Publié le 10 Aug 2018 - 23:29
DEFICIT D’INFRASTRUCTURES SPORTIVES AU SENEGAL

Un mal profond

 

La  pratique du sport n’a cessé d’évoluer au fil des années. Compte tenu des outils techniques qui sont utilisés, disposer d’infrastructures adaptées est devenu plus qu’une nécessité, car ayant un impact réel sur les performances des athlètes. Mais, au Sénégal, le plateau infrastructurel n’a pas suivi l’évolution mondiale. La vétusté des quelques complexes sportifs existants ne permet plus à la jeunesse de vivre convenablement sa passion. L’Etat a entrepris, depuis quelques années, la réhabilitation et la construction d’infrastructures de  nouvelle génération, à l’image du Dakar Aréna et de l’Arène nationale. Mais la tâche est ardue, vu l’énormité des besoins.

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DAKAR ARENA ET L’ARENE NATIONALE

Les arbres qui cachent la forêt

Le mouvement sportif sénégalais se réjouit de la venue du Dakar Aréna de Diamniadio et de l’Arène nationale. Ces deux complexes sportifs, tel un iceberg, cachent un déficit énorme en matière d’infrastructures sportives au Sénégal.

2018 est une année charnière sur le plan des infrastructures sportives d’envergure. Le 8 août marquera l’histoire du sport sénégalais, en particulier le basket-ball. Le président de la République a procédé à l’inauguration du Dakar Aréna. Ce joyau, d’un coût de 66 milliards de francs Cfa, est doté d’une salle de basket d’une capacité de 15 000 places répondant aux normes de la Fédération internationale de basket association (fiba). De quoi susciter des ambitions chez les fédéraux.

Ainsi, le président de la Fédération sénégalaise de basket-ball (Fsbb), Babacar Ndiaye, pense offrir bientôt aux amoureux de la balle orange l’organisation d’une grande compétition internationale. Le Sénégal n’avait plus organisé de championnat d’Afrique senior depuis l’Afrobasket féminin 2007 (excepté la phase des poules de l’Afrobasket masculin 2017). ‘’Nous sollicitons auprès du président de la République le dépôt de la candidature du Sénégal pour l’organisation de l’Afrobasket-2019’’, demande-t-il.

 Ce complexe sportif séduit également au-delà des frontières sénégalaises. Cela fait la ‘’fierté’’ de toute l’Afrique, selon le président de la Fiba-Afrique, Hamane Niang. Ce dernier estime que “le Sénégal vient de se doter d’une infrastructure pour accueillir dignement l’Afrobasket. On rêvait d’avoir un stade pareil. Aujourd’hui, c’est une satisfaction pour tous les Africains et du basket mondial’’. Grâce à sa polyvalence, Dakar Aréna peut également abriter des rencontres d’autres disciplines comme le handball, le volley-ball, le tennis, les arts martiaux et autres activités sportives.

Quelques semaines auparavant, le chef de l’Etat avait reçu les clés de l’Arène nationale des mains du président chinois Xi Jinping, le dimanche 22 juillet dernier. Pour la première fois, le Sénégal va disposer d’une plateforme sportive essentiellement dédiée à la lutte. Construite par la République populaire de Chine, l’Arène nationale a coûté 32 milliards de francs Cfa. Elle a une capacité de 25 000 places et comprend différentes salles de sport (arts martiaux, boxe, haltérophilie…). ‘’L’Arène nationale comble un vide dont a toujours souffert la lutte sénégalaise’’, a déclaré le ministre des Sports Matar Ba, à cette occasion. Pendant longtemps, les combats de lutte se sont tenus dans les stades, partageant les pelouses avec le football. Désormais, les amoureux de notre sport national pourront vivre leur passion dans leur propre temple.

Le Sénégal n’avait d’ailleurs pas vécu l’ouverture d’un édifice de cette envergure dédié au sport depuis seize ans. C’était avec la Piscine olympique nationale (Pon) inaugurée le 17 mai 2002 par le président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade. Elle comprend une piscine composée de trois bassins : un plongeoir (15 m x 15), un grand bassin aux dimensions olympiques (50 m x 25) et un petit bassin appelé aussi ‘’bassin d’apprentissage’’ (25 m x 15) pour les besoins de formation. La Pon est également dotée d’une salle de fitness et d’une salle de musculation, de deux terrains de football, deux de basket, entre autres.

Ces deux nouveaux complexes viennent renforcer considérablement le plateau infrastructurel sénégalais en matière de sport. Ces réalisations témoignent sans doute de la volonté de l’Etat à faire avancer les choses dans ce volet. Mais cela ne suffit pas. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour permettre aux sportifs, en général, et la jeunesse, en particulier, de s’épanouir en pratiquant leurs sports préférés dans des conditions acceptables.   

Un retard considérable à rattraper

Le déficit d’infrastructures sportives est une question qui a longtemps fait débat au Sénégal. L’Etat a défini une politique sportive nationale dont les contours sont exposés dans la loi 84-59 du 24 mai 1984, portant Charte du sport. Celle-ci envisage la dotation de chaque région d'au moins d’un complexe sportif moderne et la construction d'un ou de plusieurs stades nationaux à caractère olympique.

C’est dans le cadre de cette stratégie que sont construits des stades comme Amitié (actuel Léopold Sédar Senghor), qui a été inauguré par l’ancien président Abdou Diouf, en 1985. D’une capacité de 60 000 places, il est le fruit de la coopération sino-sénégalaise et est financé à hauteur de 9 milliards de francs Cfa. En plus du football, il accueille également d’autres disciplines comme l’athlétisme - grâce à sa piste -, l’escrime, le basket, le volley-ball, entre autres.

Dans les régions, également, des infrastructures sportives sont édifiées. Ce qui a permis au Sénégal d’être désigné pays organisateur de la 18e édition de la Coupe d’Afrique des nations de football, Sénégal-1992, remportée par la Côte d’Ivoire. Dakar, avec le stade de l’Amitié, et Ziguinchor, avec Aline Sitoé Diatta, ont été les villes hôtes de la compétition. Aline Sitoé a d’ailleurs été réfectionné pour l’occasion. Il est passé de 1 500 à 10 000 places. En plus de la pelouse synthétique, il dispose d’une piste d’athlétisme et d’un terrain de basket.

Entre-temps, les choses n’ont pas beaucoup bougé. Le Sénégal s’est endormi sur ses lauriers, se faisant dépasser par certains pays voisins. Plus aucune compétition internationale majeure, notamment de football, ne s’est tenue dans notre pays. A part Léopold Sédar Senghor, aucun autre stade n’est homologué par la Fédération internationale de football association (Fifa) ou la Confédération africaine de football (Caf) pour les matches de l’équipe nationale. Les autorités étatiques furent alors rattrapées par le temps. En 2012, le pire arriva. Le stade Lss a été suspendu à cause des scènes de violence du fait des supporters, après la défaite des Lions (2-0) contre la Côte d’Ivoire en éliminatoires de la Coupe d’Afrique 2013. Ne trouvant pas d’alternative, l’équipe sénégalaise était obligée de jouer ses matches à domicile en terre étrangère. C’est le cas de la rencontre contre l’Angola (1-1), comptant pour les éliminatoires de la Can-2015, délocalisée en Guinée. Il en est de même du match retour contre les Eléphants de Côte d’Ivoire (1-1) joué à El-Jadida (Maroc), pour la dernière journée des éliminatoires de la Coupe du monde 2014.

Dans les autres régions, les quelques infrastructures existantes sont atteintes de vétusté. Cela a eu un impact négatif sur les résultats sportifs. Les clubs de football, de basket, de handball, de volley-ball, entre autres disciplines, ont du mal à s’imposer dans les compétitions nationales. Avec l’avènement de la première alternance, un programme de réhabilitation des stades régionaux, en collaboration avec la Chine, a été initié. Ce partenariat a permis de mettre sur pied, dans les 11 régions qui existaient alors, un stade muni d’un gazon synthétique. Mais faute d’entretien et de maintenance, ces infrastructures, pour la plupart, ont très vite été confrontées à des problèmes.

A côté des œuvres sportives régionales, il y a celles à caractère municipal qui n’offrent pas toutes les commodités pour la pratique convenable du sport. Cela est dû à la faiblesse des moyens dont disposent les collectivités qui ont hérité de la gestion de ces infrastructures, dans le cadre des compétences transférées. L’Etat est donc obligé de venir à la rescousse des élus locaux. Mais les moyens sont limités et contraignent les autorités étatiques à y aller progressivement.     

LOUIS GEORGES DAITTA

 

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