, dès le départ, les entreprises de télécoms ont dit qu’elles ne paieront pas. Et vous devez assumer d’avoir annulé la taxe sur les appels entrants. C’est 50 milliards de recettes abandonnés par le président de la République Macky Sall, pour respecter une promesse de campagne faite aux patrons particulièrement celui français. Sur les compagnies d’assurance, vous avez une taxe de 1 % supportée par les consommateurs, alors que vous n’osez taxer les forts profits des compagnies d’assurance et les distributions qui sont faites. C’est là où se trouve l’enjeu. Mais vous êtes toujours en train de poser les charges sur les ménages.’’ 

SIDI TRAORE (Apr) 

‘’Nous défendons des chiffres qui sont légaux et sincères’’

‘’Il est très difficile, dans ce pays, de faire un bon travail. On ne sait pas qui est technicien, expert, connaisseur, etc. Chacun croit qu’il connait mieux que l’autre. Ce Sénégal nous appartient tous. Deux Sénégalais ne peuvent pas vouloir mieux faire que 100 autres. Nous donnons des chiffres et vous êtes des gens venus pour vous opposer. Nous défendons des chiffres qui sont sincères. Si Macky Sall n’avait pas réglé le problème des étudiants, des militaires, des travailleurs sociaux, des professionnels de la santé, etc., on aurait dit qu’il est incapable. Heureusement qu’il a réglé des problèmes qui auraient dû l’être depuis longtemps. Le Sénégal grandit, le peuple augmente de même que les exigences. Quand on vient à l’hémicycle, de grâce, travaillons pour le peuple sénégalais.’’

AYMEROU GNINGUE (Apr) 

‘’Le président de la République a une orientation politique’’

‘’Mon cher frère, vous êtes un brillant avocat (Me Madické Niang), mais un mauvais financier. Le président de la République a une orientation politique que le ministre a traduite dans les faits. Il est venu en aide aux revendications des étudiants, des acteurs de la santé, de la sécurité. Ce que j’ai appris, c’est que le budget est un instrument de contrôle de gestion budgétaire. Donc, si on se rend compte qu’il y a un choc, on se réajuste. Ça, c’est la sincérité, la transparence dans les chiffres et vous êtes félicité, Monsieur le Ministre. Parce que ce que vous avez fait traduit exactement la transparence dont nous avons besoin dans la gestion budgétaire du pays.’’

MARIAMA DIEME

 

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