Publié le 20 Nov 2014 - 14:39
DEGUERPISSEMENT DES AMBULANTS À DAKAR

Grand Yoff refuse de bouger 

 

Le marché Grand-Yoff a été le théâtre, hier, de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les marchands ambulants. Dénonçant la destruction de leurs biens, ces derniers sont bien décidés à faire face au maire de la commune pour défendre leur gagne-pain.

 

Le visage fermé, l’air anxieux, les yeux hagards qui laissent transparaître une grande fatigue, Cheikh Diawara est en train de démanteler sa cantine de fortune, près de la rue qui jouxte le marché de Grand Yoff. ‘’Je veux mettre ma marchandise en sécurité avant que les équipes de déguerpissement ne reviennent. Et en profiter pour m’installer ailleurs, en attendant que la situation se calme ’’, déclare t-il, tout en remballant ses produits cosmétiques dans des sacs en plastique. Indifférent au chaos qui l’entoure, il scrute parfois l’horizon où brûlent des pneus et autres tables, témoins de la violence des affrontements qui perturbent les activités économiques du marché Grand Yoff depuis le matin. ‘’Suite à la destruction de quelques cantines par les agents de la Mairie de la Commune de Grand Yoff (hier), les marchands ambulants ont barré la rue et ont affronté les forces de l’ordre’’, confie un  passant.

Des feux allumés çà et là se nourrissent des nombreux sacs plastiques et autres objets qu’y jettent des enfants en mal de distraction. Un large manteau de fumée noire enveloppe la rue, laissant parfois apparaître un paysage de désolation où se mêlent détritus, débris et autres bouts de tables jonchant le sol. L’odeur de brûlis et de grenades lacrymogènes ne dissuade pas les nombreux badauds et curieux venus voir la scène. Les klaxons de quelques rares bus qui se faufilent entre les détritus qui jonchent le sol se mélangent aux fracas des marteaux et scies électriques qui découpent la tôle des magasins.  Peu à peu, le marché disparaît sous l’œil désolé de ses occupants, maîtres d’un lieu en plein démantèlement.

Toutefois, ils se disent bien décidés à défendre leur gagne-pain contre ce qu’ils appellent les ‘’ provocations du maire’’. ‘’ Les bulldozers du maire Pape Madiop Diop sont arrivés hier dans la nuit pour détruire les échoppes et les étals de fortune, sans avertir leurs propriétaires. Ainsi, beaucoup de marchands ont perdu leurs marchandises, sous l’action des voleurs et brigands qui ont profité de la situation pour commettre leur forfait’’, déclare Khalifa Diop qui discute avec des jeunes assis sur les débris de leur magasin en dur.

Du haut de sa petite taille, son ami Fallou Diouf lui emboite le pas pour dénoncer les agissements de l’édile de la commune. ‘’Il nous avait fixé un délai pour libérer la voie publique. Et ce délai devait expirer le 20 novembre (aujourd’hui). Malheureusement, après avoir essuyé quelques quolibets et des jets de pierres de la part des marchands, lors d’une tournée avec le Préfet, dans le cadre des opérations de déguerpissement sur l’autoroute, il a décidé d’avancer la date et a commencé à détruire nos emplacements,  ce qui a suscité la colère de ces derniers qui en sont venus aux mains avec les policiers qui ont fini par quitter les lieux, en fin de matinée’’, fulmine-t-il.

 Au coin de la rue qui mène au pont de la Patte d’Oie, on assiste à un ballet de charrettes remplies de bagages de toutes sortes. Sous le regard de Fatou Seck, propriétaire d’un magasin d’articles féminins, les trottoirs se vident de leurs occupants ne laissant que des tas d’ordures. ‘’Comment voulez-vous chasser les vendeurs, sans leur donner un site de recasement. Les vendeurs à la sauvette se sont installés sur la voie publique parce qu’ils n’ont pas le choix et qu’ils auraient préféré avoir des places dans les marchés’’, plaide-t-elle. La commerçante d’ajouter : ‘’il ne faut pas attendre des événements comme le sommet de la Francophonie pour vouloir les déguerpir. Ce qu’il faut, ce sont des mesures définitives pour résoudre le problème de l’occupation de la voie publique’’, dit-elle avec amertume.

Loin des bruits et de la fureur, des retraités se prélassent à l’ombre d’un vieux fromager. En tant que riverains, ils se sentent pris en otage entre la Mairie et les ambulants qui ont complètement défigurés leurs quartiers. ‘’Nous devons faire face à tous les désagréments qu’engendrent ces occupations illégales, avec leur lot de bruits et de saletés. Nous voulons seulement que le maire trouve une solution pour les recaser, sous peine de les voir grossir les rangs des agresseurs’’, prévient Oumar Mbengue, ancien fonctionnaire retraité.

Mamadou Makhfouse Ngom

 
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